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Nouvel enlèvement de masse de 140 lycéens au Nigeria

Dans la nuit de dimanche à lundi, une centaine de jeunes nigérians ont été kidnappés dans le nord-ouest du pays, frappé par une série d’enlèvements de masse. Des groupes armés qui visent écoles, lycées et universités.
par Justine Daniel et AFP
publié le 5 juillet 2021 à 19h11

Ils sont désormais plus d’un millier d’enfants, d’adolescents ou d’étudiants à avoir été enlevés par des bandes armées dans plusieurs Etats du nord-ouest et du centre-ouest du Nigeria. Depuis la fin de l’année dernière, les rapts massifs d’élèves ponctuent le quotidien des habitants des Etats de Zamfara, de Katsina, de Kaduna et de Niger, une région parmi les plus pauvres du monde, où la situation sécuritaire ne cesse de se dégrader. Des groupes de «bandits» – appelés ainsi par les autorités – lourdement armés, terrorisent les habitants, volent du bétail et enlèvent les voyageurs sur les routes. A présent, ils multiplient les attaques contre les établissements scolaires et kidnappent, vraisemblablement pour demander des rançons.

Dans la nuit de dimanche à lundi, 140 lycéens ont été enlevés dans l’Etat de Kaduna, selon l’AFP. 165 élèves dormaient dans leur pensionnat du lycée Bethel Secondary School, au sud-est de la capitale de l’Etat, Kaduna, dans la localité de Chikun, lorsque des hommes armés «ont escaladé le grillage pour pénétrer dans l’école», témoigne un professeur, Emmanuel Paul. 25 élèves ont réussi à s’échapper.

A Kaduna, deux autres attaques ont eu lieu ces derniers jours : au moins 8 employés d’un hôpital ont été kidnappés dimanche, chiffre qui monterait à 15 selon des sources locales de l’agence de presse, dont deux bébés. Et 7 personnes ont aussi été tuées dans des offensives dans des localités voisines, selon le gouverneur.

Faible présence policière

Si la région est en proie à différents conflits, ces enlèvements de masse se multiplient de façon inédite depuis la fin de l’année dernière. En décembre, un premier rapt a ravivé les souffrances des enlèvements de Boko Haram dans le nord-est du pays, où le mouvement islamiste est en guerre contre l’Etat fédéral. Plus de 300 élèves ont été enlevés dans leur pensionnat de Kankara, dans l’Etat de Kastina. En février, dans un lycée de Kagara, dans l’Etat de Niger (centre-ouest du Nigeria), plus de 40 personnes ont aussi été enlevées. A peine dix jours plus tard, en mars, 317 écolières ont été à nouveau victimes de ces bandes armées dans leur pensionnat de Jangebe, dans l’Etat de Zamfara. Fin mai, 136 élèves ont également fait les frais de ces hommes qui ont attaqué à moto la localité de Tegina, dans l’Etat de Niger.

La situation sécuritaire se dégrade dans le nord-ouest du pays, permettant désormais à des bandes de plus en plus lourdement armées d’attaquer en nombre dans des établissements scolaires et de kidnapper plusieurs centaines de personnes. Puis de se replier dans les forêts proches, en dehors de tout contrôle de l’Etat. «Ces organisations criminelles opèrent dans des zones où la présence policière est assez faible, même en ville. Ils arrivent à 50 ou 100. Que voulez-vous qu’il se passe ? Ce sont des modes opératoires qui nécessiteraient une réaction très forte. Les gouverneurs appellent les écoles à recruter des gardes locaux. Mais il faut les payer. Et ceux-ci ne peuvent de toute façon pas faire le poids», analyse auprès de Libération Laurent Fourchard, directeur de recherches à Sciences-Po.

Dans ces circonstances, les gouvernements tentent de négocier avec les bandes armées. Si les autorités nient le paiement des rançons, certains groupes d’élèves ont en tout cas été libérés. Mais dans l’Etat de Kaduna, contrairement à ses voisins, le gouverneur, Nasir Ahmad El-Rufai, refuse catégoriquement de négocier avec ces organisations criminelles, allant jusqu’à menacer les proches disposés à payer.

13,2 millions d’enfants nigérians déscolarisés

L’effet de contagion qui semble opérer provoque la fermeture des écoles, lycées et pensionnats de la région, privant d’accès à l’éducation enfants et adolescents nigérians. «C’est presque comme si on tolérait que l’ignorance ou le manque d’éducation soit l’option la plus sécurisée pour les Nigérians et cela ne devrait pas être une croyance acceptable dans ce pays», déplore Osai Ojigho, directrice d’Amnesty International au Nigeria, jointe par téléphone. Elle plaide plutôt pour que les «bandits» soient arrêtés, jugés et punis, bien qu’ils soient difficiles à identifier.

«Dans un pays qui compte environ 13,2 millions d’enfants déscolarisés, le chiffre le plus élevé au monde, ces kidnappings ne font qu’empirer la situation», commente de son côté Idayat Hassan, directrice du Centre pour la démocratie et le développement, basé à Abuja, auprès de l’AFP. Les traumatismes s’accumulent au sein des familles des victimes. Adam Higazi, chercheur à l’université d’Amsterdam, déplore : «De nombreuses femmes enlevées seraient victimes d’abus sexuels ou de viols. Cela ne se produit pas dans tous les cas, mais c’est fréquent.»

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