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FRANCE

Un drapeau confédéré, symbole raciste, affiché à la fenêtre d'une caserne de policiers à Paris

Le drapeau confédéré, reconnaissable, affiché à la fenêtre du deuxième étage d'un bâtiment de la caserne de police du boulevard Bessières à Paris, le 30 juin 2020.
Le drapeau confédéré, reconnaissable, affiché à la fenêtre du deuxième étage d'un bâtiment de la caserne de police du boulevard Bessières à Paris, le 30 juin 2020.
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Un habitant du 17e arrondissement de Paris a transmis à notre rédaction deux photos prises depuis sa fenêtre : on y voit un drapeau confédéré accroché à la fenêtre d'une caserne de police voisine. Ce symbole jugé raciste, voire esclavagiste, par beaucoup pose question, alors qu'un vif débat sur le racisme dans la police agite la société française.

MISE À JOUR le 10/07/2020 : ajout d’une capture Google Street View datée de juillet 2014 

Les photos ont été prises le 30 juin vers 21 h. Au deuxième étage d'un bâtiment de la caserne de police située au 46 boulevard Bessières, on distingue très clairement le drapeau confédéré, qui recouvre presque totalement la fenêtre.

“Sur ces deux photos, vous trouverez tout à gauche au deuxième étage le drapeau confédéré (symbole raciste) qui n'a rien à faire dans une caserne de police selon moi”, a précisé la personne nous ayant transmis les images, dont nous avons préservé l'anonymat. 

À droite, une photo de drapeau confédéré pris en 2010 dans le Mississippi. Cet État le reprenait en haut à droite de son drapeau, mais l'a retiré le 30 juin, à la suite d'une décision du gouverneneur. Un geste ayant pour objectif de "se réconcilier et d'avancer" après la mort de George Floyd et au soulèvement antiraciste qui a suivi. Crédit : Flickr/edward stojakovic

Nous avons pu confirmer que les photos sont authentiques grâce aux métadonnées contenues dans les fichiers originaux, transmis par mail. Ces métadonnées indiquent notamment les coordonnées précises du lieu où la photo a été prise, le modèle de smartphone utilisé et l'heure.

Cette capture partielle des métadonnées confirme la date à laquelle les photos ont été prises et d'autres informations fournies par leur auteur. 

Nous avons reçu la photo une heure environ après qu'elle a été prise et nous sommes rendus sur place le lendemain midi, soit le 1er juillet. Le drapeau avait alors disparu de la fenêtre, visible depuis la rue.

Un policier nous a confirmé avoir connaissance de "cette histoire de drapeau", précisant qu'il n'avait rien vu de ses propres yeux et qu'il ne souhaitait pas faire de déclaration.

Le 1er juillet, notre rédaction a contacté la préfecture de police de Paris pour obtenir des explications sur la présence du drapeau et savoir si des sanctions avaient été prises. L'institution n'a pas répondu à nos questions, adressées par mail, malgré de multiples relances téléphoniques. Nous publierons sa réponse si elle nous parvient.

Le lendemain de la publication de cet article, un lecteur nous a signalé que le drapeau confédéré a été affiché au moins une autre fois dans le passé à la même fenêtre. On peut le voir sur Google Street View depuis une rue adjacente dans une prise de vue datée du mois de juillet 2014. Sur les prises de vue des années suivantes, le drapeau est absent. 

 

Un symbole raciste

Le drapeau confédéré est composé d'un fond rouge, d'une croix bleue en diagonale et de 13 petites étoiles blanches. Elles représentent les États du Sud des États-Unis, esclavagistes, qui, pendant la Guerre de Sécession, affrontaient les États du Nord.

Aujourd'hui, la portée symbolique de ce drapeau ne fait pas l'unanimité aux États-Unis, mais il est ailleurs largement perçu comme l'emblème d'une idéologie raciste, voire suprémaciste blanche et esclavagiste. Il a notamment été massivement repris par les membres du Ku Klux Klan, une société secrète terroriste suprémaciste blanche fondée par d'anciens officiers de l'armée confédérée.

