Un ancien résistant français inhumé dans le camp où il avait été déporté

Louis Bertrand avait fait part de sa volonté de retrouver ses camarades en étant inhumé à proximité de la fosse commune du camp de Langenstein-Zwieberge.
Louis Bertrand avait fait part de sa volonté de retrouver ses camarades en étant inhumé à proximité de la fosse commune du camp de Langenstein-Zwieberge.
Doris Antony / Creative commons

    Les cendres d'un ancien résistant français ont été déposées ce vendredi à côté de la fosse commune du camp de Langenstein-Zwieberge (centre-nord de l'Allemagne), conformément à son souhait de rejoindre ses camarades de détention.

    La cérémonie qui a duré une heure et demie environ, a eu lieu le jour de l'anniversaire de la libération du camp, le 11 avril 1945, par les troupes américaines. Elle a réuni «entre 150 et 200 personnes» dont plusieurs familles de déportés, a témoigné Marie-Antoinette Vacelet, responsable départementale du Concours de la Résistance et de la Déportation dans le Territoire de Belfort.

    Décédé en juin 2013 à l'âge de 90 ans à Belfort (Franche-Comté), Louis Bertrand avait fait part quelques années avant sa mort de sa volonté de retrouver ses camarades en étant inhumé à proximité de la fosse commune du camp.

    Pendant les 12 mois d'existence du camp de Langenstein-Zwieberge (créé en avril 1944), qui a été une annexe de celui de Buchenwald, plus de 7000 détenus issus de 23 pays différents devaient creuser un tunnel destiné à la production d'avions à l'abri des bombardements. Plus de 1800 d'entre eux, sous-alimentés, terrorisés, exploités jusqu'à leurs dernières ressources, décédèrent à bout de force. Environ 2500 autres moururent au moment de l'évacuation du camp.

    «Faire la distinction entre l'Allemagne et le nazisme»

    «La volonté de mon père correspond à sa démarche de transmettre le passé et d'être un passeur. C'est ça manière de dire:

    je n'oublie pas les copains décédés sur place et je rends hommage à leur mémoire

    », avait dit récemment le fils du déporté, Jean-Louis Bertrand.

    Pour accéder à sa demande, sa famille et les autorités allemandes ont travaillé pendant deux ans afin d'obtenir une extension du cimetière de la commune d'Halberstadt, où est situé le camp. Un espace près de la fosse commune est désormais officiellement réservé aux anciens déportés qui souhaitent être inhumés sur place. Louis Bertrand est le premier à avoir cette concession gratuite à perpétuité, avait récemment expliqué son fils. Selon Jean-Louis Bertrand, «une famille a déjà disséminé les cendres d'un déporté au camp, de manière clandestine. Désormais des inhumations officielles sont possibles».

    Lors de la cérémonie d'inhumation, «il y a eu une marche silencieuse entre le mémorial qui se trouve à l'entrée du camp et la fosse commune», a raconté Marie-Antoinette Vacelet. Après des discours du fils et de la fille du défunt, les participants ont chanté «L'hymne à la joie» de Beethoven, car Louis Bertrand voulait «clairement faire la distinction entre l'Allemagne et le nazisme», selon Marie-Antoinette Vacelet.

    Né le 3 janvier 1923 dans une famille de cheminots, Louis Bertrand est devenu responsable du scoutisme clandestin de la région de Belfort durant la Seconde Guerre mondiale. En 1941, il contribua à la création du réseau «Guy de la Rigaudie», une unité de résistance dont il devint chef des «équipes ville» en 1943.

    Il survit in extremis à une «marche de la mort»

    Réfractaire au Service du travail oObligatoire (STO), il est entré dans la clandestinité en avril 1944, avant d'être arrêté par les Allemands en août de la même année. D'abord déporté à Buchenwald, il a ensuite été transféré dans le camp de travail voisin de Langenstein-Zwieberge. Survivant in extremis à une «marche de la mort» —l'évacuation des camps par les Allemands à l'approche des Alliés—, Louis Bertrand a finalement été libéré par les Américains en avril 1945.

    Après la guerre, il s'est impliqué dans la transmission de son passé, intervenant fréquemment dans les écoles. «Il savait très bien parler de l'Allemagne sans rancœur», a souligné Marie-Antoinette Vacelet.

    Chaque année, depuis la réunification de l'Allemagne —Langenstein-Zwieberge, se trouvait auparavant en RDA communiste—, Louis Bertrand se rendait dans le camp, à l'occasion des commémorations de sa libération, le 11 avril. Il avait publié, en 2005, un livre de souvenirs intitulé «Nummer 85250», son numéro de déporté.