Morte dans une relative indifférence après 238 jours de grève de la faim…
- Publié le 28-08-2020 à 22h10
- Mis à jour le 31-08-2020 à 07h58
Un commentaire de Philippe Paquet
Elle s’appelait Ebru Timtik. Elle avait 42 ans. Elle était avocate en Turquie. Elle ne pesait plus que 30 kg. Elle est morte vendredi à Istanbul après une grève de la faim de 238 jours qu’elle menait pour obtenir un procès équitable. Elle contestait sa condamnation à treize ans de prison, l’année dernière, pour "appartenance à une organisation terroriste". Elle aidait l’Association des avocats contemporains, qui est spécialisée dans la défense des "cas politiquement sensibles" et que le régime du président Erdogan accuse d’être liée à l’organisation marxiste-léniniste radicale DHKP-C.
La Turquie n’est, certes, pas le seul pays à laisser mourir des grévistes de la faim dans ses prisons. Il est arrivé que même des démocraties se couvrent de pareille ignominie, à commencer par la première d’entre elles - l’Angleterre. On se souvient, en éprouvant toujours la même nausée, des dix républicains irlandais que Margaret Thatcher abandonna à leur sort en 1981. L’un d’eux, Bobby Sands, fut pourtant élu à la Chambre des Communes pendant sa grève de la faim. On n’a pas oublié les propos du secrétaire d’État pour l’Irlande du Nord, Humphrey Atkins : "Si M. Sands persiste dans son désir de mettre fin à ses jours, c’est son choix."
Quarante ans plus tard, on pouvait croire que le monde avait évolué et que la Turquie moderne était à la hauteur des idéaux que lui avait assignés son fondateur, un des grands hommes du XXe siècle, Atatürk. On est navré qu’il n’en soit rien, comme on est consterné par la relative indifférence dans laquelle, en Occident, Ebru Timtik a achevé son ultime combat. Parmi les rares et ternes réactions des gouvernements démocratiques, il y a celle de l’Union européenne. Cette fin tragique "illustre douloureusement le besoin urgent pour les autorités turques de traiter de manière crédible la situation des droits de l’homme dans le pays", a déclaré le porte-parole de la Commission européenne. Nul doute que ce message d’une force inouïe ébranlera les consciences à Ankara.