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Barbara Cassin: « Les mythes enseignent l’intelligence du sens et la nécessité d’interpréter »

Marraine de la collection du « Monde », « Au cœur de la mythologie », coéditée avec « Géo Histoire », la philologue rappelle que les mythes gréco-romains sont toujours des grands récits de l’imagination, des histoires. Et une invitation à penser par soi-même, à défier les dieux…

Propos recueillis par 

Publié le 31 mars 2021 à 08h00, modifié le 01 avril 2021 à 10h18

Temps de Lecture 12 min.

La philologue Barbara Cassin, à Paris, en février 2021.

Helléniste, philosophe et traductrice des textes antiques, l’académicienne Barbara Cassin explore le riche héritage que véhiculent mythes, héros et épopées, dans une approche résolument contemporaine.

Au regard de votre connaissance approfondie de la langue et des grands auteurs grecs, que nous ont transmis ces dieux et héros, réunis dans la collection encyclopédique du « Monde » ?

Muthos, en grec, signifie « récit, parole ». A condition de comprendre qu’avec les mythes il ne s’agit pas de faits mais de récits, les mythes enseignent l’intelligence du sens et la nécessité d’interpréter. La vérité qu’ils portent en eux n’est jamais monolithique mais naturellement « fissurable », contradictoire, évolutive. Aussi, par leur diversité, les différents types de récits, qui constituent la mythologie grecque et romaine, offrent de l’univers, des dieux, de la place de l’homme, de la civilisation, du pouvoir une vision du monde où poésie et philosophie vont de pair.

Le mythe est un peu comme un écriteau qui nous dirait « Que pensez-vous de tout cela ? Que pensez-vous de ce qu’ils ont pensé ? » C’est pourquoi j’aime tant traduire les poètes et les philosophes, et les mettre en rapport avec nos rhétoriques modernes. Plus d’un dieu, plus d’une langue : c’est pour moi une bonne base de réflexion… La lettre n’est jamais que du sens. Voilà probablement le premier legs que nous transmettent mythes, fables et légendes de la Grèce et de la Rome antiques.

Que nous apportent aujourd’hui les textes de poètes, mythographes ou philosophes tels Hésiode ou Homère ? Leur résonance révèle-t-elle une survivance du mythe ?

La connaissance des mythes, le plaisir que procure leur puissance poétique, les idées et les normes qui les habitent nous ouvrent à une autre perception du cosmos. Dans leur grande diversité, grâce aux nombreuses versions qu’ils ont engendrées, nées du processus même de leur transmission, oral puis écrit, les mythes grecs comme les légendes romaines se fondent sur un rapport aux dieux – et non à un seul dieu. Le polythéisme change tout. Nous sommes habitués aux trois grands monothéismes que scellent la Torah, la Bible et le Coran.

Or, c’est probablement en partant de la pluralité des dieux grecs et romains – des normes et des surprises que construisent les récits qui en parlent – que l’on peut comprendre ce que la mythologie nous apporte aujourd’hui. René Char, dans son poème Pause au château cloaque, fait vibrer cet héritage et sa permanence : « Nous ne jalousons pas les dieux, nous ne les servons pas, ne les craignons pas, mais, au péril de notre vie, nous attestons leur existence multiple et nous nous émouvons d’être de leur élevage aventureux lorsque cesse leur souvenir. »

Entendez-vous qu’une pluralité de dieux – plutôt qu’un dieu unique – change radicalement l’approche et la vision du monde ?

Qu’est-ce qu’être païen ? Quel en est le sens ici et maintenant ? En quoi le paganisme (de paganus, le paysan) rafraîchit-il l’idée de laïcité, de religion, et de nombre de problématiques qui nous occupent actuellement ? Le polythéisme induit un rapport différent aux dieux, aux hommes, aux animaux, aux plantes, au monde, au quotidien. Il construit une perméabilité entre l’humain mortel, le divin, la nature et l’univers. Le cosmos homérique en est d’ailleurs le fruit. Car n’oublions pas qu’en grec kosmos, que l’on traduit par « monde », renvoie à l’« ordre » en même temps qu’à la « parure ». Il a pour dérivés à la fois « cosmologie » et « cosmétique » : l’univers est beau.

