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Les excuses du PDG d’Air Canada n’apaisent pas le tollé sur son unilinguisme

« Je présente mes excuses à ceux que mes propos ont offensés », déclare Michael Rousseau dans un communiqué. « Je m'engage aujourd'hui à améliorer mon français. »

Plan rapproché de Michael Rousseau lors d'une mêlée de presse.

Le PDG d'Air Canada, Michael Rousseau, est dans l'embarras après avoir prononcé un discours uniquement en anglais, mercredi, devant la Chambre de commerce du Montréal métropolitain.

Photo : Radio-Canada

De demandes d'excuses finalement exaucées aux appels à sa démission, en passant par une pluie de plaintes au Commissariat aux langues officielles, l'unilinguisme affiché et assumé du président-directeur général d'Air Canada, Michael Rousseau, a continué de provoquer l'indignation générale, jeudi.

De Glasgow, en Écosse, où il participe à la COP26, le premier ministre du Québec, François Legault, s'est adressé à la fois à M. Rousseau et au conseil d'administration d'Air Canada.

C’est insultant. Ça me met en colère [...] son attitude de dire : "Ça fait 14 ans que je suis au Québec et je n’ai pas eu besoin d’apprendre le français", a commenté M. Legault.

Je m’attends à des excuses de M. Rousseau et même à ce qu'il commence à apprendre le français. Et je pense qu'il faut aussi interpeller le C. A. d'Air Canada.

Une citation de François Legault, premier ministre du Québec

Nommer un président qui n'est pas capable de parler à ses employés en français au Québec, alors que le siège social est au Québec, je trouve que c’est un manque de respect, a estimé M. Legault. C’est inqualifiable et ça me choque.

« Je présente mes excuses »

Dans un communiqué publié quelques heures plus tard, Michael Rousseau a fait amende honorable en déclarant qu'il [s]'engage à améliorer [son] français et qu'il réitère l'engagement d'Air Canada à faire preuve de respect à l'égard du français.

En tant que leader, je donnerai le ton, a-t-il affirmé.

J'aimerais pouvoir parler français. Je tiens à clarifier que je ne voulais d'aucune façon manquer de respect à l'égard des Québécois et des francophones de tout le pays. Je présente mes excuses à ceux que mes propos ont offensés.

Une citation de Michael Rousseau, président-directeur général d'Air Canada

La controverse entourant Michael Rousseau a éclaté au grand jour dans la foulée d'un discours prononcé uniquement en anglais, mercredi, devant la Chambre de commerce du Montréal métropolitain.

J’aimerais pouvoir le parler, mais [...] ma priorité en ce moment est de remettre Air Canada sur pied. Si vous regardez mon horaire, vous comprendrez, a-t-il justifié par la suite.

J'ai été capable de vivre à Montréal sans parler français et je pense que c'est tout à l'honneur de Montréal, a aussi dit M. Rousseau, qui vit en banlieue de la métropole du Québec depuis 14 ans.

François Legault a rappelé que le précédent patron de la plus grande compagnie aérienne du Canada, Calin Rovinescu, parlait parfaitement français.

C’est un peu gênant de dire : "Je m’en vais m’adresser à une foule qui est majoritairement francophone et je ne dis à peu près rien en français", a estimé le chef du gouvernement québécois.

Imaginez-vous demain matin quelqu'un qui accepterait de devenir président d’une compagnie française en France et qui ne parlerait pas français et qui, en plus, s’en vanterait.

Une citation de François Legault, premier ministre du Québec

M. Legault a par ailleurs estimé que tous les Québécois doivent se sentir interpellés par la question et exiger de se faire servir en français par Air Canada, une entreprise assujettie à la Loi sur les langues officielles.

François Legault en mêlée de presse.

François Legault a commenté la controverse à Glasgow, en Écosse, où il participe à la COP26.

Photo : Radio-Canada

Des centaines de plaintes officielles

À Ottawa, le Commissariat aux langues officielles a indiqué avoir reçu plus de 200 plaintes, jusqu'à maintenant, en lien avec l'annonce de M. Rousseau au sujet de son discours en anglais devant la Chambre de commerce du Montréal métropolitain.

Je ne suis pas au fait qu’il y ait eu des plaintes contre M. Rousseau avant cette annonce, précise par courriel le conseiller en communications Jadrino Huot.

Par ailleurs, le Commissariat a reçu, en moyenne, plus de 80 plaintes par année contre Air Canada, en lien avec les langues officielles, indique-t-on.

Appels à la démission de Rousseau

Les partis d'opposition, tant à Québec qu'à Ottawa, ont dénoncé l'attitude du PDG d'Air Canada, certains allant jusqu'à demander qu'il quitte ses fonctions.

