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Afghanistan : à Herat, les corps de quatre ravisseurs pendus à une grue sous les hourras d’habitants

Quatre hommes accusés de l’enlèvement d’un commerçant et de son fils ont été arrêtés et tués par des forces de sécurité talibanes samedi 25 septembre à Herat (ouest). Quelques heures après, leurs corps mutilés ont été pendus à des grues et exposés à la vue des habitants, des haut-parleurs invitant à observer "le sort réservé aux criminels" sous le nouveau régime. Une opération qui a recueilli une certaine approbation au sein d’une population usée par l’insécurité, explique notre Observateur.

Le corps d'un homme accusé d'être un preneur d'otages est exposé sur la place Mostofit à Herat, le 25 septembre 2021.
Le corps d'un homme accusé d'être un preneur d'otages est exposé sur la place Mostofit à Herat, le 25 septembre 2021. © Observateurs
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Selon des médias afghans, ces quatre hommes avaient enlevé un commerçant et son fils à 9 h 45, en face de son magasin sur la place Khaja Kalla, dans un des quartiers les plus fréquentés d’Herat. Mais une heure plus tard, ils avaient été arrêtés à un point de contrôle des forces de sécurité talibanes et tués tous les quatre. Un membre des forces de sécurité a été blessé, et les deux otages sont saufs.

Des Afghans ont dénoncé la sauvagerie de l’exécution de ces hommes et l’exposition de leurs corps à la foule, mais beaucoup d’autres ont accueilli positivement cette action.

“Les Taliban ont tué aujourd'hui un groupe d’hommes accusés d’être des preneurs d’otages, et ont pendu leurs corps dans les rues. Quelle a été la réaction des gens ? C’est la fin de l’humanité ici” dit cet utilisateur dans un tweet.

 

Attention, les images ci-dessous peuvent choquer.

 

Les quatre corps ont été pendus sur quatre places distinctes dans Herat, Darb-e-Malek, Golha, Mostafit et Darb-e-Kandahar (points bleus). Selon les médias afghans, la prise d’otages a eu lieu sur la place Khaja Kalla (en jaune), et l’échange de tirs dans le 14e district de la ville (point rouge).
Les quatre corps ont été pendus sur quatre places distinctes dans Herat, Darb-e-Malek, Golha, Mostafit et Darb-e-Kandahar (points bleus). Selon les médias afghans, la prise d’otages a eu lieu sur la place Khaja Kalla (en jaune), et l’échange de tirs dans le 14e district de la ville (point rouge). © Observateurs

 

"Les gens faisaient des selfies avec le corps"

Ata (pseudonyme) est un jeune habitant d’Herat :

J’étais sorti faire quelques courses. J’ai vu des camions passer et j’ai entendu quelqu’un parler de "criminels" et de "leçon". C’est là que j’ai remarqué des corps accrochés à l’arrière des camions. C’était un choc pour moi, je n’avais jamais vu de corps mort de ma vie. Je suis jeune, je ne me rappelle pas du dernier gouvernement taliban dans les années 1990. Ce que je voyais, c’était comme de voir ce que mes parents m’avaient toujours raconté.

Je me suis rendu sur la place Darb-e-Malek. Là, la grue avait été complètement déployée et les gens chantaient "Allahou Akbar", il y avait des centaines de personnes réunies. Sur le corps exposé, il y a avait écrit sur un papier en dari et en pachtoune : "Voici la punition pour quiconque prendra des otages." Dans un haut-parleur, on entendait répéter : "Ce sont des criminels tués dans un échange de tirs avec des soldats de l’Émirat (islamique d’Afghanistan, nom officiel de l’Afghanistan depuis la prise de pouvoir des Taliban, NDLR] et les soldats ont libéré les otages sains et saufs."  L’exhibition a duré quelques heures.

 

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Des habitants regardent le corps d'un homme pendu à une grue, le 25 septembre à Herat. On entend des cris "Allahou Akbar" marquant l'approbation devant cette scène.

 

Les gens faisaient des selfies avec le corps, ou prenaient des vidéos ou des photos de la scène. J’ai pris une vidéo aussi et je l’ai partagée sur les réseaux sociaux. Les gens font ça partout dans le monde, non ? Ils prennent des vidéos de leur vie quotidienne et les partagent. À Paris, on montre la Tour Eiffel, les concerts et les expositions... Eh bien ici, les gens de mon âge montrent ça, parce que c’est leur vie. Ça ne veut pas dire que je soutiens ce genre de pratiques.

Cependant, je connais beaucoup de gens qui détestent les Taliban mais n’en peuvent plus de l’insécurité, et soutiennent leur façon de traiter ces criminels. Mon père, par exemple, quand je lui ai montré les vidéos, a dit : "Ils le méritent." Et pourtant, il déteste les Taliban.

 

 

"La prise d’otage est un travail à temps plein ici"

 

Il y a des rues à Herat où on n’ose plus aller quand il fait sombre. Même en voiture, on y passe vite, parce qu’il y a des gens malintentionnés, qui sont armés. La prise d’otage est un travail à temps plein ici. La semaine dernière encore, les Taliban ont libéré un enfant de ses ravisseurs. Les agressions, le tabassage, le car-jacking sont monnaie courante, mais depuis le retour des Taliban, d’un coup, il y a eu une baisse notable de ces pratiques. On entend moins parler de telle ou telle violence commise ici ou là.

La raison est simple : la plupart des policiers à Herat étaient corrompus par les criminels, et les policiers honnêtes avaient peur des criminels. Mais les Taliban, en tout cas pour l’instant, ne se laissent pas corrompre, et je pense qu’ils veulent montrer qu’ils protègent la population et ainsi engranger le soutien des gens, surtout à Herat où ils ne sont pas du tout populaires.

Je vois les intellectuels, les journalistes, les activistes qui critiquent cette exhibition de corps, et je suis d’accord avec eux, mais je crois que pour quelqu’un comme mon père, ce qui est important, c’est qu’il puisse tenir son commerce et mener sa vie en toute sécurité.

Le gouverneur de la province d’Herat, Mulawi Shir Ahmad Mujahid, a déclaré dans un média local le 25 septembre que "les criminels avaient déjà été avertis qu’ils seraient punis sévèrement [...]. Nous avons fait parader leurs corps pour que ça serve de leçon aux autres." La veille, le directeur de l'administration pénitentiaire avait annoncé que la loi en vigueur dans les années 1990 serait de retour, incluant comme sanctions les amputations et les exécutions.

Mi-août, deux corps d’hommes accusés de prise d’otage avaient également été exposés de façon similaire sur une route de la province de Helmand.

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