VIOLENCES POLICIÈRES - Les images qui suivent sont violentes et peuvent choquer. Elles ont été filmées par les caméras de surveillance d’un producteur de musique parisien du nom de Michel, un homme noir roué de coups par trois policiers dans son studio. Ce jeudi 26 novembre, elles ont été diffusées par Loopsider. Le ministre de l’Intérieur a demandé “au préfet de police de suspendre à titre conservatoire les policiers concernés” ce même jour.
Les faits se déroulent le 21 novembre, autour de 19h40, selon l’enquête de Loopsider. Parce que le patron de Black Gold Corp Studios ne porte pas son masque à l’entrée de son local, les forces de l’ordre entrent après lui, sans dire un mot, dans son studio, comme le détaille le journaliste. Des mains le tirent en arrière. Les images montrent les policiers tentant de le faire sortir. ”À ce moment-là, j’ai peur. Je me demande ce qu’il se passe”, raconte Michel.
Les policiers l’attrapent de manière virulente. Lui, essaie d’interpeller des passants. ”Ça va tellement vite, je me demande si ce sont de vrais policiers”, indique-t-il. L’un des trois hommes ferme la porte. Les coups pleuvent.
“C’est mon dernier jour peut-être”
Accusés d’avoir tenu de nombreux propos racistes, comme “sale nègre”, les agents s’en sont pris également à de jeunes artistes, dont un mineur, aussi présents dans le local. D’après la première version des agents, le producteur aurait tenté de prendre leur arme, les aurait frappé et aurait alors appelé des renforts. Ce que les vidéos démentent.
Elles montrent les policiers infliger à Michel, pendant plus de cinq minutes, une vingtaine de coups de poing, une dizaine de coups de pieds et plus d’une quinzaine de coups de matraque. On voit la victime se faire étrangler à plusieurs reprises. À ce moment-là, le producteur s’inquiète: “Si je tombe par terre, je vais rester par terre et ne pas me relever”.
Michel fait attention à ne faire aucun geste brusque. Ses cris finissent par se faire entendre. Les jeunes artistes qui se trouvent dans le studio, au sous-sol, lui viennent en aide. Les policiers sont repoussés dehors, puis tentent à nouveau de rentrer en brisant la vitrine. Ils envoient une grenade lacrymogène à l’intérieur. “C’est mon dernier jour peut-être aujourd’hui”, confie avoir pensé Michel.
Une dizaine de policiers armés l’attend à l’extérieur. Ils pénètrent dans le local et le sortent violemment. ”À ce moment-là, je prends des coups de tous les côtés”, raconte-t-il. Des vidéos filmées par les riverains attestent de ses propos. Les jeunes garçons, eux, se font sortir également. “Ils nous ont fait une haie d’honneur, [...] ils nous ont tous tapés”, explique l’un d’eux.
Une enquête ouverte
Ils sont emmenés au commissariat. Après une simple prise d’identité, ils sont immédiatement relâchés. Michel, lui, est accusé d’outrage et rébellion. Il est placé en garde à vue. Son avocate Hafida El Ali indique que les déclarations des policiers sont fausses. “Heureusement qu’on a les vidéos”, souffle-t-elle face caméra. “Sans ces images-là, moi je suis en prison aujourd’hui”, ajoute la victime.
D’après le journaliste à l’origine de l’enquête, l’IGPN a été saisie, bien que la préfecture de police a d’abord indiqué n’avoir trouvé aucune trace de cette intervention. Une fois les vidéos reçues, le parquet a classé sans suites les poursuites contre la victime. Une enquête a été ouverte contre les trois policiers pour “violence” et “faux en écriture”.
Michel, qui a d’abord eu six jours d’ITT après son agression, a été hospitalisé dans la soirée de ce mercredi 25 novembre après avoir fait un malaise.
Darmanin demande la suspension des trois policiers
Ce jeudi 26 novembre, le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin a demandé, sur Twitter, à ce que les trois policiers soient suspendus. “Je souhaite que la procédure disciplinaire puisse être conduite dans les plus brefs délais”, a-t-il ajouté.
Le procureur de Paris, Rémy Heitz, a lui demandé à la “police des polices” d’enquêter “le plus rapidement possible”. “C’est une affaire extrêmement importante à mes yeux et que je suis personnellement depuis samedi”, a-t-il précisé à l’AFP.
Cette affaire intervient dans la presse après la diffusion de vidéos de l’évacuation violente de la place de la République, occupée par des centaines de demandeurs d’asile, lundi 23 novembre dans la soirée. Elles montraient pêle-mêle un policier asséner un coup de pied dans le ventre d’un manifestant, un autre s’en prendre physiquement, à plusieurs reprises, au journaliste Rémy Buisine ou encore des forces de l’ordre pourchasser les réfugiés hors de la capitale.
Cela, alors qu’un premier feu vert à la très controversée loi “sécurité globale”, qui prévoit notamment de réglementer la diffusion de vidéos de forces de l’ordre, a été adopté par 388 voix pour, 104 contre et 66 abstentions à l’Assemblée nationale.
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