Après les variants du coronavirus, les recombinants : 5 minutes pour comprendre ces nouvelles mutations

    Des virus hybrides, issus de deux variants différents, ont été détectés au Royaume-Uni. Prévisibles, ces mutations n’auront «pas immédiatement de conséquences» sur l’épidémie, d’après les auteurs de l’étude. Mais elles ne sont pas une bonne nouvelle, nous explique un professeur de virologie.

    Recombinants et variants classiques ont la même fonction : tester toutes les solutions possibles pour permettre au virus de persister de génération en génération.
    Recombinants et variants classiques ont la même fonction : tester toutes les solutions possibles pour permettre au virus de persister de génération en génération.

      La famille du jeune SARS-CoV-2 s’agrandit. En plus de ses variants découverts au Royaume-Uni, au Brésil, en Afrique du Sud, en Bretagne ou encore en Belgique, voici ses recombinants. Une étude britannique parue le 17 mars en annonce une quinzaine. Leur apparition n’a rien d’anormal, au contraire, elle est plutôt courante dans l’histoire des coronavirus. Mais ce n’est pas une bonne nouvelle. On vous explique pourquoi.

      Quelle différence entre un virus recombinant et un variant ?

      Les virus appelés « recombinants » ou les virus dits « variants » sont tous des variants, rappelle Vincent Maréchal, professeur de virologie à Sorbonne-Université. Nés d’une mutation, ils ont la même fonction : tester toutes les solutions possibles pour permettre au virus de persister de génération en génération.

      Mais alors qu’un variant classique est une mutation effectuée à l’intérieur du génome d’un seul virus, comme une erreur dans une photocopie, le recombinant lui s’apparente plutôt à une sorte de reproduction sexuée des virus. Il est une chimère, « le produit du croisement de deux virus parentaux », explique le virologue.

      Pour que ces recombinaisons surviennent, il faut que deux virus infectent la même cellule, chez la même personne, et qu’au moment très précis de la réplication, un changement de matrice se produise : « L’enzyme qui fait la photocopie va copier le début du premier virus et va ensuite finir avec le deuxième virus. »

      D’où viennent ceux du SARS-CoV-2 ?

      Début février déjà, une première alerte avait été émise aux Etats-Unis. Une chercheuse du Los Alamos National Laboratory, au Nouveau Mexique, indiquait avoir identifié un hybride né des variants B.1.1.7 (découvert pour la première fois au Royaume-Uni) et B.1.429 (Californie), sans confirmation depuis.

      Puis, le 17 mars, le consortium COG-UK, l’équipe britannique chargée de séquencer et analyser les génomes du SARS-CoV-2, a publié une étude sur le site spécialisé Virological.org, annonçant avoir trouvé une quinzaine de recombinants, issus d’un croisement entre deux variants appartenant à des lignées distinctes du SARS-CoV-2. Onze d’entre eux ont été classés en quatre groupes, avec, pour chacun, deux ou trois représentants identiques. Quatre autres seraient uniques.

      Pourquoi ce n’est pas une surprise ?

      Certains virus sont plus compétents que d’autres pour engendrer des recombinaisons. C’est le cas des coronavirus, famille dont fait partie le SARS-CoV-2. « La recombinaison est une caractéristique fréquente et bien documentée de l’évolution moléculaire des coronavirus », rappellent ainsi les scientifiques dans leur étude parue en mars. Parmi eux, Andrew Rambaut, professeur d’évolution moléculaire à l’université d’Édimbourg, souligne sur Twitter que le phénomène de recombinaison « était tout à fait attendu » pour le SARS-CoV-2.

      Ce type de mutation pourrait même être à l’origine du virus qui a engendré la pandémie de Covid-19, rappellent les spécialistes. « Il y a probablement eu des événements de recombinaisons qui ont permis d’obtenir l’ancêtre de ce qu’est devenu le SARS-CoV-2 », note Vincent Maréchal.

      Pourquoi apparaissent-ils maintenant ?

      Plusieurs conditions doivent être réunies pour favoriser la création de recombinants :

      • Tout d’abord, deux virus différents doivent co-circuler à un même endroit.
      • Ensuite, il faut que ces deux souches se propagent à un niveau suffisamment important, comme ça a été le cas outre-Manche avec le variant anglais. « Cette période où les souches classiques sont remplacées par le variant britannique à fort pouvoir de contagiosité est une situation épidémiologique très favorable à ce genre de recombinaison », observe Vincent Maréchal.
      • Enfin, le réseau de surveillance doit être adapté pour permettre d’identifier ces recombinants : « Il faut séquencer suffisamment de souches pour pouvoir les détecter. Or les Britanniques ont aujourd’hui un système de séquençage très développé. »

      Les recombinants sont également une conséquence de la forte circulation du virus. « Plus le virus se répand largement, plus des variants apparaissent. Et moins on contrôle leur propagation, plus on a de chance d’arriver à ce genre de situations », résume le virologue.

      Ces nouvelles mutations pourraient donc être découvertes dans d’autres Etats où la circulation du virus et de ses variants est similaire à celle enregistrée outre-Manche il y a quelques mois. « Etant donné que de nombreux pays connaissent des niveaux d’incidence comparables à ceux du Royaume-Uni entre la fin de 2020 et le début de 2021, nous prévoyons que la recombinaison entre des souches distinctes sera couramment détectée partout où un séquençage intensif du génome est entrepris », écrivent les chercheurs britanniques.

      Faut-il s’en inquiéter ?

      Ces mutations n’auront « pas immédiatement de conséquences sur la trajectoire épidémique », rassurent les auteurs de l’étude. Leur rareté au Royaume-Uni plaiderait d’ailleurs pour l’absence d’un caractère de haute contagiosité.

      Mais l’apparition des recombinants « n’est pas une bonne nouvelle » pour autant, selon Vincent Maréchal. Et le professeur de souligner que ces événements de recombinaisons « pourraient rassembler dans un même virus des propriétés issues de deux virus différents ». Ainsi, un recombinant né d’un variant à fort pouvoir de contagiosité et d’un variant possédant une capacité élevée à résister au système immunitaire pourrait réunir ces deux fonctions. « Là, le cocktail deviendrait problématique. »

      Autre élément qui pose question, explique le virologue : la capacité de ces recombinants à franchir la barrière inter-espèces. « Ces virus qui mutent autant risquent de trouver d’autres hôtes. » Des chercheurs de l’Institut Pasteur ont récemment démontré que les variants britannique, sud-africain et brésilien sont en mesure d’infecter la souris, alors que le SARS-CoV-2 n’y parvenait pas. « Ça doit nous interroger. Il faut commencer à surveiller monde animal autour de nous pour éviter un bond évolutif, car cela compliquerait encore davantage la situation. »