Quel regard porte une militante du féminisme des années 70 sur sa version 2020 ? Dans Pour un féminisme universel, paru cet automne au Seuil (collection «la République des idées»), Martine Storti se réjouit de la puissance du mouvement #MeToo mais s'alarme des nouvelles «instrumentalisations» du mouvement en cours. Le féminisme «nationaliste» et son adversaire «décolonial» partagent une même dérive selon elle : ils pensent en termes identitaires. Née en 1946, fille d'un ouvrier immigré italien, Martine Storti est rattrapée par Mai 68 quand elle est étudiante en philo à la Sorbonne : «Soixante-huit reste pour moi l'archétype d'un bonheur collectif.» Tour à tour «gauchiste», professeure, journaliste à Libération (1974-1979), conseillère des ministres Laurent Fabius et Alain Decaux, Martine Storti a achevé sa carrière professionnelle en participant à la reconstruction d'écoles, de filles en particulier, au Kosovo ou en Afghanistan.
Comment êtes-vous devenue féministe ?
Le jour où, à la librairie Maspero, grand rendez-vous de la mouvance gauchiste du Quartier latin, je tombe sur un numéro de la revue Partisans : «La libération des femmes : année zéro» (numéro 54-55, 1970). Je prends alors conscience que des questions que je croyais purement personnelles ou subjectives liées à la sexualité, à l'avortement, au rapport aux garçons, à la domination masculine que