Navalny sait que « seul un sacrifice pourra ébranler le régime de Poutine »

Navalny sait que « seul un sacrifice pourra ébranler le régime de Poutine »

À son retour, les Russes étaient massivement descendus dans les rues pour le soutenir, mais la condamnation et l’emprisonnement d’Alexeï Navalny semble avoir eu raison des opposants à Vladimir Poutine. Après plus de 20 ans au pouvoir, le régime de Vladimir Poutine est-il aussi solide qu’il l’affiche ? Jérôme Chapuis et ses invités ouvrent le débat, pour Un Monde en docs, sur Public Sénat.
Public Sénat

Par Victor Missistrano

Temps de lecture :

5 min

Publié le

Il avait choisi de se jeter dans la gueule du loup en rentrant à Moscou. Emprisonné depuis février après avoir été condamné à deux ans et demi de prison Alexeï Navalny se trouve aujourd’hui dans une bien mauvaise posture. Comme ses soutiens, celui qui s’est imposé comme l’opposant numéro un à Vladimir Poutine fait les frais de la répression orchestrée par le pouvoir russe. Ses organisations sont en train d’être démantelées et la contestation inédite qui avait vu des milliers de Russes manifester leur soutien au militant empoisonné en août 2020, a été muselée par le régime, qui semble toujours aussi solidement installé. C’est dans ce contexte qu’a été votée en 2020 une réforme de la Constitution, qui autorise le président à rester au pouvoir pendant deux mandats supplémentaires, soit jusqu’en 2036.

Le système Poutine a des fondements solides pour tenir longtemps, Clémentine Fauconnier

Alors que les élections législatives sont prévues en septembre, aucune opposition crédible ne se dégage. « Le système est complètement amorphe. Il paraît très compliqué pour un opposant de trouver sa place », rapporte Elena Volochine, cheffe de bureau de la chaîne France 24 à Moscou, pour qui le système est en train de « se verrouiller de plus en plus ». D’après la journaliste, « voir les chances d’Alexeï Navalny devenir un adversaire dans la vie politique paraît très compliqué ». Une analyse que partage la politologue Clémentine Fauconnier : « Le système Poutine a des fondements solides pour tenir longtemps, avec une opposition et une population soumise à des contraintes de plus en plus importantes ».

Un pouvoir autoritaire fragilisé

Cette politique de plus en plus dure à l’égard toute opposition s’explique pour Elena Volochine par une faiblesse grandissante du régime en place : « Aujourd’hui, la répression est le seul instrument de Vladimir Poutine. C’était moins le cas au moment de son arrivée au pouvoir ». Après 20 ans à la tête de la Russie, le président n’incarne plus l’esprit de renouveau et de virilité supposé de son pays qu’il incarnait à ses débuts, mais plutôt la stabilité. À cette usure s’ajoute un mécontentement grandissant lié à la baisse du niveau de vie, ainsi qu’à une impopulaire réforme des retraites adoptées en 2018.

Navalny est un révélateur et un accélérateur de l’affaiblissement de ce régime, Bernard Guetta

Alexeï Navalny a nourri son discours de ces fragilités en dénonçant le système et les élites corrompues : « Navalny est un révélateur et un accélérateur de l’affaiblissement de ce régime » pour Bernard Guetta. « Il a été l’objet d’une tentative d’assassinat parce que ce régime s’affaiblit considérablement », poursuit le député européen Renew, « ses révélations sur la corruption visaient juste ». Un face-à-face s’est alors engagé avec le leader du Kremlin.

« On assiste à un duel avec un homme plus jeune que Poutine, plus musclé. Qui n’a pas peur et qui chasse sur ses terres, sur ce qui a fait le pilier de sa légitimité », décrypte Clémentine Fauconnier. Très à l’aise dans sa communication, l’opposant a utilisé internet pour faire passer ses messages et diffuser ses enquêtes. « Sa grande force, c’est qu’il a complètement renouvelé les codes de l’opposition », retrace Elena Volochine, qui considère que l’opposant reste à ce jour le « seul et unique rival à Vladimir Poutine ».

Mais s’il s’est doté d’une stature nouvelle, pour le sénateur les Républicains de la Meuse Gérard Longuet, il ne peut incarner une opposition crédible. « On a du mal à croire qu’il incarne un système politique d’alternance ». Ses détracteurs le taxent aussi d’être un agent de l’étranger ou rappellent à loisir ses engagements nationalistes passés.

Navalny ira jusqu’au bout

En homme de foi, Alexeï Navalny a démontré qu’il était prêt à tout - y compris à mourir - pour affronter le système en place. « Il sait que ce régime est tellement fort que la seule chose qui pourra l’ébranler est un sacrifice, pour montrer que le pouvoir est cannibale », interprète la journaliste de France 24. Cela explique son retour à Moscou en janvier alors que l’opposant savait qu’il serait arrêté. Ces événements, donnent à Navalny une dimension de martyr, et lui permettent de montrer à la population la violence du régime. Pour Clémentine Fauconnier, malgré un poids politique relatif et un durcissement de la répression qui l’éloigne de l’opposition, Alexeï Navalny a marqué des points : « Cette affaire a montré qu’il était possible d’ébranler le système Poutine ».

 

Retrouvez en replay sur notre site le documentaire Navalny, l’homme qui défie le tsar ainsi que le débat animé par Jérôme Chapuis.

Dans la même thématique

Navalny sait que « seul un sacrifice pourra ébranler le régime de Poutine »
7min

Politique

Européennes : « La tentation d’un pacte brun, à la fois sur l’écologie et les idéologies, nous menace », alerte l’écologiste David Cormand

Dans la dernière ligne droite de la campagne des européennes, trois candidats, chacun à la seconde place de leur liste, sont venus sur le plateau d’Extra Local : Céline Imart pour la liste LR, David Cormand pour la liste des Ecologistes et Guillaume Peltier pour Reconquête. Ils se sont exprimés notamment sur l’immigration, la future présidence de la Commission européenne ou le nucléaire.

Le

French Prime Minister Gabriel Attal visit in Valence
7min

Politique

Délinquance des mineurs : après l’avoir supprimée, le gouvernement veut réintroduire la comparution immédiate

Un peu plus d’un mois après ses annonces destinées à « renouer avec les adolescents et juguler la violence », Gabriel Attal a esquissé des nouvelles pistes sur la justice pénale des mineurs qu’il souhaite voir intégrer dans un projet de loi d’ici la fin de l’année, notamment la possibilité d’être jugé à partir de 16 ans en comparution immédiate. Une procédure qui avait été supprimée lors de la réforme de la justice pénale des mineurs en 2021.

Le