La camionnette siglée « Le Petit Panier » sillonne, chaque vendredi, les routes de la Bretagne intérieure. Elle est remplie de produits frais, charcuterie, laitages, œufs, viande, surgelés, plats cuisinés, et les incontournables boîtes de raviolis fournies par le Fonds social européen : « On n’en peut plus des raviolis, tout le monde en a marre !, soupire Eric Fouillaron, président de l’antenne morbihannaise de la Banque alimentaire, en faisant visiter les allées de son vaste entrepôt de Vannes. Heureusement, il y a la “ramasse”, c’est-à-dire la collecte, par nos bénévoles, des invendus des grandes surfaces pour les produits frais, et la collecte annuelle auprès des clients en supermarchés qui fournit des denrées de qualité supérieure… Parfois des boîtes de pâté Hénaff, une marque mythique ici. »
La Banque alimentaire du Morbihan distribue, chaque année, mille tonnes de vivres à 200 partenaires et associations. Dix-sept tonnes sont réservées à 738 familles vivant en Bretagne intérieure, des chiffres en constante augmentation : « Nos épiceries sociales et les centres communaux d’action sociale ont, en 2019, repéré des besoins d’aide alimentaire non satisfaits en zone rurale, à 30 kilomètres du riche littoral, poursuit M. Fouillaron, et nous avons investi dans un véhicule réfrigéré pour aller vers ces familles qui ne réclamaient rien mais ont besoin de tout. »
La camionnette, partie à sept heures du matin, est pilotée par Yvon Jacquard et Jean-Claude Le Broch, deux bénévoles de la Croix-Rouge, retraités, l’un de l’agroalimentaire, l’autre de la restauration, et qui s’y connaissent donc en logistique. La tournée va leur faire parcourir plus de 200 kilomètres dans le pays du Roi Morvan, une campagne de rêve, verte et fleurie en ce début d’été, et des villages préservés, Kernascléden, Priziac, Berné, Meslan, où trouvent refuge un nombre grandissant de familles précaires, parce que les logements n’y sont pas chers.
Le budget social des villages insuffisant
A Kernascléden (450 habitants), par exemple, on trouve à louer un trois-pièces pour 300 euros – « Et puis ici, c’est calme… On en a assez des banlieues, de la vie en HLM », renchérit Mélanie, 33 ans, arrivée de la Sarthe il y a deux ans, après avoir pas mal bourlingué. Son scooter est en panne et elle n’a pas le sou pour le réparer, alors elle est venue en voiture avec sa voisine Pascaline, 40 ans. Cette dernière est fière d’avoir enfin décroché son permis de conduire – « La conduite ça va, c’est le code… » –, indispensable dans ces campagnes où ce que l’on ne consacre pas au loyer est largement englouti dans un véhicule : l’essence, l’assurance, les contrôles techniques… et les amendes automatiques de radars piégeux.
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