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Politiques la semaine, peintres le dimanche

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Publié le , mis à jour le
Le point commun entre la reine Victoria, Dwight Eisenhower, Vladimir Poutine ou encore George W. Bush ? A priori aucun, si ce n’est que tous ont cultivé, sur leur temps libre, une pratique artistique ! Alors que les Français sont appelés aux urnes les 20 et 27 juin, petit florilège.

Les uns prennent la pose sur commande. D’autres prennent une pause dans leur emploi du temps de ministre, député ou président, se glissant à l’occasion dans la peau d’un artiste. En 1847, un journaliste fut traîné en justice pour avoir publié des esquisses signées de la reine Victoria. Francisco Franco s’enfermait, lui, dans son bureau pour peindre. Dans la famille des dictateurs, Adolf Hitler, recalé à l’Académie des beaux-arts de Vienne, a la réputation d’un peintre raté… Quant à Winston Churchill, seul son chevalet le guérissait de la dépression. Aux États-Unis, sa passion influença Jimmy Carter et Dwight Eisenhower. Aujourd’hui encore, c’est à lui que se réfèrent la plupart des politiques maniant le pinceau.

1. Le point de fuite de George W. Bush

« Peindre m’empêche de végéter toute la journée sur mon canapé. » À peine sorti de la Maison-Blanche, George W. Bush se réfugiait dans la couleur. Cette passion devait rester secrète ; jusqu’au jour où l’adresse e-mail de sa sœur fut piratée par un certain Marcel Lazar. Depuis, le 43e président des États-Unis assume son passe-temps devant le monde entier. Il y a deux ans, sa dernière exposition au Kennedy Center de Washington rassemblait 66 portraits de vétérans. Rien à voir avec son premier accrochage, en 2014, où figurait un Tony Blair à l’air tendre, ainsi qu’une Angela Merkel au visage rayonnant. De tous ses modèles, Vladimir Poutine reste celui qui fait couler le plus d’encre.

George W. Bush, Putin
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George W. Bush, Putin, 2012

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© George W. Bush

2. Attribué à Vladimir Poutine…

Ses créations défraient autant la chronique que les caricatures dont il fait l’objet (en Napoléon, en bimbo, ou en Jeune fille à la perle). En 2009, 26 célébrités furent invitées à illustrer l’alphabet, en s’inspirant d’une nouvelle de Nicolas Gogol. Vladimir Poutine – qui avait hérité de la lettre « u » – proposa la vue d’une fenêtre ornée de deux serviettes nationales ukrainiennes. D’où le titre de son tableau, Uzor, qui signifie broderie en russe. Ce détail fut interprété comme un pied de nez à l’Ukraine, que la Russie avait alors cessé d’approvisionner en gaz. L’ancien premier ministre, aujourd’hui président, fut ensuite accusé de s’être approprié le travail d’un autre. Vrai ou faux ? Le mystère plane. Quoi qu’il en soit, l’œuvre en question fut adjugée à Saint-Pétersbourg pour 860 000 euros, au profit d’une église et de deux hôpitaux.

« Uzor » de Vladimir Poutine, en vente à Saint-Pétersbourg en janvier 2009, ici dans une galerie à Moscou
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« Uzor » de Vladimir Poutine, en vente à Saint-Pétersbourg en janvier 2009, ici dans une galerie à Moscou

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© Photo STR / AFP

3. Le prince Charles a la cote

Telle arrière-arrière-arrière-grand-mère, tel arrière-arrière-arrière-petit-fils. Comme la reine Victoria, le prince Charles peint. Depuis 1992, les lithographies tirées de ses aquarelles auraient rapporté plus de 2,6 millions d’euros à sa fondation caritative. À ce record s’ajoutent 5 millions d’euros amassés par diverses galeries, sachant que le prix de ses œuvres oscille, à l’unité, entre 3 000 et 19 000 euros. Loin d’ériger l’héritier du trône britannique au rang d’un Damien Hirst ou d’un David Hockney, ces estimations suggèrent qu’il possède un certain talent. « La peinture se rapproche de la méditation car elle nous plonge dans un autre monde », confie-t-il. Ses fils semblent partager son point de vue : William a étudié l’histoire de l’art à l’université et Harry, qui prétend détester les selfies, s’illustre, quant à lui, dans la photographie.

Le prince Charles en train de peindre en Suisse, le 22 février 1994
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Le prince Charles en train de peindre en Suisse, le 22 février 1994

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© Julian Parker/UK Press via Getty Images

4. La palette débordante de Fatoumata Fathy Sidibé

C’est ce qui s’appelle avoir plusieurs cordes à son arc. Peintre et écrivain, diplômée en journalisme, Fatoumata Fathy Sidibé vient de quitter ses fonctions au Parlement bruxellois. Son dernier livre, La Voix d’une rebelle (2020, éd. Luc Pire), indique qu’elle n’en poursuit pas moins son combat contre les discriminations. « Un soir, j’ai saisi une feuille et des pastels. Ma main a dessiné au hasard des formes sans savoir où l’aventure créative la mènerait. Le résultat ? Un masque fascinant et étrange », raconte cette féministe engagée. Le choix de ce motif, cultivé dans l’ensemble de ses séries, n’a rien d’étonnant quand on connaît la richesse de son parcours, partagé entre Bamako, l’Allemagne et la Belgique où elle s’installe en 1980. Qualifiée de « femme plurielle », elle pratique un art tout aussi varié qui « utilise ce que le hasard met place sous [s]a main : couteau, peigne, mouchoir en papier, tissu, doigt, pinceau, bois. [S]a peinture est liberté ».

Fatoumata Fathy Sidibé, Le Bienveilleur (détail)
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Fatoumata Fathy Sidibé, Le Bienveilleur (détail), 2008

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© Fatoumata Fathy Sidibé

5. Edi Rama, une vocation sans repentir

Nom : Edi Rama. Nationalité : Albanais. Profession : peintre. Non, Premier ministre. Non, les deux. Il suffit d’entrer dans son bureau pour comprendre… Les murs sont tapissés de croquis, dont la valeur tient surtout à leur contexte de création. Fils d’un sculpteur et ancien professeur à l’Académie des arts de Tirana, Edi Rama a pris l’habitude de dessiner en réunion, sur des documents déterminant l’avenir de son pays (sondages, traités, rapports…). Exposés à New York, Paris, Francfort, São Paulo ou encore en Israël, ces supports originaux prouvent qu’art et politique font parfois bon ménage. Et Rama de préciser : « si la politique peut, parce qu’elle est malsaine, générer un art puissant ; à l’inverse, l’art ne saurait assainir la politique ».

« Works » d’Edi Rama à la Kunsthalle de Rostock, en janvier 2019
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« Works » d’Edi Rama à la Kunsthalle de Rostock, en janvier 2019

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© Danny Gohlke/dpa/Alamy Live News

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