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Tunisie

En Tunisie, une nouvelle campagne "barbare" d'abattage de chiens errants

Depuis fin novembre, des images montrant des agents municipaux tuant par balles des chiens errants dans les rues de plusieurs villes circulent massivement sur les réseaux sociaux en Tunisie. Les militants pour les droits des animaux ainsi que des habitants des quartiers concernés dénoncent la persistance d'une pratique qui était censée ne plus avoir cours. Pour nos Observatrices, la responsabilité de ce massacre est partagée entre l'État et les citoyens.

Dans plusieurs villes tunisiennes, l'abattage des chiens errants est une pratique encore très répandue. Captures d'écran.
Dans plusieurs villes tunisiennes, l'abattage des chiens errants est une pratique encore très répandue. Captures d'écran. © F24
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Attention, certaines images de ce reportage peuvent choquer

Le 27 novembre, plusieurs municipalités tunisiennes ont annoncé une campagne régionale d’abattage de chiens errants d’une durée de deux semaines. Le but : limiter la prolifération des animaux dans l’espace urbain et supprimer les cas de rage. Depuis, plusieurs internautes interpellent la municipalité de Tunis avec des vidéos et des images d’agents municipaux abattant par balle les bêtes. 

Une militante pour les droits des animaux lance l'alerte sur Facebook. Capture d'écran.
Une militante pour les droits des animaux lance l'alerte sur Facebook. Capture d'écran. © F24

Les mairies tunisiennes ont fréquemment recours à ce genre de campagnes d’abattage, malgré les protestations de plus en plus véhémentes des associations de protection d'animaux. La municipalité de Tunis avait mis en place depuis 2017 des centres de stérilisation destinés à recueillir et soigner les chiens errants avant de les relâcher dans la nature, les équipant d’une étiquette d’oreille qui les identifie comme étant inoffensifs. Or, beaucoup d’internautes affirment que les agents municipaux exécutent toutes bêtes confondues, y compris celles portant l’étiquette. 

Cette internaute a filmé l'intervention d'agents municipaux le soir du 10 décembre dans un quartier de la capitale :"Les deux chiens portaient une étiquette à l'oreille, donc ils sont bien stérilisés et sains", précie-t-elle.

 

Indignés par les images explicites d’exécution et de cadavres d’animaux, des internautes ont lancé une campagne en ligne, appelant à incriminer la cruauté envers les animaux et qualifiant la pratique de “barbare”. 

En Tunisie, l'abattage des chiens errants est toujours couramment pratiqué
En Tunisie, l'abattage des chiens errants est toujours couramment pratiqué © Les Observateurs

Cet internaute a été alerté, la nuit du 24 novembre, par des bruits de tirs. Il a tenté de sauver le chien en l’emmenant chez un vétérinaire de Sousse (est). L'animal est décédé plus tard d’une hémorragie. 

Face à la vague d’indignation en ligne, la maire de Tunis s’est dite “hostile à cet acte barbare” et a affirmé que la municipalité ne prendrait pas part à la campagne nationale. Pourtant, des habitants de la capitale ont été témoins d’exécutions d’animaux, et affirmé, images à l’appui, que sur le terrain cette annonce n’était pas respectée.

Une internaute dénonce l'opération dans une banlieue de la capitale.
Une internaute dénonce l'opération dans une banlieue de la capitale. © F24

“Les cadavres sont parfois laissés sur place, c’est une vision horrible” 

Amal Hattab est vétérinaire et travaille au refuge “Protection des animaux errants” à Tunis. Elle raconte : 

Dans notre refuge, beaucoup de vétérinaires travaillent bénévolement pour stériliser les chiens, nous faisons des rondes dans les quartiers de Tunis pour chercher les bêtes blessées par balles et les amener au centre pour leur administrer les soins nécessaires. Les chiens sont exposés à cette violence extrême, bien qu’ils ne soient, dans la plupart des cas, pas agressifs. Au contraire, ils ont besoin d’aide. Nous travaillons avec des dresseurs qui s’occupent des animaux les plus fragiles et peureux.

À Sousse (à l'est), la municipalité a interdit l’abattage des chiens portant des étiquettes d’oreille. Mais plusieurs témoignages agrémentés d’images affirment que les agents poursuivent leur campagne meurtrière tard dans la nuit. Et à Tunis aucune mesure n’a été prise, malgré de nombreuses interpellations à la maire. 