Après une polémique sur la présence de ce drapeau sur des bâtiments publics en Caroline du Sud après la tuerie de Charleston en 2015, l'historienne Nicole Bacharan avait déclaré dans le journal Libération qu'il a "notamment été très utilisé dans les manifestations contre les droits civiques des Noirs, dans les années 1960, par tous les ségrégationnistes. […] C'est toujours un emblème raciste clair comme de l'eau de roche [aux États-Unis], utilisé par les groupes d'extrême droite, et parfois par les groupes de défense du port des armes".

Pour le journaliste indépendant Sébastien Bourdon, spécialiste de l'extrême droite contacté par notre rédaction, ce symbole est moins connu que ceux renvoyant à l'Allemagne nazie, mais il reste largement utilisé dans les milieux identitaires.

 

Quand je regarde des profils de personnes affiliées à l'extrême droite en France, je vois beaucoup ce drapeau accroché aux murs dans des domiciles privés, lors de fêtes et de réunions. Je n'en ai jamais vu dans les locaux de ces groupes, mais très peu d'images de ces endroits filtrent. C'est un symbole qui est utilisé depuis longtemps en France, par l'extrême droite en premier lieu mais aussi par les groupes radicaux de supporters de foot, comme à Nancy. Le symbole a même été repris dernièrement par un des principaux graffeurs identitaires, La Cagoule.

Ce dessin intitulé "White Brother", soit "Frère blanc" en français, a été diffusé le 25 mars dernier sur la chaîne Telegram du graffeur La Cagoule : on voit à droite le drapeau confédéré et, à gauche, une "Totenkopf", symbole d'une division de la Waffen-SS.

 

"C'est probablement une réaction à l'actualité"

L'affichage de ce drapeau ne surprend pas Noam Anouar, délégué départemental du syndicat policier Vigi (ex CGT-Police, très minoritaire) et brigadier en Île-de-France.

 

Ce drapeau est affiché face à la rue dans un contexte très particulier, c'est probablement une réaction à l'actualité [les manifestations du mouvement Black Lives Matter liées à la mort George Floyd, NDLR]. Mais ce qui me frappe le plus, c'est l'impunité généralisée. Je doute que les personnes responsables de l'affichage de ce symbole soient ensuite l'objet d'une enquête administrative.

J'avais moi-même dénoncé la présence de dessins racistes et de l'affiche d'un spectacle de Dieudonné dans un local de la police au Mesnil-Amelot en 2017, mais il ne s'était rien passé.

En 2011, son syndicat alors affilié à la CGT avait porté plainte contre une compagnie de CRS basée à Perpignan après avoir découvert un portrait d'Hitler dans ses locaux. La plainte avait été classée sans suite et le policier avait écopé d'un blâme.

 

Un drapeau déjà présent dans d'autres commissariats

En 2014 et 2019, des photos et vidéos ont attesté de la présence du drapeau confédéré dans différents locaux de la police française. 

Le symbole sudiste américain était ainsi visible dans une photo publiée sur Twitter le 23 octobre 2014 à l'occasion d'une visite du commissariat du 14e arrondissement de Paris du ministre de l'Intérieur de l'époque, Bernard Cazeneuve. Suite à la polémique, la préfecture de police de Paris avait relativisé cette "non affaire", indiquant que l'affichage n'avait pas de connotation politique et qu'il était le fait d'un fan des États-Unis, rapporte Le Parisien.

En juin 2019, un drapeau confédéré avait également été repéré par un internaute dans un commissariat de Niort, filmé à l'occasion d'un reportage télévisé diffusé sur France 3 Nouvelle-Aquitaine. 

Ces dernières semaines, le média en ligne indépendant Streetpress et le podcast Arte Radio ont publié des messages échangés dans des groupes Facebook et WhatsApp de policiers, contenant des propos racistes, antisémites, xénophobes et misogynes. Le ministre de l'Intérieur Christophe Castaner, depuis remplacé par Gérald Darmanin, avait alors saisi le parquet de Paris pour enquêter sur des "propos inacceptables [s'il sont avérés, qui] sont de nature à porter gravement atteinte à l'honneur de la police et de la gendarmerie nationales, dont les hommes et les femmes sont engagés au quotidien pour protéger les Français, y compris contre le racisme et les discriminations". 

Article écrit par Liselotte Mas

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