Le nouveau numéro de Charlie Hebdo, sorti ce mercredi au premier jour du procès des attentats de janvier 2015, s’arrache dans les kiosques, notamment à Paris.
« Vous avez le nouveau Charlie Hebdo ? » La sortie de l’hebdomadaire satirique, qui republie les caricatures de Mahomet en une, a rencontré un beau succès dans les kiosques mercredi matin à Paris alors que s’ouvrait le procès des djihadistes qui avaient pris pour cible sa rédaction en 2015. « Tout ça pour ça » : les épaisses lettres jaunes ressortent sur deux bandeaux noirs, encadrant 13 caricatures du prophète Mahomet que Charlie Hebdo replace en une, mercredi. La publication de ces caricatures avait fait du journal une cible des jihadistes. Le 7 janvier 2015, les frères Chérif et Saïd Kouachi ont assassiné 11 personnes dans une attaque à l’arme de guerre contre la rédaction, avant de prendre la fuite en tuant un policier.
Soutenu à l’époque par un vaste élan de solidarité et par la campagne #JesuisCharlie sur les réseaux sociaux notamment, l’hebdomadaire persiste et signe, à l’occasion de l’ouverture du procès de ces attentats, qui coïncide avec le jour de sa parution. « Nous ne renoncerons jamais », écrit son directeur Riss. Le numéro a trouvé ses acheteurs. « C’est ce que j’ai vendu le plus ce matin, environ une douzaine. Regardez ! », déclare dès 9 h un kiosquier de la place de la République, en désignant une cliente qui s’empare du nouveau numéro. « Je l’achète parfois, des fois régulièrement, et avec les procès je veux montrer mon soutien à la liberté d’expression, » explique la quinquagénaire.
Le titre satirique est aussi en bonne vue au kiosque à journaux de la place Gambetta, dans le XXe arrondissement, où il s’en était déjà vendu « une quarantaine » à 11 h, « beaucoup par rapport à d’habitude », d’après le gérant. Un peu plus loin, dans la boutique Au Point Presse de la rue des Pyrénées, dans le XIXe, on s’étonne : « Il y a cinq ou six clients qui me l’ont demandé ce matin, mais malheureusement je ne l’ai pas ».
« J’étais en rupture de stock en cinq minutes, tout est parti ! » s’exclame M’Hamed Azzouz, qui tient une maison de la presse dans le quartier branché de Belleville depuis 31 ans.
« C’est un quartier de gauche ici », explique-t-il derrière son bric-à-brac de livres anciens et de piles de journaux entassés. Sur le mur, une affiche de Charlie Hebdo « Retraite à points, retraite à poil ».
Le gérant aurait aimé en vendre davantage que la vingtaine d’exemplaires à laquelle il a eu droit mais « les fournisseurs ne suivent pas ». Il en attend 30 autres jeudi. « Vous m’en mettrez un de côté ? » lui demande une cliente, la voix teintée de déception de ne pas repartir avec l’hebdomadaire satirique sous le bras. Pour la sexagénaire aux lunettes fumées, « il faut qu’on soit solidaires avec eux, pour qu’ils vivent mais pour qu’on vive aussi. Ils apportent un contrepoint bienvenu, pour moi c’est très français ».
« Je voulais l’acheter pour qu’ils continuent à avoir ce courage, c’est très important aujourd’hui », témoigne une autre lectrice « occasionnelle », qui repart aussi bredouille. Pourtant, « la demande est moins forte qu’en 2015, il y avait la queue devant la boutique », se souvient M’Hamed Azzouz sous sa casquette. À l’époque, la mise en valeur de l’hebdomadaire lui avait valu « des crachats » sur sa vitrine.
Selon un sondage Ifop pour la fondation Jean Jaurès, 59 % des Français estiment que les journaux ont eu « raison » de publier, en 2006, les caricatures au nom de la liberté d’expression. En 2006, ils n’étaient que 38 % à le penser.