Nombre de restaurants proposent désormais des menus disponibles sur mobile, par QR Code (Ici à Mexico, début juillet) (Photo by Manuel Velasquez/Getty Images)

Partout dans le monde, nombre de restaurants proposent désormais des menus disponibles sur mobile, par QR Code (ici à Mexico, début juillet) (Photo : Manuel Velasquez/Getty Images).

Manuel Velasquez/Getty Images

Depuis le déconfinement, le café Lorette, près de l'église du même nom, au coeur du IXe arrondissement de Paris, a repris le service avec quelques ajustements sanitaires. Sur la terrasse, le serveur ne distribue désormais plus de cartes, mais pointe du doigt un QR code - pour Quick Response code - au centre de la table. L'accès au menu se fait par smartphone, en lisant le code grâce à son appareil photo embarqué. Pas besoin de plus d'explications. Tout le monde connaît ce symbole, arrivé en France il y a une quinzaine d'années et qui permet déjà de contrôler nos billets de train, entre autres choses. D'ailleurs, le café Lorette n'est pas le seul à s'en servir. Une majorité de bars et de restaurants y sont convertis depuis le 2 juin, afin de s'éviter une coûteuse désinfection des menus.

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"Il y a un boom autour du QR Code parce que l'on peut l'utiliser sans toucher. Le QR Code permet de stocker beaucoup plus de caractères alphanumériques qu'un simple code-barres. Et donc dans un monde où les flux d'informations sont de plus en plus importants, où tout est chiffres, tout est nombre, cela permet d'avoir du contenu augmenté", résumait récemment Nicolas Brien, PDG de France Digitale, à franceinfo. Le succès du QR code tient en effet en deux caractéristiques : peu cher - dès lors que l'on dispose d'un site web pour se rediriger - et très facile à mettre en oeuvre, plusieurs générateurs gratuits existent en ligne.

"On a payé environ 2 euros par sticker pour l'impression", précise-t-on au café Lorette. Un investissement modeste. "C'est plutôt positif pour nous, cela nous aide à mettre à jour nos plats plus rapidement sur la carte." Malgré quelques réticences à l'utilisation. "Tout dépend des tranches d'âges, les jeunes sont plutôt à l'aise, mais les plus âgés disposent parfois de plus vieux mobiles qui ne sont pas compatibles."

Paypal a annoncé la mise en place d'un paiement entièrement par ce système

L'heure de gloire du QR code tient aussi beaucoup à la démocratisation du smartphone. Selon le baromètre du numérique 2019, le taux d'équipement se situe aujourd'hui à 77%, contre seulement 17% au tout début de la décennie. De quoi se mettre à scanner davantage. Du QR code vers le paiement : la méthode commence peu à peu à se démocratiser. Dès ce mardi, des factures comportant des codes QR pourront être reçues par les particuliers afin d'acquitter leurs impôts, amendes, factures de cantines scolaires chez les buralistes. Le dispositif était en test depuis le mois de février dans dix-huit départements, il va être petit à petit étendu à d'autres territoires.

Des applications, comme Billeat, permettent d'aller plus loin, en consultant le menu, mais aussi en passant commande directement chez le restaurateur. En Allemagne, en Belgique ou encore en Autriche, plusieurs banques autorisent l'utilisation d'un QR code européen standardisé, afin d'effectuer des paiements directement via le symbole. La technologie NFC (Near Field Communication), mère du "sans contact", avait pourtant contribué à "ringardiser" le QR code. Mais les plus grands acteurs du paiement s'y intéressent de très près désormais. Récemment, c'est Paypal qui a annoncé la mise en place d'un paiement entièrement par ce système, relaye le site spécialisé Moneyvox, en ciblant tout particulièrement ceux qui ne disposent pas de cartes bancaires. Apple Pay pourrait l'imiter sur son nouvel iOS 14, attendu cet automne, informe 01.net.

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Dans le contexte sanitaire actuel, le code QR trouve d'autres utilisations diverses : le partage des résultats de tests PCR du Covid-19, en Estonie. En Grèce, la technologie devrait faciliter le tri des touristes : la réponse à un questionnaire préalable à l'entrée sur le territoire sera distribuée via un QR code unique. Autre crise, autre réponse rapide grâce au symbole en 2D : lors du temps fort du mouvement BlackLivesMatter en France, Bordeaux a rapidement accroché cinq nouvelles versions de plaques de rue au nom de négriers, accompagnées cette fois-ci d'un contexte historique complet disponible via QR code. Ce renouveau est-il durable ? Difficile à dire, tant l'histoire du QR code reste contrastée jusqu'à aujourd'hui.

La lecture native des symboles a accéléré de nouveau son développement

Le symbole est né au Japon, dans les années 1990, chez Denso-Wave, une filiale de Toyota. Sur place, le QR code est vite rentré dans les moeurs, puisqu'en 2009, "70% des utilisateurs mobiles utilisaient les QR Codes et 90% des Japonais connaissaient cette technologie", rappelle Christophe Romei, expert en stratégie digitale qui a retracé toute l'histoire du dispositif sur le site servicesmobiles. L'objectif, à l'origine, est bien de pouvoir lire bien plus d'informations que sur les codes-barres traditionnels. De seulement 10 à 13 caractères numériques pour ces derniers, contre 7089 caractères numériques, ou 4296 caractères alphanumériques pour leurs successeurs en 2D.

Le service connaît donc une certaine croissance en Europe et plus largement dans le monde au cours des années 2000, avec les premiers téléphones mobiles. Mais sa lecture n'est pas toujours aisée. A l'avènement du smartphone, près de 15 applications de lecture de QR code se livrent déjà bataille, note l'expert. D'autres symboles cousins naissent. En 2008 l'Association française du multimédia mobile (AFMM) lance le "flashcode", à l'apparence proche du QR code. De quoi brouiller les pistes.

Différents code 2D

Différents code 2D conçus au fil des époques

© / Capture QRdresscode.com

"L'absence de standard et de norme internationale a notamment freiné son utilisation", poursuit le spécialiste. Peu pratique, mais aussi pas très esthétique, le QR code connaît également des problèmes de sécurité au milieu de la décennie suivante. La société spécialisée en sécurité informatique, Kapersky, parle de "QRishing", une pratique voisine du hameçonnage, qui redirige les lecteurs de code QR vers des sites frauduleux.

"En 2017, la mise à jour de l'iOS 11 est une petite révolution. "Elle va permettre de scanner les codes QR directement via l'application de l'appareil photo, c'est un game changer." La lecture native des symboles accélère de nouveau son développement. "En 2020, on intègre les QR codes dans les stratégies marketing et dans de nombreux autres domaines, ils sont omniprésents dans plusieurs pays dont l'Inde, les USA et la Chine notamment avec Alipay et WeChat Pay qui y sont les principaux acteurs du paiement par QR code", écrit encore Christophe Romei.

Au café Lorette, on ne songe pour l'instant pas à décoller les stickers. "Mais on reviendra quand même peut-être au menu physique", assure-t-on.

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