Du tantrisme pour hommes, par Aliam Karim Rizzi, praticien

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Présence, écoute intérieure, liberté du désir, corps incarné.

Aliam Karim Rizzi est praticien tantrique pour hommes depuis dix-sept ans. Il vit et travaille à Bruxelles.

Son ouvrage Tantra, intimité au masculin, pose la question des nuances de l’identité masculine dans un monde aux valeurs virilistes dominantes.

« J’ai constaté chez les hommes des carences affectives, émotionnelles et sensuelles importantes, pour ne pas dire immenses, parfois même abyssales. Je rencontre encore chaque jour dans ma pratique ce que je ne peux décrire que comme de grands vides intérieurs. »

Par la pratique du tantra, tradition mystique dérivée de l’hindouisme, Aliam Karim Rizzi propose à chacun de s’unifier en conscience, de lier sexualité épanouie et spiritualité.

Le corps et ses besoins, ses fantasmes, sa soif de contacts, ne s’opposent pas à l’éveil.

La sexualité est trop souvent un espace de tensions, et d’ego, quand elle peut être une porte ouvrant sur soi, sur l’autre, sur une union fondamentale avec le vivant.

Par les sens, accéder à la conscience.

« Mes séances, précise le praticien, commencent par un entretien, une respiration profonde, l’amorce d’un lien comme autant d’opportunités d’ouverture de ce système. Dans la pratique tantrique, le corps, l’esprit, les émotions, tout ce qui nous compose est considéré comme un seul et même ensemble, cohérent. J’ai appris avec l’expérience que cette introduction par les mots est nécessaire. Les hommes d’aujourd’hui ont besoin d’un cadre pour libérer une parole dont le flot semble parfois intarissable. Ils ont beaucoup à dire, et rarement à quelqu’un à qui ils puissent se confier sur des sujets aussi personnels. Nous manipulons la sensibilité, au cœur de ce qui est le plus intime, et le plus vulnérable. »

Observation, ressenti, approche énergétique.

Libération dans le corps d’un flux de désir le revitalisant entièrement.

Intégration de cette expérience.

« La spiritualité ne se résume pas à la pratique de la prière et de la méditation, elle est partout pour celui qui la voit. Connaître son corps, ses désirs, réaliser le monde dans sa chair est un acte spirituel. »

Aliam Karim Rizzi propose un voyage à la découverte de soi-même et des sensations profondes, par les mains, le souffle, l’intuition.

Beaucoup d’hommes venant à sa rencontre sont en couple, désemparés par la puissance de ce qui les agit intimement, et ne sachant que faire d’un désir protéiforme.

Au-delà du jugement, et de la prison de la dualité, le praticien propose une exploration de chemins de vérité perçus souvent négativement, ou avec honte.

Son geste est celui d’un tisseur, accordant plan horizontal et plan vertical.

Comment être soi, à sa juste place, en paix, réunifié ?

« Le tantrisme incorpore ce qui est encore couramment considérés comme nos plus bas instincts : le corps, le désir et la sexualité. Il représente un travail d’intégration, de non-jugement et de libération. Il parle d’esprit, de substance, de l’expérience d’être humain. Le tantrisme est notre dialogue avec la réalité. Il est holistique, il prend en compte tous les aspects de l’être, physique, émotionnel, spirituel, mental. Dans une visibilité aussi englobante et synthétique que possible. »

Nous ne remercions pas assez notre corps.

Nous créons des hiérarchies, des systèmes de séparations, nous nous trompons.

Le tantrisme appelle kundalini l’énergie vitale, « décrite sous la forme d’un serpent initialement lové et endormi au creux des reins. Ainsi, par ce positionnement même, elle est intimement liée à notre incarnation, notre sexualité et notre créativité. »

L’acte sexuel authentiquement confiant peut libérer cette énergie primordiale.

Il est en cela vertueux (puissance d’harmonisation), naturel, et tellurique.

« Travailler avec le désir revient à s’allier à la vie, à renouer le dialogue et le contact avec cette force fluide qui coule en nous comme une eau qu’on libère. »

Mais l’emportent souvent la solitude, le désespoir, l’isolement, la déchirure intérieure, menant quelquefois au suicide – aux Etats-Unis et en Europe, 80% des suicides sont commis par des hommes.

Besoin de tendresse, de sentiments, de partages dans le contact physique libre.

Besoin de soins.

Le tantrisme est pragmatique, réaliste, lucide : « Rien de ce qui est n’est ni bon, ni mauvais en soi. Cela est. »

« En toute logique, lorsque l’on manque, on ne peut plus donner. Ainsi, une interminable chaîne se perpétue de relation en relation,, dès notre enfance et jusqu’à la fin, si nous ne prenons pas soin de la rompre nous-mêmes consciemment. »

Quitter les voies de la scission, et accueillir pleinement la multiplicité en soi.

Comprendre le désir comme force de vie indomptable, tel Eros, premier des Titans.

La Belle Psyché aime la Bête qui l’effraie, c’est le plus beau des hommes.

Accepter le féminin du masculin, et le masculin du féminin.

Accueillir ce tourbillon.

Adorer ce vertige.

Animus et anima, pensait Jung.

« On croit que les hommes ne pensent qu’à ça. Le sexe, le plaisir génital, la simple satisfaction, immédiate et pauvrement mécanique. Mais dans l’expérience, on découvre que la sexualité n’est qu’un moyen, jamais une fin. »

Le tantrisme est de l’ordre d’une initiation : laisser être les émotions, s’unifier par l’autre, avec l’autre.

« Nous ne sommes pas assoiffés de pouvoir ou de dépravation, mais d’amour, de présence, de sécurité et d’affection comme n’importe quel être vivant et respirant sur cette planète. »

Assumer les responsabilités, le rôle du chef ?

« Quand, debout, je place mon corps juste derrière le leur, je sens ce vide intérieur, ce manque, comme un appel. Ce dont ils ont besoin un instant pour se sentir contenus, protégés. (…) Le masculin est divers, il n’a pas de définition. Etre un homme n’implique en soi aucune obligation que celle d’être humain. »

Recherche d’expériences, d’équilibres, d’unité comblée.

Incarnation, unicité, Soi.

« Le travail tantrique permet non seulement de se rencontrer et de s’accepter, mais aussi de vivre plus librement. Nous sommes tous porteurs de trésors, ils vivent chaque instant à l’intérieur de nous, étouffés par des concepts, des idées, des dictatures mentales ainsi que des couches profondes de conditionnement. Tel un archéologue, il s’agit de déterrer ces couches comme autant d’informations et de ressources précieuses qui nous aideront à comprendre notre histoire et notre place sur cette terre. »

Bon courage, chers amis et oiseaux migrateurs dans le beau dédale des formes d’amour, jusque l’agapè si rare.

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Aliam Karim Rizzi, Tantra, intimité au masculin, Actes Sud, « Le souffle de l’esprit », 2020, 132 pages

Actes Sud – site

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Se procurer Tantra, intimité au masculin

3 commentaires Ajoutez le vôtre

  1. Barbara Polla dit :

    Commandé ! (Précommandé)

    Beaucoup de choses que je pense des hommes

    La masculinité toxique pèse lourd…

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  2. Manuel dit :

    Merci pour ce moment et ce voyage

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  3. Très belle écriture. Des éclairages intéressants offrant une ouverture nouvelle et des perspectives apaisantes.

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