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Les Hauts-de-France contraints de verser 300 000 euros au lycée privé musulman Averroès
Une jeune fille arrive au lycée Averroès, premier lycée privé musulman de France, le 02 septembre 2004 à Lille.
© FRANCOIS LO PRESTI / AFP

Les Hauts-de-France contraints de verser 300 000 euros au lycée privé musulman Averroès

Bras de fer

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Le Conseil d'État vient de donner tort à la région présidée par Xavier Bertrand, qui refuse de verser une subvention à ce lycée privé musulman de Lille, soupçonné d'être en partie financé par le Qatar.

C'est une défaite pour la région Hauts-de-France dans le bras de fer qui l'oppose au lycée privé musulman Averroès de Lille (Nord). Le Conseil d'État vient de rejeter un recours intenté par la région contre une décision du tribunal administratif de Lille, rendue en mars dernier. Celle-ci oblige les Hauts-de-France à verser une subvention de près de 300 000 euros à ce lycée privé sous contrat, soupçonné d'être en partie financé par une ONG du Qatar.

Xavier Bertrand, le président de région et candidat à l'investiture LR pour la présidentielle, refusait de verser cette somme, due au titre de l’année 2019-2020. Elle correspond à la dotation que la région verse habituellement aux lycées privés sous contrat. Or, « la région est légalement tenue de verser cette contribution, du fait même du statut d'établissement sous un contrat d'association à l'enseignement public du lycée privé dont l'association est le gestionnaire », rappelle le tribunal administratif de Lille, dans une décision confirmée par le Conseil d’État le 12 octobre.

Pas de réponse de l'État

Depuis, cette subvention a été payée, assure à Marianne Nicolas Nef Naf, l'avocat du lycée Averroès. Le recours de la région Hauts-de-France visait à en obtenir le remboursement. L'avocat précise en revanche que la dotation pour l'année scolaire 2020-2021 est toujours bloquée. Xavier Bertrand a saisi le ministère de l’Éducation nationale, qui n’a pour le moment pas dénoncé le contrat d’association qui le lie avec le lycée, ce qui oblige légalement la région à lui verser une subvention. L’avocat du lycée Averroès explique espérer une décision définitive d’ici à la fin de l’année.

Qatar Charity

Xavier Bertrand et le lycée Averroès s'opposent depuis la parution d’un livre, « Qatar Papers », écrit par les journalistes Georges Malbrunot et Christian Chesnot. Ceux-ci ont révélé que le lycée aurait reçu des fonds de la part d'une ONG Qatari. Ce que confirmerait un rapport de l’Inspection Générale de l’Éducation, du Sport et de la Recherche (IGESR), mis en avant par Xavier Bertrand, qui explique « que le lycée a obtenu un prêt de 800 000 euros de la mosquée de Mulhouse, qui a été remboursé grâce à un don de 850 000 euros de l’ONG Qatar Charity en 2014 ».

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C’est l’exclusion d’une vingtaine de lycéennes d’établissements publics lillois, sur fond d’affaires de voiles islamiques au milieu des années 1990, qui servit de base de lancement au « projet Averroès » en 2003, qui permet aux jeunes filles de porter le voile à l'école. Cette école privée, pensée sur le modèle des établissements catholiques, est alors promue par l’Union des organisations islamiques de France (UOIF), proche des Frères Musulmans. Le lycée Averroès, du nom du célèbre philosophe arabe qui a tenté au XIIe siècle la conciliation de la pensée de Platon avec la foi islamique, a longtemps fait figure de modèle pédagogique. L'établissement a notamment occupé la première place du classement des lycées de France en 2013.

« Double discours »

Le lycée a suscité la polémique en 2015, dans le sillage de l’attentat à Charlie Hebdo, après les déclarations de Soufiane Zitouni, un enseignant démissionnaire. Celui-ci accusait son ex-établissement de « propager l’islamisme », en évoquant « l’antisémitisme quasi culturel de nombre d’élèves » et « un mélange malsain et dangereux de religion et de politique ». Il accusait également la direction de l’établissement, réputée proche des Frères Musulmans, de tenir un double discours, « policé » dans les médias, et « diffusant de manière sournoise une conception de l’islam qui n’est autre que l’islamisme ».

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Natacha Polony, directrice de la rédaction de Marianne