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Interview

Sheryl Sandberg : « 20 % du temps passé sur Internet est consacré à Facebook en France »

Sheryl Sandberg est l’une des personnalités les plus reconnues du monde des affaires. Numéro deux de Facebook après être passée par l’administration Clinton et par Google, elle siège aussi au conseil d’administration de Disney et vient de sortir un livre dans lequel elle appelle les femmes à réaliser leurs ambitions. De passage à Paris, elle s’est confiée aux « Echos ».

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Sheryl Sandberg, membre du directoire de Facebook *** Local Caption *** 93019640

Par Nicolas Rauline, Alexandre Counis, Nicolas Barré

Publié le 15 avr. 2014 à 18:05

Vous êtes venue trois jours en Europe, dont deux en France. Pourquoi était-ce si important pour vous ?

La France est un marché majeur pour nous. Facebook a 1,2 milliard d’utilisateurs actifs dans le monde, dont 62% reviennent sur notre service tous les jours. En France, nous avons 27 millions d’utilisateurs et 69 % reviennent tous les jours. L’implication des Français est donc plus importante que la moyenne : 20 % du temps passé sur Internet est consacré à Facebook en France! Nous avons ici des bureaux, nous y augmentons nos investissements et nous comptons croître encore davantage. Et le marché est très dynamique : tous les voyants sont au vert, que ce soit du côté du public, du marketing ou des développeurs. Il y a ici des exemples frappants de petits commerces qui ont créé leur page Facebook et ont considérablement augmenté leur activité, ou de start-up qui, comme Pretty Simple, ont su croître grâce à Facebook. Cet éditeur de jeux a désormais plus de 100 millions d’utilisateurs, dont plus de 90 % hors de France. Enfin, plus de 10.000 développeurs travaillent avec la plate-forme Facebook en France.

VIDEO - « Facebook permet un marketing personnalisé »

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Quel était le programme de votre voyage ?

Je voulais rencontrer les gens qui sont en contact tous les jours avec Facebook ici : les agences média, les annonceurs, les entreprises, les développeurs… Ces deux jours ont donc été consacrés à ces rencontres. Et j’ai aussi tenu une conférence à Sciences-Po autour de mon combat pour une meilleure représentation des femmes à la tête des entreprises. J’ai rencontré les gens qui discutent de ces sujets tous les mois au sein des « lean in circles » que nous avons montés. Il y a aujourd’hui 16.000 groupes de discussion de ce type dans 72 pays.

Quelle image avez-vous de la France ?

Le rêve serait d’être ministre du Tourisme, tout le monde veut venir en France... Je plaisante, bien sûr. La France a une longue histoire, culturelle mais aussi entrepreneuriale. « Entrepreneur » est un mot français. Il y a beaucoup de bons signaux aujourd’hui en France : les taux d’équipement en mobile et en smartphones sont parmi les plus élevés au monde, vous avez un grand nombre de très grandes entreprises mondialement reconnues… Et nous avons de bonnes relations avec l’Etat français : nous nous conformons à la fiscalité en vigueur, nous sommes vigilants sur le respect de la vie privée, nous respectons les règles européennes. Nous tenons à être « bons citoyens ».

Il y a quelques semaines, vous avez rencontré François Hollande à San Francisco. Quelle était la teneur de vos échanges ?

Peu de chefs d’Etat se rendent en Californie. François Hollande était accompagné d’entrepreneurs français, et d’autres, qui ont souhaité rencontrer les entreprises de la Silicon Valley. C’est un très bon signal. Nous avons parlé de business, des investissements de la France en matière de technologie, des révolutions technologiques…

Cela fera bientôt deux ans que Facebook s’est introduit en Bourse. Avec le recul, comment analysez-vous cette opération ?

L’introduction en Bourse s’est réalisée dans un contexte particulier pour nous car nous étions alors en pleine phase de transition. Nous passions d’une entreprise Internet à une entreprise mobile. Nous avons alors pris les bonnes décisions : nous sommes restés concentrés sur nos produits sans attacher trop d’importance au cours de l’action. Moi-même, je ne regarde jamais le cours! Je laisse ça à notre directeur financier. En revanche, j’ai toujours un œil sur nos ventes, souvent plusieurs fois par jour. Il a fallu expliquer au marché que nous étions en phase de transition, mais aujourd’hui c’est derrière nous : le mobile représente désormais plus de la moitié de notre chiffre d’affaires.

