Les méthodes "brutales" du nouveau préfet de l'Hérault déplaisent

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Les méthodes "brutales" du nouveau préfet de l'Hérault déplaisent

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Hugues Moutouh nouveau préfet de l'Hérault dans son bureau de la préfecture de Montpellier
Hugues Moutouh nouveau préfet de l'Hérault dans son bureau de la préfecture de Montpellier
© Radio France - Mathilde Dehimi

C'est un préfet qui a le sens de la formule, aime aller vite et communiquer. Hugues Moutouh, 53 ans, a été nommé préfet de l'Hérault mi-juillet. Depuis, il a promis de "nettoyer la ville de Montpellier", une phrase et une méthode qui provoquent des remous dans la ville.

Hugues Moutouh, 53 ans, aime les symboles. À sa conférence de presse de rentrée, la presse locale s'est amusée à relever l'imprimé militaire de son masque sanitaire et le prénom de son chien, 'Poutine', qui collaient si bien à son discours de fermeté. Dans son bureau de la préfecture, devant l'appel du 18 juin du Général de Gaulle, une matraque et une médaille de la BRI, il développe en ce début octobre la même feuille de route qu'à son arrivée : ordre, sécurité, lutte contre le séparatisme, développement d'infrastructures locales.

Sauf que de la parole, on est passé aux actes, ou aux demandes d'actes. Le préfet a écrit aux bailleurs sociaux pour les inciter à expulser ceux qui ne respectent pas "les règles élémentaires du vivre-ensemble". Il a aussi enjoint les forces de l'ordre à renforcer les contrôles, expliquant avoir rencontré en ville des femmes couvertes d'un voile intégral.

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"Je suis là pour faire respecter la loi", explique Hugues Moutouh. "Ma méthode est brutale, peut-être, mais c'est la loi qui l'est. Chacun à son style, qui vient notamment de mes nombreuses années dans le privé et à Paris."

Préfet pressé   

Le préfet estime qu'il faut aller vite car son mandat est court. "Je crois que c'est ce qu'attendent nos concitoyens", dit Hugues Moutouh. "Il y a aujourd'hui une crise importante entre les Français et ceux qui exercent des responsabilités et surtout des responsabilités publiques. Il y a une crise de confiance. On a l'impression qu'on ne peut rien faire, que rien ne bouge, que rien ne change et la meilleure façon de juguler les risques de l'extrémisme politique, et bien, c'est d'agir et de faire changer les choses."

En arrivant, il a dit son intention de "nettoyer Montpellier", des propos qui ont choqué mais Hugues Moutouh assume :

"L'objectif de propreté et de sécurité, ce sont des objectifs qui me paraissent essentiels dans la gestion d'un département avec une métropole aussi importante que celle de Montpellier. Il suffit de se promener pour s'apercevoir qu'il y a beaucoup de squats, des bidonvilles, une population de marginaux, une délinquance assez importante dans le centre-ville."

Homme de Beauvau

Cette expression rappelle celle de Nicolas Sarkozy sur les banlieues. À cette époque, Hugues Moutouh était justement conseiller du ministre de l'Intérieur qui deviendra ensuite président de la République. Quand on le lui fait remarquer, Hugues Moutouh cite tour à tour tous les ministres de l'Intérieur suivants pour leurs propos sécuritaires.

Il définit ainsi son rôle de préfet : " Nous sommes des hommes de Beauvau, même si nous avons dans notre portefeuille de missions bien d'autres choses encore que la sécurité. Mais Beauvau, ça reste le cœur du métier. Un préfet, c'est une sorte de petit Premier ministre sur le territoire puisque je dirige ou coordonne, j'anime, l'ensemble des politiques publiques sur le territoire."

Des "propos inacceptables"

La méthode du nouveau préfet fait grincer des dents certains politiques et associatifs. Le maire socialiste de Montpellier Michaël Delafosse ne souhaite pas s'exprimer sur la question. La vice-présidente de la métropole, conseillère municipale EELV dans la majorité, Coralie Mantion ne digère pas certains propos du préfet :

"Ces propos sont inacceptables", dit Coralie Mantion_. "On n'emploie pas le mot nettoyer quand on parle d'individus. Nous avons la société Nicollin_ [NDLR en charge du nettoyage de la ville] qui fait ça très bien, nettoyer les rues."

