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Ces images de l’explosion d’Hiroshima qui n’en étaient pas

Selon une enquête de la Deutsche Welle, documentaires et médias du monde entier utilisent depuis des années des images d’autres explosions lorsqu’ils évoquent le bombardement nucléaire d’Hiroshima.

Publié le 25 août 2020 à 17h57, modifié le 26 août 2020 à 07h30 Temps de Lecture 3 min.

Photo du bombardement de la ville d’Hiroshima, au Japon, le 6 août 1945.

Le 6 août 1945, une bombe atomique à l’uranium enrichi est lâchée par l’armée américaine sur la ville d’Hiroshima, dans l’ouest du Japon, faisant au total 140 000 morts. Trois jours plus tard, la ville de Nagasaki est rasée par une deuxième bombe nucléaire, au plutonium cette fois. Plus de 70 000 personnes perdent la vie dans un immense nuage, sa forme de champignon gravée dans tous les esprits. Une image spectaculaire qui réserve encore des mystères, soixante-quinze ans plus tard.

Selon une enquête de la radio-télévision publique allemande Deutsche Welle, la célèbre séquence vidéo du bombardement d’Hiroshima, utilisée depuis des décennies dans les médias et documentaires du monde entier, montrerait en fait le bombardement de Nagasaki. C’est pendant qu’il faisait des recherches pour un reportage sur l’anniversaire des 75 ans de l’attaque nucléaire que le journaliste Amien Essif explique avoir découvert que l’agence de photo Getty proposait deux photographies identiques, indiquant qu’il s’agissait pour la première du bombardement d’Hiroshima, et pour la seconde de celui de Nagasaki.

En creusant davantage, M. Essif a remarqué que de nombreux articles et vidéos, publiés par exemple par CNN ou son propre média, la Deutsche Welle, utilisaient les mêmes images pour illustrer les deux bombardements. Le Monde ne fait pas exception, faisant correspondre par exemple dans cette vidéo la déflagration générée par Little Boy, la bombe larguée sur Hiroshima, avec des images montrant en réalité l’explosion de Fat Man, lâchée sur Nagasaki. Amien Essif a donc voulu remonter à la source.

Une bobine de film unique

Un groupe très restreint de personnes était au courant des attaques avant qu’elles aient lieu, il existe donc peu d’images d’archives du moment précis. Amien Essif a retrouvé trois photographies du nuage atomique surplombant Hiroshima, prises par des militaires américains et un anonyme. Celles-ci révèlent un nuage de fumée plus petit, et séparé de sa colonne.

Bernard Waldman, un physicien américain qui se trouvait à bord d’un avion d’observation, était chargé de filmer l’explosion d’Hiroshima. Mais à cause de l’humidité, son film n’a jamais pu être développé. Selon la Deutsche Welle, c’est en fait la séquence tournée par un autre scientifique, Harold M. Agnew, qui constitue aujourd’hui l’unique bobine de film connue montrant le bombardement d’Hiroshima. Conservée par la Hoover Institution, aux Etats-Unis, elle révèle des images peu connues et tremblantes d’un nuage moins impressionnant que le célèbre champignon atomique de Nagasaki.

Sur son site, la Hoover Institution explique que si Harold M. Agnew avait filmé lui-même l’explosion d’Hiroshima, il avait en revanche confié des caméras à des soldats afin qu’ils filment Nagasaki depuis le ciel. Ce qui pourrait expliquer pourquoi il existe davantage d’images montrant la deuxième explosion, sous différents angles.

Une confusion volontaire ?

Une autre séquence vidéo supposée montrer le bombardement d’Hiroshima, et publiée notamment par BBC, PBS et Russia Today, a paru encore plus suspecte à Amien Essif. Filmée de loin, elle montre un nuage atomique qui paraît beaucoup plus puissant que celui de la bombe d’Hiroshima. Il s’agirait en réalité du test américain d’une bombe à hydrogène en 1956, soit onze ans plus tard, dans l’atoll de Bikini (îles Marshall, océan Pacifique). Pourtant, cette séquence fut bien utilisée dans un film de British Pathé datant de 1964 intitulé Flashback to the Hiroshima Atom Drop et continue d’être distribuée par certaines agences.

La première fausse utilisation de la séquence de Nagasaki que M. Essif ait pu retrouver, quant à elle, figure dans les archives nationales américaines sous l’intitulé « E-6 10 SEC (Inside The Enola Gay) », daté de 1945, selon l’Associated Press.

Le gouvernement américain aurait-il utilisé la vidéo du champignon nucléaire de Nagasaki, plus impressionnante, à des fins de propagande ? La bombe au plutonium était en effet beaucoup plus puissante, explique Paul Ham, auteur du livre Hiroshima Nagasaki : la véritable histoire des bombardements atomiques et de leurs conséquences (Doubleday, 2012, en anglais), dans un entretien à la Deutsche Welle :

« Les Etats-Unis étaient certainement très déterminés à montrer l’immense puissance de cette arme, pour forcer les Japonais à se rendre. »

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