Aujourd’hui, le marché de la publicité mobile est encore faible. Pensez-vous pouvoir être le leader de ce marché en croissance ?

Je pense qu’aujourd’hui, nous avons le meilleur produit publicitaire mobile. Nous avons intégré la publicité dans le fil d’actualité sans gêner l’expérience personnelle. L’impact est beaucoup plus fort pour les annonceurs et nous avons des outils de mesure très précis sur le retour sur investissement. Nos concurrents ne sont pas aussi bien positionnés. Et je ne parle là que de Facebook. Instagram sera aussi un acteur puissant sur le marché.

Certains analystes mettent en évidence que, pour une entreprise comptant plus d’un milliard d’utilisateurs, le niveau de monétisation reste relativement bas. Comment améliorer cela ?

Par rapport à notre nombre d’utilisateurs, oui, notre potentiel de croissance est encore très important. Les choses prennent du temps. Regardez : aux Etats-Unis, le temps passé sur Internet vient tout juste de dépasser celui consacré à regarder la télévision et pourtant, les budgets se portent encore majoritairement sur la télévision. Mais la publicité va toujours là où le consommateur se trouve.

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Votre récent positionnement sur la publicité vidéo peut-il vraiment accélérer votre croissance ?

Oui, ce sera un levier de croissance intéressant mais nous y allons petit à petit, nous voulons être sûrs que la publicité vidéo ne gêne pas l’expérience de l’utilisateur. Il y a aujourd’hui plus de demande que nous ne pouvons offrir d’espace.

Quels sont les marchés où Facebook peut encore se renforcer ?

Il y en a peu : la Chine, bien sûr, où nous ne sommes pas présents, ou la Russie. Sur certains marchés, l’enjeu est de connecter la population à Internet. C’est pour cela que nous sommes engagés, avec d’autres acteurs du secteur, dans le projet Internet.org. Nous voulons connecter les gens, c’est un investissement de très long terme.

Google vient de racheter le constructeur de drones Titan Aerospace, que vous convoitiez. Pourquoi autant d’intérêt pour ce sujet ?

Je ne commenterai pas cette acquisition mais nous pensons que les drones peuvent être un bon moyen de connecter certaines populations, parmi d’autres solutions. Nous avons d’ailleurs racheté Ascenta, une entreprise basée à Londres et qui développe aussi des drones. Ce n’est donc pas une surprise de voir Google miser sur ce secteur.

Il y a un vif débat en Europe comme aux Etats-Unis sur la protection des données. Quelle est votre position ?

Si on veut que les gens partagent des données via Facebook, il faut qu’ils soient convaincus que ces données privées restent privées, et que nous n’allons pas les vendre. Facebook milite activement pour la protection des données et c’est le cœur de notre activité : on ne transmet pas les données privées à des tiers, chacun choisit avec qui il souhaite les partager. Nos principales innovations portent sur la protection de la vie privée. Nous offrons des outils de contrôle très précis, car sur Facebook l’usage d’une photo, par exemple, peut aller du très privé au tout public : elle peut être partagée, avec une seule personne, avec un groupe, ou avec tout le monde.

L’affaire Snowden a-t-elle terni l’image de Facebook?

Comme celle de toutes les entreprises du Net ! Il faut que les choses soient claires : nous n’avons jamais donné à aucun gouvernement un accès global et direct à nos données. Dans une démarche de transparence, nous avons publié vendredi dernier notre deuxième rapport des demandes gouvernementales par pays. Ce rapport permet de connaître le nombre de requêtes reçues des gouvernements sur nos utilisateurs. Nous avons aussi demandé au gouvernement américain, et Mark Zuckerberg en particulier l’a fait de manière très nette, d’agir davantage pour rassurer le public, en nous permettant notamment de faire plus en termes de transparence. Les autorités doivent être plus précises sur les données qu’elles nous demandent et le faire dans des situations bien déterminées.