« Mythes et dieux seraient peut-être là pour nous rappeler à une perception du cosmos où l’homme n’est qu’une partie d’un tout, mais pas plus. »

J’ai ressenti cette porosité lors d’un voyage à Bali, où les divinités sont nombreuses et omniprésentes. Ainsi, les bornes des carrefours sont ceintes de pagnes à carreaux noirs et blancs, car, m’a-t-on expliqué, « nul n’est tout à fait bon, nul n’est tout à fait méchant ». Il y a de la perfection dans les rizières étagées, les buffles posés au bord des champs, les danses synchrones des petites filles… J’ai eu l’impression de rencontrer les Grecs sans les lire, dans une quintessence miniature du cosmos, qu’en d’autres lieux et un autre temps Charles Baudelaire, dans L’invitation au voyage, nomme « ordre et beauté ».

Immense et limité, l’horizon renouvelle son ordonnance à chaque pas. Pourtant, cette beauté inhérente à l’immensité du monde vivant, cet équilibre, nous en éprouvons aujourd’hui la précarité, avec les dangers climatiques, par exemple. Alors, mythes et dieux seraient peut-être là, aussi, pour nous rappeler à une perception du cosmos où finalement l’homme n’est qu’une partie d’un tout, mais pas plus. La mythologie, constamment réécrite au fil des siècles, nous transmettrait donc, par la fable, l’art, l’imaginaire, un sens profond de la pensée des Anciens.

Peut-on envisager le paganisme comme une réponse aux doutes et aux paradoxes des sociétés contemporaines ?

Le paganisme est une ouverture. Pour le païen – nombre d’épisodes d’Homère nous l’indiquent –, il se pourrait que celui qui arrive en face soit un dieu. L’un des plus beaux exemples en est la rencontre d’Ulysse et de Nausicaa. Naufragé sur le rivage des Phéaciens, Ulysse s’endort, épuisé, nu. Il est tiré de sa torpeur par les jeux de Nausicaa et de ses servantes – elles prennent toutes la fuite, effrayées à la vue de son corps « tout gâté par la mer ». Sauf Nausicaa.

Ulysse tente de « voiler sa virilité d’une branche d’arbre », mais il n’ose saisir Nausicaa aux genoux, comme l’exige le geste que la tradition impose au suppliant. Craignant de l’apeurer ou de la fâcher en la touchant, il choisit de lui parler : « Je te prends les genoux, maîtresse, que tu sois déesse ou mortelle. » Disant au lieu de faire, faisant rien qu’en disant, Ulysse, qui traduit et transgresse du même coup sa peur de lui prendre les genoux, invente le performatif.

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Dans cette scène, tout est symbole. Le héros subjugué confie à la jeune fille qu’il n’a jamais rien vu d’aussi beau qu’elle, si ce n’est, à Délos, le fût d’un jeune palmier. Nausicaa, elle, le compare à un lion des montagnes.

« L’homme, ni dieu ni bête, appartient au cosmos tout entier. Voilà ce qu’est le paganisme. On aurait peut-être besoin de cette approche afin d’agir pour de bon en écologie. »

A travers la poésie des images, c’est la perméabilité du monde qui devient lisible. L’homme, la plante, l’animal, les monts s’entre-appartiennent. Puis, tandis qu’Ulysse se lave pour reprendre figure humaine, Athéna verse sur sa tête la kharis (la grâce).

Le voyant sortir du bain, Nausicaa s’exclame : « Tu n’étais à l’instant qu’un vieux couvert de loques, et maintenant tu ressembles aux dieux maîtres des champs du ciel. » La boucle est bouclée. Tous deux pourraient être des dieux. Voilà ce qu’est le paganisme. En quelques épithètes, célébrant les beautés de la nature, l’homme, ni dieu ni bête, appartient au cosmos tout entier. On aurait peut-être aujourd’hui besoin de cette approche pour mieux comprendre ce que nous nommons l’environnement, et agir pour de bon en écologie.

A l’instar de la cosmogonie, qui tendait à expliquer au plus grand nombre la création du monde, les dieux, héros et demi-dieux de la mythologie ont-ils modelé notre imaginaire ?

Pierre Grimal, l’auteur du Dictionnaire de la mythologie grecque et romaine, qui a mis en lumière la modernité et l’intérêt fondamental des mythologies grecque et romaine, opère une nette distinction entre trois types de récits. Pour lui, les mythes participent uniquement de la cosmologie. Ils renvoient à l’ordre total du monde, Chaos, Ciel, Terre, Titans et Olympiens… Puis, les héros et demi-dieux, tel Héraclès (Hercule), participent des cycles héroïques. En troisième lieu, « les nouvelles » décrivent toutes les intrigues qui émaillent les récits mythologiques comme, par exemple, le destin d’Hélène, fille de Zeus et de Léda, qui déclencha la guerre de Troie ; ainsi l’Iliade et l’Odyssée appartiennent, selon Grimal, au registre de la nouvelle.

