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« Dans le dortoir, les curés faisaient leur marché » : le témoignage glaçant d’un Carantécois sur la pédophilie dans l’Église
Ce mardi, la commission Sauvé publie son rapport sur les abus sexuels au sein de l’Église, comme en a subis le Breton Jean-Pierre Le Roux alors qu’il était au séminaire et qu’il n’avait que 13 ans.
C’est au début des années 1970 que le Carantécois Jean-Pierre Le Roux, âgé aujourd’hui de 65 ans, a été victime d’attouchements. « Des faits commis par quatre ou cinq prêtres », dit-il. Des sévices qui ont duré deux ans au sein de deux séminaires costarmoricains.
« J’avais 13 ans quand je suis entré dans le premier séminaire, se souvient-il. Comme on ne savait pas quoi faire de moi et que j’étais viré de partout (à Morlaix, Saint-Pol-de-Léon…), on m’a mis dans un séminaire pour que je devienne prêtre. C’est tout ce que mes parents avaient trouvé pour moi : une école pour devenir prêtre, mais, à 13 ans, tu ne sais pas ce que tu veux faire ». D’emblée, le jeune Carantécois subit des attouchements. « Dès mon arrivée à la gare, le curé, qui est venu me chercher, a pris les petites routes et il a mis sa main sur ma cuisse. J’étais sidéré ».
« Jamais, je n’ai pu en parler à mes parents »
Au séminaire, il n’en croit pas ses yeux. « Dans le dortoir, les curés faisaient leur marché au milieu des élèves qu’ils abusaient. Quand tu as 13 ans, tu ne sais pas ce que c’est que la pédophilie et l’homosexualité. Alors, tu ne comprends pas ce qu’il se passe. Le problème, c’est que l’on n’avait personne à qui se confier. Moi, je n’ai jamais pu aborder le sujet avec mes parents. Je ne me voyais pas expliquer à ma mère ce que je subissais au séminaire, elle qui était extrêmement catholique et très croyante. Quant à mon père, marin de commerce, il n’était jamais là, d’autant que je ne revenais à la maison que tous les trois mois ».
« Les trois quarts des 15 à 20 curés en poste dans mon premier séminaire étaient des pédophiles dans un établissement qui comptait une centaine d’élèves », se rappelle Jean-Pierre Le Roux. « Au total, en deux ans, j’ai été victime de quatre-cinq curés, recense le Carantécois. J’ai été attaqué dans la voiture, en dortoir, en salle de musique ». Des faits qu’il relate dans son livre « Enragé » (Skol Vreizh).
« J’ai subi des attouchements mais pas d’actes aussi graves que ceux dont ont été victimes certains de mes camarades, précise-t-il. Très vite, d’ailleurs, je me suis défendu. Un jour, un curé s’est allongé sur mon lit et je lui ai donné un coup de pied dans ses parties génitales. J’en ai subi très vite les conséquences en étant de corvée de chiottes ».
« Un bordel ambulant »
« J’ai également été le témoin de ce qu’ils faisaient aux autres, enchaîne l’ancien chef d’entreprise devenu écrivain. Le soir au dortoir, je mettais ma tête au-dessus de la cloison de mon box et j’assistais alors à un bordel ambulant. Ça gémissait dans tous les sens. C’était la corrida. Les curés portaient la soutane et ils n’avaient rien en dessous ».
« Dans le second séminaire, c’était encore pire, commente Jean-Pierre Le Roux. Ceux qui étaient en théologie et qui étaient en passe de devenir prêtres s’embrassaient, se caressaient. C’était la totale, l’apothéose. Les flics ont même dû intervenir. J’ai aussi vu des premiers de la classe, bien propres sur eux, se faire abuser sexuellement. C’était ignoble et traumatisant ».
« L’Évangile vous enseigne la charité, l’entraide… et là, je vivais tout le contraire, déplore le Carantécois. Ce qui est écrit dans l’Évangile n’était pas du tout respecté dans les faits. Je n’ai jamais pu en parler à personne et je le regrette beaucoup. Tu subis cette violence qui est physique, au début, puis elle devient mentale et intellectuelle. Ma chance à moi, c’est d’avoir été rebelle et d’aimer la castagne. La bagarre m’a sauvé, car j’ai pu me défendre ».
Qu’espère Jean-Pierre Le Roux des conclusions du rapport de la Ciase (Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Église catholique) publié ce mardi ? « Je n’attends rien de la commission, répond-il. Je pense que c’est du bluff et que les prêtres pédocriminels vont pouvoir s’en tirer et passer à nouveau entre les gouttes. Il faudrait pourtant que ces gens soient jugés normalement, comme de vrais criminels, et je ne sais pas si on pourra leur pardonner, un jour ».
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