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Au Ghana, l’obésité est devenue un enjeu de santé publique

Un tiers de la population du pays est en surpoids. En cause les habitudes alimentaires traditionnelles qui ne sont pas adaptées à la sédentarisation des modes de vie.

Par  (Accra, correspondance)

Publié le 09 février 2021 à 18h00, modifié le 21 mai 2021 à 09h38

Temps de Lecture 4 min.

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A Accra, le 25 janvier 2021.

Dans la petite cuisine de sa maison familiale, Angelina Tekyi fait travailler cinq personnes. Toutes les semaines, le chef et ses quatre commis récupèrent des fruits et légumes auprès de fermiers locaux, puis préparent les produits qui seront livrés frais ou prédécoupés, pour des poêlées ou des smoothies prêts à consommer.

Mme Tekyi a lancé son entreprise, EatHealthy, il y a moins d’un an, au début de l’épidémie de Covid-19. La jeune pousse commence à faire parler d’elle et reçoit désormais une quinzaine de commandes hebdomadaires dans toute l’agglomération d’Accra, la capitale du Ghana. « Beaucoup de mes clients sont des personnes en surpoids qui veulent adopter un mode de vie plus sain », explique l’entrepreneuse.

Car les légumes verts ont peu de place dans le régime alimentaire des Ghanéens. « Ce n’est pas trop notre truc, reconnaît Angelina Tekyi. Ici, on aime la nourriture lourde : le fufu, le banku, le kenkey [boules de pâte de manioc, de maïs ou de plantain, parfois fermentée, servies avec de la soupe ou de la sauce]… » Changer ces habitudes culinaires n’est guère aisé comme a pu le constater la restauratrice qui mise avant tout sur le bouche-à-oreille pour se développer.

Les initiatives comme celles d’Angelina Tekyi vont-elles permettre de changer la donne ? Au Ghana, l’obésité est devenue un enjeu de santé publique. Selon les données de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), 10,9 % de la population adulte de ce pays d’Afrique de l’Ouest était obèse en 2016 et 30,8 % était en surpoids. Une tendance jugée si préoccupante que le président Nana Akufo-Addo lui a consacré une partie de son discours sur l’état de la nation, en février 2020.

Comorbidités importantes

« Nous sommes trop nombreux à être en surpoids, et l’obésité est un problème croissant, même chez les jeunes, mettait-il en garde. Il est temps que nous apprenions tous à prendre la responsabilité de notre santé individuelle et à admettre que notre santé est déterminée par notre mode de vie. »

Un avis que partage la nutritionniste Mavis Amoaku. « La première difficulté, c’est de convaincre les gens que l’obésité est un problème, déplore-t-elle. Les standards de beauté ghanéens valorisent les femmes bien en chair, avec des hanches et des fesses, et les hommes avec du ventre. Si vous commencez à perdre du poids, les gens ne vont pas se réjouir pour vous, au contraire : ils vont s’inquiéter et vous demander ce qui ne va pas ! »

Or, l’obésité, alliée à un manque d’activité physique et à un régime alimentaire déséquilibré, s’accompagne souvent de comorbidités importantes. 4,8 % de la population adulte du Ghana souffre de diabète, et une personne âgée sur deux est atteinte d’hypertension artérielle. Des dix principales causes nationales de mortalité, trois (les maladies cardiaques, accidents vasculaires cérébraux et cirrhoses du foie) sont liées au surpoids ou à l’obésité. Sans compter que les personnes obèses font également partie des populations vulnérables au Covid-19, un indice de masse corporelle (IMC) supérieur à 35 augmentant significativement le risque d’être placé sous respiration artificielle.

L’obésité est une maladie multifactorielle, où entrent en compte le métabolisme, la génétique et, surtout, les facteurs socioenvironnementaux. Au Ghana, la flambée des cas est ainsi un phénomène récent et majoritairement urbain. Les plats ghanéens, très roboratifs, étaient particulièrement adaptés aux activités traditionnelles d’agriculture ou de pêche. Mais l’urbanisation galopante du pays depuis les années 1980 s’est accompagnée d’une sédentarisation des modes de vie.

Burger King, KFC et Pizza Hut

« Les citadins ont gardé les habitudes alimentaires de leurs parents et grands-parents, mais ils font moins de travaux physiques et marchent moins, résume Mme Amoaku. Avant, vous alliez à pied à la ferme et vous y travailliez la terre jusqu’à la nuit tombée. Maintenant, vous prenez un Uber pour aller au bureau et vous restez assis là toute la journée. »

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Dans la capitale, l’accès au logement est restreint pour les populations modestes. Rares sont les habitants des quartiers informels qui disposent d’une cuisine. Faute de pouvoir préparer eux-mêmes leurs repas, la plupart achètent leur déjeuner dans des échoppes de rue. « On y sert du riz sauté, de l’igname frit, des poissons grillés, des beignets, énumère la nutritionniste. La plupart de ces plats sont frits à l’huile et ne contiennent pas de légumes. Ce sont des cauchemars nutritionnels ! »

L’influence américaine sur le Ghana se fait aussi sentir dans le domaine de la restauration : les fast-food comptent de plus en plus d’aficionados. Depuis une vingtaine d’années, les enseignes américaines Burger King, KFC et Pizza Hut ont pris pied à Accra, attirant une clientèle issue de la classe moyenne et friande de références occidentales. « Heureusement, nous n’avons pas encore de McDonald’s, soupire Angelina Tekyi. Mes enfants regardent des films et des séries américains, ils voient les héros manger là-bas. Le jour où McDonald’s arrive ici, ils voudront évidemment les imiter. » Au risque, redoute-t-elle, de ruiner tous ses efforts pour leur inculquer le sens de la diététique.

Le Ghana ne fait pas figure d’exception en Afrique. La vague de surpoids gagne ainsi de plus en plus de pays du continent. En Afrique du Sud, par exemple, 40 % des femmes et 15 % des hommes sont obèses. Dans les villes, un tiers des Togolais, Nigérians ou Béninois sont aussi en surcharge pondérale. Ce nouveau fardeau coexiste avec un problème persistant de sous-nutrition. Ainsi, au Ghana, 37 % de la population adulte a souffert d’un retard de croissance pendant l’enfance du fait d’un manque de calories.

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