« Homère est un Grec rêvant », disait Nietzsche. Ces rêves, mis en scène dans les tragédies antiques et modernes, vibrants sur les vases, les bas-reliefs, les statues, ont, bien sûr, modelé notre imaginaire, nos goûts et nos cultures. Mais la mythologie, c’est-à-dire littéralement la « science des mythes », cette logique qui rassemble, compare et rationalise les récits, est là pour créer un recul, une distance critique vis-à-vis de la légende, de la croyance, de la religion, et de l’histoire elle-même comme liée à ces histoires que l’on raconte.

Paul Veyne, spécialiste de la Rome antique et auteur de Comment on écrit l’histoire (Seuil, 1971), s’est demandé si les Grecs ont cru à leurs mythes. Même si le mythe se présente comme un fait, on se souviendra que factum (le fait) est un doublet de fictum (la fiction). Tout mythe est une fabrication riche de sens, qui fait rêver et penser, depuis les Grecs, et avant eux, jusqu’à nous.

Le mythe ferait-il l’objet d’une constante adaptation ? Fixé par l’écrit, d’Homère à Ovide, d’Hésiode à Ronsard, de John Keats à Marguerite Yourcenar, aurait-il pour faculté de traduire l’universalité des passions et des lois ?

Le mythe ne cesse de se parler, de s’écrire, de se transformer. Son lecteur doit avoir la possibilité de croire sans croire tout en croyant. Les Grecs croyaient-ils à leurs mythes ? Oui et non, bien sûr et pas du tout. Et le fait qu’il y ait toujours plusieurs versions d’un mythe, plusieurs vérités, renforce sa fonction. On peut sans doute y trouver, et pas seulement chez les Grecs, l’universalité des passions, du principe et de la loi.

A vrai dire, le plus universel est sans doute le rapport à la transgression. Lorsqu’on lit par exemple Hésiode, la sauvagerie qu’on y trouve est effroyable. Le père avale ses fils. Les fils châtrent les pères. Parricides, viols, incestes, tueries entre frères : s’agit-il d’un état primitif de la civilisation, ou de la part obscure de nous-mêmes ?

On comprend que Platon veuille chasser les poètes hors de la cité puisque Homère décrit les dieux à l’image des pires des hommes, mais Aristote préfère penser qu’on purge ainsi les passions, qu’on leur offre un exutoire, qu’on les sublime, et qu’on fabrique alors de meilleurs citoyens. Les mythes sont toujours des histoires, des grands récits de l’imagination, dont il faut interroger le sens. Car on ne sait jamais si on nous demande d’essayer de ressembler aux dieux ou d’éviter de les imiter.

Le christianisme aurait-il contrarié la mythologie ou y aurait-il mis un terme, y substituant une autre vision de l’histoire ?

Je répondrai que le christianisme a inauguré un autre grand récit. On ne se passe jamais des mythes. On rebondit d’un grand récit à l’autre. Pour Nietzsche, le mythe et la manière dont on le raconte déterminent notre rapport à l’histoire. Dans La Naissance de la tragédie, le philosophe a cette flamboyante formulation : « C’est le sort de tout mythe de se restreindre peu à peu à une réalité prétendument historique et d’être traité, à une époque postérieure quelconque, comme un fait isolé se réclamant de l’Histoire. C’est ainsi que les religions ont coutume de mourir. »

Cette phrase dit tout de la manière dont on raconte le mythe (muthos, le « récit », la « parole »), du rapport que nous entretenons à l’histoire et de la fin de grands récits. L’Iliade et l’Odyssée racontent la guerre de Troie, voilà tout ! Quel tort font au christianisme les récits de la vie de Jésus ? Quels sont de nos jours les grands mythes qui ont pris fin ? Le récit national, religieux, politique ? Le patriotisme ? Le communisme ? Les notions conjointes de Liberté-égalité-fraternité ? La psychanalyse ?

« Dans le monde contemporain, la fin des grands récits s’accompagne du phénomène de storytelling, glissant non dans l’histoire mais dans l’actualité de petits morceaux de récits aux fins immédiates. »

Sigmund Freud a vu, dans les trois blessures narcissiques de l’humanité, trois désillusions rencontrées par l’homme au cours de son histoire : la révolution copernicienne, la théorie darwinienne de l’évolution et l’inconscient faisant que « malgré toutes les apparences et les croyances, l’homme n’était jamais le souverain de son âme ».

