Quand Valéry Giscard d’Estaing ouvrait le palais de l’Élysée à tous les Français

Entre petits fours et grands chapeaux, Vanity Fair retrace tout l’été l’histoire des garden-parties de l’Élysée, une tradition du 14-juillet supprimée en 2010. Deuxième épisode : Valéry Giscard d'Estaing bouscule les codes. 
Quand Valry Giscard dEstaing ouvrait le palais de lÉlyse à tous les Français
Patrice PICOT/Gamma-Rapho via Getty Images

« On faisait la queue jusqu’à la Concorde, c’est vous dire ! », s’étonne le jeune Patrick Poivre d’Arvor, en ouverture du journal télévisé, ce 14 juillet 1977. L’opération « portes ouvertes » initiée par Valéry Giscard d’Estaing avait donc été un succès. Même bien plus qu’espéré. Tout l’après-midi, en ce jour de fête nationale, des milliers de Français avaient défilé dans les salons de l’Élysée, pour admirer les dorures et le mobilier de cette « grande maison de la République ». Au rythme de 2000 personnes par heure, accueillies par l’orchestre de la gendarmerie mobile, le palais n’avait pas désempli jusqu’au soir. Pour l’occasion, le président de la République, qui avait tenu à serrer de nombreuses mains, avait même joué au guide, le temps de quelques visites. « Les Français sont un peuple démocratique, ils viennent dans cette maison en ordre. La première chose qui est frappante, c’est la simplicité. Vous voyez que les visages sont souriants et que je les accueille individuellement, de la façon la plus naturelle », se félicite Valéry Giscard d’Estaing, avec son inoxydable phrasé ampoulé, interrogé sur le perron de l’Élysée.

Cette journée ensoleillée avait été très chargée pour lui. Plus tôt, il avait assisté au traditionnel défilé militaire en plein cœur de Paris, avait passé en revue les troupes, salué les officiers. Puis, il était retourné à l’Élysée pour l’immanquable garden party. Plus que ses prédécesseurs, Valéry Giscard d’Estaing a fait de ce pique-nique républicain le grand événement politico-médiatique de l’été, avant qu’il ne prenne la route des vacances, pour rejoindre le fort de Brégançon ou son château familial d’Authon. Dès sa première garden party en 1974, il avait cassé les codes en confiant l’animation musicale à l’orchestre alsacien Les Joyeux Vignerons, qu’il avait repéré à la télévision. Les jardins de l’Élysée, grands de 137 520 mètres carrés, accueillent donc tous les folklores chaque 14-Juillet. On verra également des danseuses tahitiennes en costume traditionnel couvrir la Première dame, Anne-Aymone Giscard d'Estaing, de colliers de fleurs.

Valéry Giscard d'Estaing s'improvise guide de l'Élysée, le 14 juillet 1977Gilbert UZAN/Gamma-Rapho via Getty Images

Sous De Gaulle et Pompidou, cette petite fête en plein air se voulait plutôt select : n’y étaient conviés que des généraux, maréchaux, ministres ou détenteurs de la Légion d’honneur. Giscard veut, quant à lui, en faire un moment plus populaire. Il y invite donc des artistes, des sportifs, des journalistes, des policiers… Mais aussi, en 1977, 1400 « citoyens comme les autres », sans compter tous ceux qui viendront visiter le palais l’après-midi. Les années suivantes, jusqu’en 1981, il réitéra l’expérience d’inviter des Français lambda à la garden party.

Cette nouveauté s’inscrit totalement dans la politique de communication de Valéry Giscard d’Estaing. Pour casser son image de nobliau au port de tête altier et à l’accent pédant, le président de droite a toujours tenté de se mêler au bon peuple. Ainsi, on se souvient surtout de ses dîners à la « fortune du pot », chez des Français moyens. Il s’invitait ainsi – avec son épouse – à la table d’un enseignant, d’un agriculteur, d’un pompier, pour partager un assiette de soupe, de la charcuterie, et discuter de tout et de rien. Une initiative moquée à l’époque. Tout comme lorsqu’il organisa un petit-déjeuner – faussement improvisé – avec des éboueurs de Paris, à l’Élysée, le 24 décembre 1974. De Noël au 14-Juillet, la communication giscardienne était toujours très inventive.

La suite est à retrouver jeudi prochain…

Premier épisode : Quand le champagne coulait à flots… Dans les coulisses des garden-parties élyséennes de Georges Pompidou