INVESTISSEMENTUne relance verte pourrait générer jusqu'à 1,8 million d'emplois d'ici 2030

Une relance verte pourrait permettre de générer 1,8 million d’emplois d’ici à 2030, calcule WWF

INVESTISSEMENTAvec l’aide du cabinet d’audit Ernst & Young, l’ONG WWF France a cherché à évaluer les bénéfices, notamment sur l’emploi, qu’il y aurait à se saisir de cette opportunité qu’est le plan de relance post-covid pour investir massivement dans la transition écologique
Panneaux photovoltaïques installés sur le toit d'un garage à Strasbourg
Panneaux photovoltaïques installés sur le toit d'un garage à Strasbourg - G. Varela / 20 Minutes
Fabrice Pouliquen

Fabrice Pouliquen

L'essentiel

  • L’interview télévisée d’Emmanuel Macron le 14 juillet devrait permettre d’en savoir plus sur le plan de relance que l’Etat prépare pour relever l’économie après la crise liée au Covid-19.
  • Dans un rapport publié ce vendredi, WWF et le cabinet Ernst & Young ont tenté d’évaluer les bénéfices, notamment en termes d’emplois qu’il y aurait à placer la transition écologique au cœur de ce plan de relance.
  • Le scénario que l’ONG pousse, le plus ambitieux, permettrait d’arriver à un million d’emplois soutenus à l’horizon 2022 et 1,8 million même d’ici à 2030, dans les transports, les énergies renouvelables, la rénovation des bâtiments, l’agriculture…

Un million d’emplois soutenus à l’horizon 2022 et même 1,8 million d’ici à 2030. Voilà ce qu’on gagnerait à colorer fortement en vert le plan de relance de l’économie post-Covid 19 que doit annoncer Emmanuel Macron.

Du moins, c’est à cette estimation qu’arrive WWF France dans un rapport réalisé avec le cabinet d’audit Ernst & Young (EY) et publié ce vendredi. L’ONG a analysé le potentiel en termes d’emplois soutenus – c’est-à-dire maintenus et créés- qu’il y aurait à se saisir de cette « opportunité historique » qu’est le plan de relance pour investir massivement dans les secteurs clés de la transition écologique. De la rénovation énergétique des bâtiments à l’agriculture bio, en passant par les énergies renouvelables, les transports individuels, les transports en commun…

La relance verte, « seul scénario à la hauteur des enjeux »

WWF et EY ont élaboré trois scénarios prospectifs en y appliquant à chaque fois un modèle de prévisions intégrant plusieurs paramètres – investissement, croissance etc - pour estimer le nombre d’emplois créés secteur par secteur.

Le « scénario tendanciel », dans lequel l’État n’investirait pas plus dans la transition écologique que les 15 milliards d’euros qu’il met déjà aujourd’hui, ne permettrait alors qu’une légère hausse du nombre d’emplois liés à la transition écologique. Des 586.000 actuels, on passerait à 588.000 en 2022 et à 631.000 en 2030. Dans le scénario « Engagements actuels », la France se contenterait de respecter ses engagements pris en matière de transition écologique, que ce soit dans la Programmation pluriannuelle de l’énergie*, la Stratégie nationale bas carbone**, ou encore la loi Egalim***. L’investissement dans la transition écologique passerait alors de 15 milliards d’euros annuels à 24 milliards en 2022 et 38 en 2030. A la clé ? 863.000 emplois dès 2022 et 1,493 million en 2030.

Enfin, le scénario « Relance verte » définit pour chaque secteur des objectifs plus ambitieux encore que ceux fixés par les engagements actuels. Sans surprise, c’est celui que préconise WWF, rappelant que lui seul permettrait « d’amorcer une transition écologique à la hauteur des enjeux ».

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A la condition d’investissements bien plus massifs

Cette troisième voie impliquerait de mettre bien plus d’argent sur la table, puisqu’il s’agirait d’arriver à 29 milliards d’euros annuels investis dans la transition écologique dès la période 2020-2030 – soit 14 de plus qu’aujourd’hui - et même 44 milliards annuels vers 2030.

Des sommes importantes donc, « mais pas irréalistes », estime Pierre Cannet, directeur du plaidoyer à WWF France. « Les seules subventions en faveur des énergies fossiles coûtent annuellement 18 milliards d’euros aux finances publiques », rappelle-t-il. Surtout, Pierre Cannet renvoie vers le plan de relance de 750 milliards d’euros, dont 250 milliards de prêts et le reste de subvention, que propose la commission européenne. « Sur ces montants, la France devrait bénéficier de 37 milliards à répartir sur les quatre prochaines années [soit donc un peu plus de 9 milliards par an], indique-t-il. Ce montant couvrirait déjà la majorité des 14 milliards de financements publics supplémentaires identifiés sur la période 2020-2023 dans le scénario « Relance verte ». Et il y a d’autres leviers potentiels. Les obligations vertes par exemple, qui permettent à la France d’emprunter presque à taux négatifs, le fonds européen de transition juste, ou encore la fiscalité sur les activités polluantes. »

Jusqu’à 406.000 emplois dans la rénovation thermique des bâtiments

Le jeu en vaudrait la chandelle. C’est en tout cas ce troisième scénario qui permet, selon WWF et EY, d’arriver à ce un million d’emplois soutenus en 2022 et 1,8 en 2030. « Ils sont non délocalisables et l’ensemble du territoire en bénéficiera avec plus de 80 % des emplois soutenus localisés hors de l’Ile-de-France en 2030 », ajoute Pierre Cannet.

