Qu'il s'agisse de traiter le Covid-19 ou de le prévenir, les recherches foisonnent et avancent vite

Qu'il s'agisse de traiter le Covid-19 ou de le prévenir, les recherches foisonnent et avancent vite

afp.com/JOEL SAGET

De nouvelles perspectives dans la recherche sur la souche de coronavirus SARS-CoV-2, à l'origine de la pandémie de Covid-19. Une équipe de chercheurs de Singapour, essentiellement issus de la Duke-NUS Medical School, a publié une étude le 15 juillet dans la célèbre revue Nature, relayée par un blog du Monde, portant sur la réponse immunitaire au nouveau coronavirus.

Publicité

LIRE AUSSI >> Trois questions sur le vaccin du laboratoire américain Moderna, testé à grande échelle

Après avoir observé 36 patients en convalescence, les scientifiques ont relevé le fait que tous avaient développé une réponse immunitaire au virus par la production de lymphocytes T, essentiels dans le processus de guérison, et qui pourrait éclairer le développement de futurs vaccins. L'étude révèle notamment une donnée étonnante : des lymphocytes T spécifiques au SARS-CoV-2 (les CD4 et CD8) sont présents chez plus de 50% des personnes n'ayant été infectées ni par le SARS-CoV-1, ni par le SARS-CoV-2. Il existerait donc une immunité pré-existante contre le Covid-19 chez la moitié de la population. Eclairage avec Benjamin Terrier, professeur de médecine interne à l'hôpital Cochin de Paris, et co-auteur d'une étude sur le dépistage des formes graves de Covid-19.

L'Express : Les résultats de cette étude en matière de réponse immunitaire sont-ils surprenants ?

Benjamin Terrier : Le SARS-Cov-2, comme le coronavirus de 2003, a tendance à anesthésier le système immunitaire et à inhiber certains mécanismes de défense. On pouvait craindre que l'organisme humain ne développe pas une défense immunitaire suffisante, indépendamment des anticorps dont on parle beaucoup, car ils jouent un rôle important en "bloquant" la capacité du virus à envahir l'organisme. Mais l'étude souligne, même si ce n'est que sur 36 malades étudiés, que les gens qui ont eu le SARS-CoV-2 développent dans 100% des cas une réponse par les lymphocytes T, une réponse mémoire (tandis que les anticorps sont produits par les lymphocytes B). C'est cela qui est important, car c'est une immunité que l'on peut garder dans la durée.

Comment expliquer cette possible immunité pré-existante chez 50% des gens ?

Ce type de réponse ne correspond pas à celles des coronavirus hivernaux - l'habituel rhume de Noël par exemple. On pensait au début de la pandémie que ces derniers "protégeaient" une partie de la population contre le Covid-19, par immunité croisée, mais cette étude dans Nature va un peu plus loin dans la caractérisation du système immunitaire des patients qui n'ont jamais contracté le virus : celui-ci reconnaît des fragments du SARS-CoV-1 qui ne sont pas partagés par les coronavirus qui donnent les rhumes. Or le coronavirus de 2003 provoquait une immunité très proche de celui de 2019. Cela signifie qu'il existe une forme de spécificité qui pourrait être croisée dans la réponse immunitaire à tous les virus de la famille des SARS-CoV-1 et 2, ce que l'on appelle les bétacoronavirus. Ces 50% de gens qui auraient une pré-immunité, sans avoir jamais rencontré le virus, pourraient avoir été en contact avec d'autres coronavirus de la famille des bétacoronavirus, ceux que l'on retrouve surtout chez les animaux.

Ce qui expliquerait les différences de taux d'infection entre régions du monde ?

C'est l'un des points de conclusion, il peut y avoir de grandes variations géographiques d'exposition à ces coronavirus. En fonction des habitudes alimentaires et de l'hygiène, on n'est pas exposé et donc pré-immunisé de la même façon. Autre point, les chercheurs ont retrouvé des patients ayant eu le SARS-CoV-1. Ils ont constaté qu'ils avaient une immunité persistante 17 ans après. Le coronavirus de 2003 et celui de 2019 étant assez proches en termes de réponse immunitaire, cela laisse penser que cette immunité, contrairement aux anticorps qui disparaissent, est bien plus prolongée. Au moins 17 ans pour le SARS-CoV-1, autant voire plus pour le SARS-Cov-2.

Une deuxième infection serait donc moins grave que la première ?

L'étude ne l'affirme pas, mais c'est vrai que les résultats le laissent espérer. Si on est réinfecté et que l'on a développé une réponse de lymphocytes T, même en l'absence d'anticorps, quand le virus agressera l'organisme, une réponse immunitaire va monter et probablement atténuer l'infection. Un bon modèle, c'est le vaccin BCG contre la tuberculose par exemple, qui repose sur cette immunité lymphocyte T : il ne protège pas de la maladie, mais atténue sa gravité. On peut donc penser, même s'il faudrait observer des personnes réinfectées, que les anciens malades ont développé une ligne de défense immunitaire mobilisable en quelques jours - pour ce type de cellules, ce n'est pas instantané -, le temps que la maladie incube.

Ces pistes pourraient orienter la recherche de vaccins ?

Il y a deux types de vaccins en préparation : ceux qui développent des anticorps et ceux qui cherchent une réponse par les lymphocytes T. C'est notamment le cas du vaccin Moderna, le plus avancé. Cette étude peut effectivement apporter des informations sur les séquences du virus qu'il faudrait mettre dans le vaccin afin d'obtenir une réponse identique entre une personne vaccinée et un sujet convalescent qui a guéri.

Publicité