Des migrants bloqués en Grèce. Crédit : Picture alliance
Des migrants bloqués en Grèce. Crédit : Picture alliance

Plusieurs ONG se mobilisent pour la scolarité des enfants migrants, au moment où les jeunes Grecs retournent à l’école après les vacances d’été. Alors que la Grèce a l’obligation de fournir une scolarité régulière aux enfants réfugiés vivant sur son territoire, moins de 15% de ceux vivant dans des centres hébergement du pays suivent une scolarité. Dans les cinq centres d’enregistrement et d’identification (RIC) des îles égéennes, ce pourcentage tombe à 0,3%, dénoncent Save the children et le Greek council for refugees.

Le 13 septembre, les écoliers grecs ont repris le chemin de l’école. Ils devraient être accompagnés par les quelque 26 000 enfants demandeurs d’asile et réfugiés en âge d’être scolarisés que comptait le pays fin 2020. Mais le pourcentage d’enfants réfugiés scolarisés en Grèce est dramatiquement faible. Seul un tiers des enfants migrants sont scolarisés dans le pays. En 2020, la pandémie de Covid-19 a rendu encore plus difficile l’accès à une scolarité régulière pour ces enfants.

Le 15 septembre, le Greek council for refugees et Save the children ont publié un rapport dans lequel les deux ONG dressent un tableau des obstacles à l’éducation des enfants réfugiés et appellent le gouvernement grec à répondre à ses obligations de scolariser ces enfants.

Parmi les principaux freins à la scolarité des jeunes réfugiés, se trouvent les restrictions de déplacements liées à la pandémie de Covid-19.

Pendant près d’un an, les jeunes réfugiés et demandeurs d’asile n’ont quasiment plus eu aucun accès à l’école en raison de la pandémie de coronavirus, de la fermeture des écoles et du manque de connexion internet et de matériel informatique dans les camps du pays. Mais "même quand les écoles étaient ouvertes durant les confinements, les politiques de restrictions des déplacements étaient interprétés de manière différente par les responsables des différents camps, dénoncent Save the children et le Greek council for refugees dans leur rapport. Ceci, associé à un manque de consignes claires du ministère de l’Éducation, a eu pour effet que des enfants n’ont pas été autorisés à quitter leur camp pour aller en classe."

"La pandémie a aggravé les choses"

"La pandémie a aggravé les choses, mais la situation était déjà extrêmement mauvaise avant", souligne Daniel Gorevan, de Save the children, interrogé par InfoMigrants.

Le manque de professeurs est également l’un des plus surprenants problèmes mis en avant dans le rapport des deux ONG, sachant que "la Grèce est l’un des pays de l’Union européenne qui dispose du plus grand nombre d’enseignants par enfant", affirme Daniel Gorevan. Avec 9,2 enfants par enseignant, la Grèce est effectivement bien mieux dotée que la France par exemple où chaque enseignant doit s’occuper d’en moyenne 19,2 enfants.

Autre obstacle à la scolarité des jeunes : le transport scolaire. Selon les deux ONG autrices du rapport, la localisation des camps de migrants peut constituer l’un des facteurs empêchant les enfants de suivre une scolarité. "Les lieux d’hébergement des réfugiés et les RICs se trouvent généralement dans des zones isolées et le transport scolaire reste alors un problème majeur", notent-elles. "Un exemple illustrant ce problème est le camp de Ritsona où, selon l’ONG RSA, seuls trois bus sur les 13 nécessaires [au transport des élèves] avaient été mis en place en avril 2021."

"Manque de volonté politique"

Pour Bill Van Esveld, responsable adjoint du département des droits de l’enfant à Human rights watch, interrogé par InfoMigrants, la situation actuelle résulte d’un "manque de volonté politique et d’un manque de responsabilité, pas d’un manque de ressources."

"Le rapport d'une ONG a révélé que la Grèce n'avait pas utilisé les fonds de la Commission européenne pour l'intégration des réfugiés l'année dernière. Pourtant, cet argent aurait été nécessaire puisque pas un seul enfant vivant dans les [camps] des îles de la mer Égée n’a été scolarisé, a constaté le médiateur grec pour les droits de l'enfant", dénonce Bill Van Esveld.

"L'excuse habituelle [des autorités grecques] est que les enfants dans les [camps] sont en mouvement, et ne seront pas là pour longtemps. Et donc que leurs familles ne sont pas intéressées par l'école..., s’agace-t-il. C'est vrai que personne ne veut rester coincé sur les îles pendant des mois ou des années, mais en réalité beaucoup le sont."

Selon lui, l’accès à l’école a été plus facile chez les familles migrantes hébergés en ville ou dans des structures dédiées aux personnes vulnérables tels que les centres de Pikpa ou Kara Tepe à Lesbos. Toutes deux ont été fermées par les autorités grecques depuis l’incendie de Moria. 

"En fait, ce sont les enfants des [camps] où les enfants ont le pire accès à l'éducation. Il n'y a toujours pas de plans gouvernementaux pour fournir aux enfants vivant dans les RICs une scolarité régulière", déplore encore Bill Van Esveld.

Violation des droits des enfants réfugiés

Pour lui, l’Union européenne (UE) a sa part de responsabilité. "Cette année, des camps isolés et fermés ont été construits grâce aux centaines de millions d'euros de la Commission européenne [...] Et pourtant, cette même Commission ne soutient pas financièrement l'Unicef qui a lancé un programme d'éducation en Grèce !", rappelle le responsable.

L'UE affirme avoir alloué 3,45 milliards d'euros (4,12 milliards de dollars) de financement à la "gestion des migrations" à la Grèce depuis 2015, y compris des projets d'éducation, ainsi que 625 millions d'euros de soutien aux écoles interculturelles, rappelait en juillet Human rights watch. "En 2020, l'UE a contribué à financer 816 millions d'euros supplémentaires (975 millions de dollars américains) du budget national de l'éducation de la Grèce, y compris pour les enfants réfugiés", détaillait l’ONG.

Où sont passées ces sommes ? Le Comité européen des droits sociaux a estimé en janvier 2021 que la Grèce violait les droits des enfants réfugiés, y compris le droit à l'éducation des enfants, sur les îles grecques où sont confinés les nouveaux arrivants de Turquie. La Grèce n'avait pas mis en place les "mesures immédiates" pour "garantir l'accès à l'éducation" que le Comité avait indiqué nécessaires en mai 2019, indique la décision rendue publie le 12 juillet dernier.

 

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