Le ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin, et la maire de Paris, Anne Hidalgo, sont pour une fois à l’unisson : la décision est « historique ». En donnant, jeudi 19 novembre, son feu vert à la création d’une police municipale à Paris, l’Assemblée nationale a accepté de mettre fin à un particularisme vieux de plus de deux siècles.
Le 12 messidor an VIII (1er juillet 1800), un arrêté réservait l’exercice de la police dans la capitale au préfet de police, donc à l’Etat. A lui de s’occuper de la « petite voirie », d’assurer « la libre circulation des subsistances », de faire « inspecter les marchés », « surveiller le balayage auquel les habitants sont tenus devant leurs maisons », etc. Depuis cette décision de Bonaparte, plusieurs compétences du préfet de police ont été transférées à la Ville, mais Paris n’a toujours pas le droit de disposer d’une « vraie » police municipale, contrairement aux autres communes de France. Une trace, en partie, de la méfiance tenace du pouvoir central à l’égard d’une ville souvent rebelle.
C’est cette répartition séculaire que les députés ont accepté de revoir, dans le cadre de la proposition de loi sur la « sécurité globale » présentée par les députés macronistes Jean-Michel Fauvergue et Alice Thourot. L’article 4, adopté jeudi en première lecture, ouvre officiellement la possibilité de créer « des corps de la police municipale à Paris ».
« Pas de concurrence » avec la police nationale
Anne Hidalgo s’est immédiatement réjouie de ce « saut historique ». Après y avoir été longtemps hostile, la maire socialiste de Paris militait depuis 2018 pour que la capitale rejoigne le droit commun et puisse se doter d’une police municipale, comme la quasi-totalité des grandes villes françaises. L’objectif ? Améliorer la sécurité au quotidien dans les rues de la capitale, alors que la police nationale se consacre de plus en plus à d’autres missions.
Le gouvernement a d’abord bloqué le projet, pour ne pas favoriser une adversaire politique en pleine campagne électorale. A l’époque, le candidat de La République en marche (LRM), Benjamin Griveaux, se présentait comme celui qui pourrait vraiment créer la police municipale à Paris. Anne Hidalgo réélue, Emmanuel Macron a lâché prise. Aujourd’hui, c’est avec le soutien total de l’Etat que l’édile s’apprête à constituer enfin le corps de 5 000 agents qu’elle annonce depuis des mois.
« Nous voyons cela d’un très bon œil », a confirmé le préfet de police, Didier Lallement, aux élus de Paris, mercredi. Pour lui, « il n’y aura pas concurrence entre les deux forces », mais « une articulation », « une complémentarité ». A la police nationale : le maintien de l’ordre lors des manifestations, la lutte contre le terrorisme, le banditisme, la prostitution, le trafic de drogue… ; à la future police municipale : la verbalisation des voitures mal garées et des cyclistes grillant les feux, la surveillance des squares, la lutte contre les vendeurs à la sauvette…
A Paris, la droite et les macronistes critiquent avec vigueur une police vue comme vulnérable
Pour Anne Hidalgo, cette définition des tâches justifie que les futurs policiers municipaux ne disposent pas d’arme à feu, mais seulement, pour certains, d’un bâton de défense, de menottes et de gaz lacrymogène. Le débat n’est pas clos. A Paris, la droite et les macronistes critiquent avec vigueur une police vue comme vulnérable. « Ne pas armer nos policiers municipaux, c’est prendre le risque d’en faire des cibles désarmées », martèlent Rachida Dati et les autres élus Les Républicains. « C’est aussi se priver d’une force de sécurité pour les Parisiens », ajoutent-ils, en soulignant que c’est la police municipale qui, à Nice, a permis de neutraliser le terroriste lors de l’attentat de la basilique Notre-Dame, le 29 octobre.
A l’Assemblée, certains auraient aimé que la loi prévoit un armement obligatoire des policiers municipaux, y compris à Paris. Une hypothèse écartée par le ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin. Pas question de tordre le bras des maires.
L’article 4 adopté, le parcours de la proposition de loi n’est pas fini. Une fois ce texte très contesté voté par les députés, il devra passer au Sénat. La loi promulguée, un décret sera encore nécessaire. « Le calendrier reste dans les mains du gouvernement, avec de réelles incertitudes », constate Anne Hidalgo, qui voulait se passer de décret, mais n’a pas obtenu gain de cause sur ce point.
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