«Ahlam a été tuée par l’un de nos frères. Pour lui, on était des putes!»: la sœur de la Liégeoise abattue témoigne
Ahlam, abattue à Liège, a été victime d’un crime d’honneur, selon sa sœur. Car il y avait eu des menaces peu avant l’assassinat.
- Publié le 07-01-2021 à 10h07
Sa vie ressemblait à beaucoup d'autres. Ahlam Younan avait 28 ans, travaillait comme serveuse au « Point de vue », une taverne-restaurant bien connue de Liège, en face de l'Opéra, et avait des rêves plein la tête. La jeune Liégeoise d'origine syrienne «est arrivée en Belgique il y a cinq ans», comme nous l'explique sa sœur qui y est, elle, domiciliée depuis vingt ans et qui y a fondé une famille.
Ahlam affichait, comme sa sœur, toujours un large sourire. Les rares photos d’elle postées sur les réseaux sociaux en attestent. Pourtant, elle cachait une souffrance: la pression exercée par un membre de sa famille qui n’appréciait pas le mode de vie occidental de la jeune femme.
Ahlam avait une sœur, mais aussi cinq frères, «dont quatre vivant en Syrie et un en Suède». Sa sœur n'ayant plus eu de ses nouvelles s'est rendue dans l'appartement qu'elle occupait au cœur de la Cité ardente, dans la rue de la Cathédrale. Elle y fera la macabre découverte. Le corps sans vie d'Ahlam gisait dans une mare de sang, après avoir été tuée d'une balle dans la tête. Ses mains sont entravées. L'arme du crime est retrouvée sur le lit.
«Ahlam respirait la joie de vivre», soutient sa sœur que nous avons pu contacter alors qu'elle se rendait dans un funérarium où la dépouille de la jeune femme repose.
«On était des putes, selon notre frère»
Fadia est sous le choc. Anéantie par la perte de sa sœur qu'elle affectionnait tant. «Elle était parfaitement intégrée, elle avait des amis, un travail...»
Le mobile du crime n'est, pour l'heure, pas officiellement connu. Selon Fadia néanmoins, «c'est un crime d'honneur». Il n'y a, selon elle, pas d'autre explication au drame qu'elle vit. «L'un de mes frères a tué ma sœur, dit-elle. Il vivait en Suède, mais il serait parti en Syrie.» Ce qui fonde sa conviction? «Il a menacé ma sœur juste avant ce qui s'est passé, mais je ne pensais pas que c'était à ce point-là…» Et d'ajouter: «On était des putes, selon notre frère.» Simplement parce qu'elles avaient choisi de vivre et d'être libres.
Ce qu’elle nous explique, Fadia l’a dit aux enquêteurs de la section «homicides» de la police judiciaire fédérale (PJF) de Liège, en charge de cette affaire.
L’enquête devra déterminer qui a assassiné la jeune femme. S’agit-il d’un frère de celle-ci? Ou d’une autre personne, qui aurait été mandatée pour commettre l’irréparable? Voire encore de quelqu’un d’étranger à la famille, pour une tout autre raison? Toutes les pistes sont ouvertes, même si celle privilégiée par les enquêteurs reste un règlement de comptes dans la sphère familiale.
Trop souvent, des pratiques culturelles archaïques sont légitimées à tort par un discours religieux. Les exemples sont hélas nombreux à travers l'Europe. Comme l'affaire Sadia Sheikh qui fut la première à être jugée en tant que « crime d'honneur » dans l'histoire judiciaire belge. Née en Belgique de parents venus du Pakistan, elle croyait qu'elle était une Belge comme les autres. Sauf que ses parents n'avaient jamais quitté le Pakistan dans leur tête. Aux yeux de sa famille, son corps ainsi que ses faits et gestes incarnaient leur «honneur».
Mais derrière tout cela il y a une montagne d’autres violences cachées dont sont victimes des filles dont nous ne connaîtrons jamais les prénoms. Une bien triste réalité.