Ce scénario « relance verte » reprend notamment la proposition de la Convention citoyenne pour le climat de rendre obligatoire la rénovation énergétique globale des bâtiments d’ici 2040. Cet objectif permettrait d’arriver à 278.000 emplois dans la rénovation énergétique des bâtiments en 2022 et 406.000 en 2030. Contre 167.000 emplois aujourd’hui. Le secteur actuel du bâtiment, tourné majoritairement sur la construction neuve, basculerait alors principalement sur la rénovation de l’existant. Des cinq secteurs clés de la transition énergétique pris en compte par le WWF, c’est celui qui représente le plus fort gisement d’emplois.

Un boom d’emplois avec l’électrification du parc automobile ?

Celui de l’électrification du parc automobile, pour sa part, est celui qui a le plus fort potentiel de développement. Et pour cause, la filière balbutie encore aujourd’hui, avec seulement 11.000 emplois aujourd’hui, selon le rapport. « Stimuler très fortement le secteur des véhicules à très faibles émissions pourrait permettre de soutenir 328.000 emplois en 2030, ce qui revient à multiplier par 30 le nombre d’emplois actuellement soutenus par les secteurs liés à la production et la distribution de voitures électriques et hybrides rechargeables et à la mise en place de bornes de recharge, par rapport à 2019 », note le rapport.

Dans les énergies renouvelables, le scénario de la relance verte permettrait de passer de 152.000 emplois actuels à 191.000 en 2022 puis 256.000 en 2030. « Ces emplois concernent principalement les développeurs, les fabricants d’équipements, les constructeurs, les exploitants, les opérateurs de maintenance et les producteurs de matières premières pour les bioénergies », détaillent les auteurs. Le développement des infrastructures de transport urbain et la régénération et l’extension du réseau ferroviaire, sujet sur lequel WWF France insiste beaucoup, permettrait de générer 125.000 emplois en 2022 et 137.000 en 2030, contre 93.000 aujourd’hui.

Stopper l’hémorragie dans l’agriculture ?

Dans le secteur de l’agriculture, cette « relance verte » permettrait de stopper la diminution des emplois agricoles observée ces dernières années. « Le scénario tendanciel est basé sur une diminution de 1,2 % des emplois soutenus par an, ce qui correspond à la tendance observée depuis 2010, indiquent WWF et EY. A ce rythme, « plus de 100.000 emplois sont perdus d’ici 2030, soit une diminution de 15 %, précise le rapport. On passerait alors de 695.000 emplois actuels dans l’agriculture à 595.000 en 2030.

Le scénario relance verte viserait à endiguer ces pertes d’emplois en orientant les subventions dans ce domaine vers la transition à l’agriculture biologique plus pourvoyeuse d’emplois****. L’ambition serait alors de passer à 22 % de la surface agricole utile en bio d’ici 2022 et 44 % en 2030, contre 7,5 % aujourd’hui. On passerait alors des 685.000 emplois actuels dans le secteur agricole à 724.000 en 2030, dont 450.000 dans l’agriculture biologique.

Le vélo à ne pas oublier

Enfin, le potentiel emploi des activités autour du vélo n’est pas non plus à oublier, estiment WWF et EY. Ils évaluent à 352.000 le nombre d’emplois auquel on pourrait arriver en 2030 en misant fortement sur le développement de la bicyclette en France, contre 85.000 aujourd’hui. « Une part importante de ces emplois concernerait la construction de pistes cyclables et les matériels de stationnement de vélos ainsi que le secteur de la logistique, en particulier les coursiers et les employés à vélo de La Poste », détaille WWF qui préconise d’augmenter le fonds vélo de 50 à 500 millions d’euros par an.
Et si on ajoute le vélo-tourisme, pour lequel la France dispose d’un fort potentiel de développement, le nombre d’emplois (hébergement, restauration, location…) soutenu par la petite reine pourrait être plus important encore. On arriverait à 224.000 en 2030 dans le scénario « relance verte » contre 76.000 aujourd’hui.

* La Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) fixe la politique énergétique de la France pour les années qui suivent. L’actuelle porte sur la période 2019-2028 et ambitionne notamment de baisser de 35 % la consommation d’énergies fossiles et de 16,5 % la consommation finale d’énergie par rapport à 2012, ou encore de ramener la part du nucléaire dans la production d’électricité à 50 en 2035.

** La Stratégie nationale bas carbone (SNBC) fixe secteur par secteur les réductions d’émissions de gaz à effet de serre à gagner d’ici 2050. Cette feuille de route fixe l’objectif global intermédiaire de réduire de 40 % nos émissions d’ici à 2030 par rapport à 1990.

*** La loi Egalim du 30 octobre 2018 fixe l’objectif de 15 % de surface agricole utile en agriculture biologique en 2022.

****« Le nombre moyen d’unité de travail annuelle (UTA – c’est-à-dire le temps de travail d’une personne à temps complet pendant un an) est plus important dans une exploitation bio qu’en conventionnel [2,4 par contre 1,5, selon le diagnostic du Ministère de l’agriculture], rappelle le rapport.

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