De son côté, l'ancien maire divers gauche et conseiller d'opposition Philippe Saurel, qui se dit "choqué" par les propos du préfet, fustige le silence du maire actuel :

"Il est difficile de se fâcher avec le préfet, mais l'important, c'est de défendre Montpellier. Il faut défendre les habitants de la ville et les traiter avec humanité. Quand le préfet va un peu trop loin dans ses prérogatives, il me semble que c'est le rôle des responsables politiques de le lui dire et de montrer leur désaccord. Ça m'est déjà arrivé avec les anciens préfets."

Des bidonvilles évacués sans prévenir

Un épisode a particulièrement marqué les détracteurs d'Hugues Moutouh. Arrivé le 19 juillet à la préfecture, il demande le 31 août puis le 8 septembre après des incendies de faire expulser les habitants de quatre bidonvilles installés depuis plusieurs années alors qu'un long travail social était en cours, pour partie financé par les collectivités et ... l'État. 

Catherine Vassaux, directrice de l'association AREA qui travaille avec les habitants des bidonvilles, a été appelée par certains d'entre eux tôt le matin, alors que les bulldozers étaient déjà à l'œuvre. Personne n'avait été prévenu de l'expulsion, les anciens préfets ayant décidé d'un moratoire.

"La colère est toujours là", dit-elle. "Elle est toujours doublée d'une grande incompréhension. On a du mal à comprendre comment on peut à la fois gagner des appels à projets dans le cadre de France Relance, être financé sur des projets de dons, sur des fonds pauvreté et en même temps, casser le travail social en expulsant les sites sur lesquels le travail social était financé et sur lesquels il y avait des projets spécifiques."

"Ce sont des méthodes violentes et qui ne sont pas raisonnables, au sens premier du mot 'raison' parce que ça ne résout pas le problème. Il y a une chose sur laquelle on est d'accord avec monsieur le Préfet, c'est que les bidonvilles ne sont pas une solution. Sauf qu'aujourd'hui, on voit l'apparition de nouveaux bidonvilles. Cette méthode, on l'a vu sur d'autres territoires, elle ne permet pas de résoudre le problème. Les gens ne disparaissent pas et ça tout le monde le sait."

Certains habitants du bidonville sont toujours logés à l'hôtel, d'autres sont partis, parfois dans un autre bidonville. Un cinquième bidonville, avenue Nina Simone, au milieu d'immeubles en construction, est toujours en sursis. La préfecture et les associations travaillent désormais autour d'un lieu temporaire d'hébergement.

"En 30 ans, je n'ai jamais été confrontée à une façon d'intervenir aussi brutale"

Sylvie Chamvoux, directrice régionale de la Fondation Abbé Pierre : "Aujourd'hui, on a beaucoup de bâtiments vacants, des bâtiments qui soit appartiennent à la collectivité, voire à l'État, soit à des privés ou promoteurs privés qui auraient des projets mais pas forcément dans un temps proche. Et du coup, l'idée, c'est d'occuper ces bâtiments sur un temps intercalaire."

Entre le moment, par exemple, d'un achat et la réalisation d'un projet immobilier, il peut se passer une année, deux années. Plutôt que de laisser un bâtiment vide et de le faire gardienner ce qui coûte très, très cher, l'idée c'est de proposer une convention d'occupation précaire à une association qui pourra permettre d'accueillir des personnes qui sont sans logement pendant un temps donné dans ce bâtiment."

Elle aussi n'a pas goûté les méthodes du nouveau préfet : "Ça fait presque 30 ans que je travaille dans le milieu associatif. Et c'est vrai qu'en presque 30 ans d'accompagnement autour du logement, je n'ai jamais été confrontée à ce genre de situation, à cette façon d'intervenir aussi brutale dans des projets qui finalement étaient coconstruits avec l'État et les collectivités."

Références

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