En Tunisie, l'abattage des chiens errants est toujours couramment pratiqué
En Tunisie, l'abattage des chiens errants est toujours couramment pratiqué © Les Observateys

Cette vidéo a été tournée à Sousse et publiée en direct dans la nuit du 27 novembre. Son auteur, horrifié, commente : “Les agents municipaux viennent de l’abattre... Regardez, ils utilisent des balles de chevrotines. Le pauvre, ils l’ont criblé [de balles], ils l’ont pourchassé et l’ont abattu.” 

“Je ne sais pas quoi faire. Il a été blessé par balle”, commente cette internaute de Kasserine (ouest).
“Je ne sais pas quoi faire. Il a été blessé par balle”, commente cette internaute de Kasserine (ouest). © F24

“Il faut créer de toute urgence plus de refuges à Tunis”

Les agents municipaux agissent surtout dans les zones résidentielles. Beaucoup d’habitants considèrent que ces bêtes font trop de bruit, et contactent souvent la municipalité afin qu’elle les extermine. Certes, parfois ils peuvent être dangereux ou enragés, mais c’est une raison de plus pour les placer de toute urgence dans un refuge, loin des humains et des autres chiens.

Il y a aussi beaucoup de chiens qui ne meurent pas de leurs blessures par balle, et souffrent beaucoup, sans accès à l’eau ni à la nourriture.

Parfois, les cadavres sont laissés sur place et pourrissent. C'est une scène réellement horrible et choquante pour tout le monde.

L’auteur de cette vidéo filmée le 5 décembre à Bou Salem (au nord-ouest) commente : “Dans un quart d’heure, les élèves du collège Hédi Nouira vont entamer leur journée sur ce spectacle désolant […] ce chien a été abattu par balle hier dans la nuit.”

Les refuges et les centres ont besoin d’un soutien financier de la municipalité, pour des médicaments et des soins : nous stérilisons en priorité les femelles, par manque de moyens. Le nombre de chiens blessés que nous hébergeons progresse très vite : actuellement le refuge accueille près de 100 chiens. Il faut de toute urgence créer plus de refuges à Tunis, car les vétérinaires ne peuvent pas garder les animaux sur le long terme.

Des initiatives ont vu le jour : à Tunis, des militants et des vétérinaires ont aménagé des refuges et des parcs.

“Cela reflète la perception des animaux en Tunisie : les gens ne respectent pas la vie animale” 

Amal Ben Mohamed, 46 ans, recueille une cinquantaine d’animaux dans sa maison à Tunis. Son quartier populaire de Kabaria est le théâtre de nombreuses exécutions de chiens errants. 

Les agents municipaux ne sont pas censés agir seuls. Ils doivent être accompagnés d’un vétérinaire et d’un agent du Commissariat régional au développement agricole, qui peuvent, eux, attester si l’animal a la rage, et donc s’il est nécessaire de le tuer.

“Ici Jendouba (nord-ouest), voici les balles de chevrotine que la municipalité utilise […] [La chienne] portait 8 embryons”.

Pour moi, cela reflète la perception des animaux en Tunisie : les gens ne respectent pas la vie animale. Sans quoi, l’État n’oserait pas les tuer de cette manière. Or, il n’existe pas de loi pour les protéger [l’article 317 du code pénal tunisien prévoit 15 jours d'emprisonnement et une amende de 4,80 dinars (soit 1,46 euros) pour ceux qui exercent un mauvais traitement envers les animaux domestiques dont ils sont propriétaires ou ceux d’un tiers].

Nous sommes de nombreux citoyens à avoir interpellé la mairie de Tunis, nous voulons l’aider à soigner et héberger ces bêtes, nous avons lancé de nombreux appels aux dons. Depuis plusieurs mois, nous nous consacrons entièrement aux soins. On peut envisager de créer un service dédié aux animaux errants au sein des municipalités pour une action plus efficace et humaine.

L’État doit œuvrer pour changer progressivement cette mentalité, avec de la sensibilisation auprès des plus jeunes pour qu’ils s’habituent à la présence d’animaux dans l’espace public et ne plus les craindre.

La municipalité de Tunis indique que 145 chiens ont été stérilisés et vaccinés contre la rage en 2020, et précise recourir à la chasse uniquement dans les cas extrêmes”. La rédaction des Observateurs France 24 a contacté celle-ci sans recevoir de réponse. Nous la publierons si elle nous parvient.

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