En Allemagne, un cardinal empêche la publication d’une enquête sur les agressions sexuelles dans son diocèse

Le cardinal Rainer Maria Woelki, du diocèse de Cologne, lors d’une cérémonie religieuse, le 3 mars 2020.

Le cardinal Rainer Maria Woelki, du diocèse de Cologne, lors d’une cérémonie religieuse, le 3 mars 2020. ANDREAS ARNOLD / DPA PICTURE-ALLIANCE VIA AFP

Rainer Maria Woelki, le cardinal du diocèse de Cologne, a décidé d’empêcher la sortie d’un rapport indépendant sur des faits d’agressions sexuelles commis au sein de son diocèse entre 1975 et 2018. Une décision vivement critiquée par les victimes de violences sexuelles dans l’Eglise.

L’église allemande serait-elle à l’aube d’un scandale sexuel d’envergure ? Selon le quotidien « La Croix », le cardinal allemand Rainer Maria Woelki, du diocèse de Cologne, a décidé de reporter la publication d’une enquête indépendante, réalisée par un cabinet juridique de Munich, sur des agressions sexuelles commises dans son diocèse entre 1975 et 2018.

Afin d’empêcher la sortie du rapport, les autorités ecclésiastiques évoquent la protection des données des personnes citées dans l’enquête et un manque d’indépendance de la part des chercheurs qui ont mené l’étude sur le diocèse de Cologne.

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Le 30 octobre dernier, le cardinal Woelki a annoncé la publication d’une nouvelle étude sur les agressions sexuelles dans son diocèse par un autre cabinet juridique, à Cologne cette fois-ci.

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Cette décision du cardinal Woelki a suscité la stupeur du côté du conseil consultatif des victimes, une organisation créée en 2018 ayant pour but de faire de lien entre le diocèse de Cologne et les victimes d’agressions sexuelles. En novembre dernier, le porte-parole de l’organisation, Patrick Baeur a démissionné. Depuis, six membres sur dix ont acté leur départ.

Un précédent à Aix-la-Chapelle

Interviewé par « La Croix », Patrick Baeur a exprimé son désarroi : « J’ai le sentiment que le diocèse et le cardinal Woelki n’ont pas été honnêtes avec nous, les victimes. Ils nous ont instrumentalisés. » L’homme reproche, notamment, au diocèse d’avoir prétendu une réflexion en amont afin de valider la décision de ne pas publier ce rapport. Selon lui, la décision avait été, en réalité, prise depuis longtemps par les autorités du diocèse.

Pourtant, ce n’est pas la première fois qu’un rapport sur les agressions sexuelles dans les archevêchés est publié en Allemagne. Début novembre, l’évêché d’Aix-la-Chapelle a rendu public sa propre étude, réalisé par le même cabinet munichois convoqué pour le diocèse de Cologne. Cette première étude révèle des faits d’agressions sexuelles sur 175 victimes au sein du diocèse d’Aix-la-Chapelle, de 1965 à 2019, par deux évêques émérites.

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« Ces deux études ont été réalisées de la même manière par le même cabinet. L’une a été publiée, l’autre pas ! J’ai vraiment l’impression d’être pris pour un idiot », s’exclame Patrick Baeur pour « La Croix ».

Une vive polémique

Le refus de publication de l’enquête par le diocèse de Cologne suscite la colère de l’opinion publique. Selon « La Croix », le président de la Conférence épiscopale, Monseigneur Georg Batzing, s’est dit « mécontent de la situation ».

Pour Thomas Shuller, spécialiste du droit canonique à l’université, le cardinal Woelki recule face aux risques juridiques des accusations d’agressions sexuelles portées dans le rapport. Pourtant, fait contradictoire, le cardinal Woelki était le premier à commander une telle étude sur l’épineuse question des agressions sexuelles au sein des archevêchés.

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Face à ces remontrances, le diocèse de Cologne dit autoriser à certaines personnes, à titre individuel, d’avoir accès au rapport dans un avenir proche. Néanmoins, la polémique ne faiblit pas. La semaine dernière, le journal local « Kölner Stadt-Anzeiger », a révélé une nouvelle affaire d’agressions sexuelles dans le diocèse de Cologne. D’après le journal, en 2015, le cardinal Woelki aurait omis de rendre compte au Vatican d’un cas grave de violence sexuelle par un prêtre de Dusseldorf, décédé depuis.

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En Allemagne, neuf diocèses sur 27 ont lancé des expertises indépendantes sur des faits de violences sexuelles. Ainsi, un travail est en cours à Hildesheim, Munich, Mayence, Paderborn, Essen, Munster et Hambourg. En 2018, la voie avait été ouverte par la publication d’un rapport commandé par la Conférence épiscopale (DBK). Cette étude dite MHG, car réalisée par les universités de Mannheim, Giessen et Heidelberg, donne pour la première fois une idée de l’ampleur du problème. Les chercheurs font état d’au moins 3 677 enfants et adolescents victimes d’agressions sexuelles par 1 670 religieux, entre 1946 et 2014. Les chercheurs se sont fondés sur l’étude de 38 000 documents relatifs au personnel religieux, estimant que 5,1 % des prêtres allemands et 1 % des diacres ont commis de tels abus.

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