Le prix que vous avez payé pour Whatsapp (19 milliards de dollars) a été jugé très élevé. Etait-ce comme certains l’ont dit un geste désespéré pour protéger votre base d’utilisateurs ?

Tout le monde disait déjà que le prix était très élevé pour Instagram quand nous l’avons acheté pour 750 millions de dollars il y a deux ans! En réalité, nos deux services sont extrêmement complémentaires. Il n’y a pas beaucoup de services qui, comme Whatsapp, touchent déjà 500 millions d’utilisateurs. Et nous pensons que cette application est bien partie pour atteindre rapidement le milliard.

Qu’est-ce qui vous a surpris à votre arrivée chez Facebook il y a six ans ?

Google, d’où je venais à l’époque, était déjà une grosse entreprise. Mon équipe là-bas comptait 4.000 personnes alors que chez Facebook, elle était de « seulement » 550 personnes. Les deux groupes ne sont pas du tout conçus sur les mêmes bases : autant Google est tourné vers les algorithmes et la technologie, autant Facebook est centré sur les personnes. Pour le reste, on n’a pas de bureaux chez Facebook, nous travaillons dans des open space. Mon bureau est situé juste à côté de celui de Mark, nous travaillons l’un en face de l’autre et chacun de nous est très accessible, à tout le monde.

Vous êtes très engagée sur la question de l’égalité hommes-femmes. Les inégalités concernent-elles en particulier l’univers de la high tech?

Les entreprises du secteur de la high tech ont en effet un défi particulier à relever car il y a très peu de femmes parmi les diplômés en sciences informatiques : seulement 13 % aux Etats-Unis. Pour ce qui est de Facebook, je suis très fière car plusieurs femmes y occupent des postes très haut placés. La communication mondiale du groupe a été confiée à Debbie Frost, l’activité européenne est dirigée depuis Londres par Nicola Mendelsohn. Et Carolyn Everson s’occupe des ventes mondiales. J’aimerais évidemment voir encore plus de femmes à tous les postes à responsabilité.

VIDEO - « Il y a une dynamique mondiale pour plus d'égalité »

Comment peut-on améliorer les choses ?

C’est avant tout un problème de mentalités : les gens ne s’attendent pas à voir des femmes occuper des postes à responsabilité. Tout le monde dit que, dans le monde, les différences culturelles entre pays sont énormes. Elles le sont, sauf sur cette question de l’égalité hommes-femmes. Dans le monde du travail, les femmes sont par exemple souvent accusées d’être agressives. J’entends cela partout, y compris ici à Paris. Et personne n’accuse les hommes de l’être. Mais le problème ne touche pas que les entreprises : aux Etats-Unis, 75 % des gens travaillant dans les activités à but non lucratif sont des femmes, mais seulement 21 % des organisations de ce secteur sont dirigées par des femmes.

En termes d’acquisitions notamment, Mark Zuckerberg donne l’impression de prendre ses décisions seul...

Pas du tout ! Mark a peut-être l’image de quelqu’un d’introverti, d’individuel, mais c’est complètement faux. Il travaille en petits groupes, toute la journée, il est accessible. Quand il y a des décisions à prendre, notamment sur une acquisition, nous les prenons ensemble au niveau de l’équipe de direction, avec le directeur technique et moi-même, en relation étroite, évidemment, avec le conseil.

Il y a eu ces dernières semaines des rumeurs sur votre départ, notamment après la vente de certaines de vos actions…

Je ne sais pas combien de fois je devrai le répéter, mais je ne pars pas! Les actions qui ont été vendues l’an dernier l’ont été pour des raisons fiscales. J’adore mon job! J’aime aider les entreprises à se développer. Je n’ai pas du tout envie de faire partie du gouvernement, comme cela a pu être écrit.

Pourquoi avoir acheté Oculus ?

Cette acquisition fait partie de notre stratégie de long terme. Nous voulons en faire une vraie plate-forme de communication et créer de nouvelles expériences sociales.

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