Sombre tableau que celui donné de la France, ces temps-ci, par la presse allemande. « Le coronavirus met le système de santé français en état d’alerte. Comment en est-on arrivé là dans un pays qui met tant d’argent dans ce secteur ? », s’interrogeait, le 1er avril, la Frankfurter Allgemeine Zeitung, de sensibilité libérale-conservatrice.
A gauche, la tonalité est la même. « La crise du coronavirus a eu pour première conséquence le discrédit de l’Etat français, écrivait le quotidien berlinois Tageszeitung, le 2 mai. De même que la France s’était imaginée en sécurité derrière la ligne Maginot avant la seconde guerre mondiale, la majorité de ses citoyens a été éduquée en croyant à un pouvoir central protecteur. L’illusion est tombée. La France était mal préparée et n’avait pas “le meilleur système de santé du monde”, contrairement à ce qu’on lui avait dit. »
Sur la situation politique, le constat est tout aussi sombre. En France, « la cote de popularité du président a baissé davantage que dans les autres pays d’Europe durement touchés », observait le Spiegel, le 15 mai. Pour expliquer cette singularité, l’hebdomadaire allemand évoquait trois éléments : un sentiment largement partagé de « déclassement », lié au nombre particulièrement élevé de morts du Covid-19 en France ; les « sombres pronostics économiques » d’un pays menacé de voir son PIB reculer de « plus de 8 % cette année » ; et enfin, les institutions de la Ve République.
« En France, le président est responsable de tout, il a plus de pouvoir que la plupart des chefs d’Etat européens, et c’est lui seul qui rend des comptes. Or cette verticalité du pouvoir ne pose aucun problème à Macron : c’est quelqu’un qui aime décider. Sauf qu’aujourd’hui, en pleine crise, cela se retourne contre lui », analysait le Spiegel dans cet article au titre cinglant : « Faire le show et de grands gestes : cela n’est plus possible. »
Monarchie républicaine d’un côté, démocratie parlementaire de l’autre. Le jacobinisme face au fédéralisme. La France des fièvres hexagonales, où le moindre compromis est vu comme une compromission et où continue d’opérer le mythe révolutionnaire de la table rase, face à une Allemagne qui s’est reconstruite, sur les décombres du nazisme, en faisant du consensus la vertu cardinale et du droit le garant de l’ordre social face aux excès de la politique… En l’espace de quelques semaines, la crise du Covid-19 a rejoué, de façon presque caricaturale, cet éternel match France-Allemagne à la fin duquel le gagnant semble toujours être le même.
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