Dans le monde contemporain, la fin des grands récits s’accompagne du phénomène de storytelling, glissant non dans l’histoire mais dans l’actualité de petits morceaux de récits aux fins immédiates. Car, pour s’approprier quelque chose, il faut l’avoir transformé en histoire, il faut que l’on puisse le raconter. Dans ce registre s’inscrivent les tweets de Donald Trump, les discours discordants sur l’évolution du Covid-19, des masques aux vaccins, venant combler un grand récit absent. Le lien entre les histoires-récits et l’histoire a toujours existé, mais il n’a aujourd’hui rien de rassurant…

La traduction, ce « savoir-faire avec les différences » selon votre formule, est-elle la colonne vertébrale du mythe ?

Un mythe, ce sont des mots, des mots en langue. Il faut sans doute, pour comprendre un mythe, s’être approprié jusqu’au sens des noms propres. Du coup, la traduction compte évidemment, même si elle est très souvent insatisfaisante précisément parce qu’il s’agit d’équivoques et de signifiants. Il faudrait faire entendre sous le nom de Zeus la racine qui signifie « briller » (en latin dies, « jour »), la « vie » (en grec zên, « vivre »), et, à l’accusatif dia « à travers », ce qui traverse et transite. Ou sous le nom d’« Hélène », « celle qui prend » et « celle qui est prise », ravisseuse ravissante – et à une lettre près : héllên, « Grec ».

En français, on ne peut que l’expliquer… De plus, à un second niveau, les mythes des différentes cultures diffèrent les uns des autres comme des langues, d’une manière qui autorise ou exige la comparaison et que l’on peut appeler structurale. Pas plus que les langues, ils ne décrivent des faits ou des entités, mais des rapports et des relations. Et la traduction est bel et bien un vecteur de transmission. Elle tient son rôle de passeur lorsqu’elle permet non seulement de communiquer, mais aussi de comprendre les différences.

En soulignant la vaillance des mortels et la toute-puissance des dieux, le héros met-il l’homme en garde contre l’« hubris » ? Zeus et Héraclès, parmi tant d’autres dieux de l’Olympe et héros, en seraient-ils les passeurs ?

Il arrive que les dieux, les « immortels », envient les hommes à qui la mort permet de goûter autrement la vie. Les mortels, eux, ne cessent de vouloir vivre, vivre encore. Même Achille qui a choisi la gloire, préférerait être un vacher à la lumière du jour qu’un héros aux Enfers. Sortir de la mesure, ce que l’on nomme hubris, c’est pour l’homme ne pas rester à sa place, défier les dieux. Mais quand on lit Hésiode, Homère, les tragédies, dieux et héros de la mythologie nous apprennent que la mesure de l’homme, c’est d’être à sa place et de ne jamais y rester.

La traduction en actions

Les Maisons de la sagesse - Traduire, que Barbara Cassin a imaginées, n’ont ni portes ni fenêtres. Il s’agit, à partir d’une réflexion pragmatique sur les difficultés de la traduction d’une culture à l’autre, de la mise en place de trois dispositifs destinés à faciliter l’accueil et l’insertion de migrants. En premier lieu, l’association publie un glossaire de l’administration française traduisant des données – dates de naissance, statut… – inconnues de certaines cultures subsahariennes.

La deuxième étape consistera en la création, avec l’appui du Campus Condorcet et du Crédit municipal de Paris, de banques culturelles ou banques-musées réunissant des objets-récits tels des symboles de parcours de vie. L’estimation de ces biens prendra en compte l’histoire des objets sans se contenter de leur seule valeur marchande. Echangés contre un microcrédit, ils permettront la réalisation d’un projet. C’est donc une triple approche de la valeur, de la banque et du musée qui s’invente ici. A ce jour, trois villes s’impliquent dans ce processus : Clermont-Ferrand, Aubervilliers et Marseille. Enfin, la philologue entend pousser plus loin son action par l’édition du Dictionnaire des intraduisibles des trois monothéismes. Une vision humaniste et concrète de l’autre et de ses différences.

Retrouvez la collection « Au cœur de la mythologie » publiée par « Le Monde » et « Géo Histoire » sur le site qui lui est consacré : www.mythologiegeohistoire.fr.

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