Pour le leader parlementaire du Parti libéral du Québec, André Fortin, Michael Rousseau s'est montré indigne de sa fonction et a démontré un mépris pour tous ceux au Québec qui prennent le temps d’apprendre le français à leur arrivée, qui prennent des cours de français aujourd'hui, qui s’investissent dans le Québec qu’ils habitent.

Ce qu’on demande aujourd'hui [...], c’est que M. Rousseau s'excuse pour ses propos envers les francophones, les Québécois, qu’il démissionne de son poste et que les entreprises à juridiction fédérale soient assujetties à la langue française.

Une citation de André Fortin, leader parlementaire du Parti libéral du Québec

Honnêtement, s'il avait voulu insulter les francophones du Québec, il ne s'y serait pas pris autrement. C'était vraiment lamentable, voire méprisable, a commenté la porte-parole de Québec solidaire en matière de langue française, Ruba Ghazal.

Moi, quand je suis arrivée au Québec, je ne parlais pas le français, ma famille ne parlait pas le français, comme beaucoup, beaucoup d'immigrants. Mais ils l'ont fait, l'effort. [...] Juste cette attitude-là est un symbole du monde des affaires.

Une citation de Ruba Ghazal, porte-parole de Québec solidaire en matière de langue française

Ce n'est pas le fruit du hasard, c'est la résultante du Canada et de ses lois, faites notamment par Pierre [Elliott] Trudeau, qui prônent un bilinguisme institutionnel, a fait valoir le chef du Parti québécois, Paul St-Pierre Plamondon.

Dans toutes les institutions canadiennes, ce que c'est, en fait, c'est des francophones qui parlent anglais, puis des anglophones qui n'en ont rien à cirer du fait qu'il y a des francophones qui veulent une vie en français, qui veulent une pérennité à leur langue et leur culture.

Une citation de Paul St-Pierre Plamondon, chef du Parti québécois

Sur la scène fédérale, le Bloc québécois et le seul député du Nouveau Parti démocratique au Québec, Alexandre Boulerice, ont aussi demandé la démission de M. Rousseau.

Il devrait avoir honte. Il n'aurait jamais dû accéder à ce poste-là, a déclaré M. Boulerice en faisant référence à M. Rousseau qui se vante d'avoir une mère et une femme francophones, mais n'a jamais levé le petit doigt pour apprendre un mot en français.

Alors qu’Air Canada accumule les plaintes depuis plusieurs décennies pour son incapacité à fournir des services en français adéquats et se dote maintenant d’un dirigeant unilingue anglophone, nous demandons au gouvernement fédéral d’user de sa position d’actionnaire d’Air Canada afin d’exiger la démission de M. Rousseau, en plus de laisser le champ libre à Québec dans son intention d’appliquer la Charte de la langue française aux entreprises fédérales, a dit le porte-parole du Bloc québécois en matière de langues officielles, Mario Beaulieu, dans un communiqué.

Invités à commenter les derniers développements, les conservateurs d'Erin O'Toole se sont contentés de répéter les critiques exprimées mercredi et n'ont pas réclamé de démission.

Entrevue avec Pablo Rodriguez

Des gestes concrets attendus

De son côté, la ministre fédérale des Langues officielles, Ginette Petitpas Taylor, a choisi de réagir par courriel, écrivant que le gouvernement du Canada s'est engagé à en faire davantage pour la promotion et la protection du français à travers le Canada, y compris au Québec.

La ministre a aussi réitéré sa position de la veille, soit que les propos tenus par Michael Rousseau étaient tout simplement inacceptables, et que les excuses du dirigeant doivent être suivies d'actions concrètes afin de démontrer qu'il prend ses obligations au sérieux.

Son collègue au Patrimoine, Pablo Rodriguez, a convenu que ce n'est pas le gouvernement du Canada qui embauche le président [d'Air Canada], mais que le conseil d'administration du transporteur aérien doit avoir une réflexion en profondeur, non pas uniquement sur le cas de M. Rousseau, mais aussi sur la façon dont l'entreprise traite les deux langues officielles.

À l'instar de Mme Petitpas Taylor, le ministre Rodriguez a réitéré, en entrevue à Radio-Canada, que le gouvernement Trudeau souhaitait donner plus de mordant à la Loi sur les langues officielles, notamment en donnant plus de pouvoir au Commissaire aux langues officielles, plus de pouvoirs punitifs.

Et ailleurs au pays, plusieurs regroupements et organisations en attendent eux aussi davantage de la part du président d'Air Canada.

C'est notamment le cas de Liane Roy, présidente de la Fédération des communautés francophones et acadienne (FCFA), qui soutient que bien que M. Rousseau ait présenté ses excuses, c'est maintenant aux actions concrètes qui suivront qu'on pourra juger de la sincérité du transporteur aérien. D'autres organisations, comme l'Assemblée communautaire fransaskoise et la Fédération francophone de la Colombie-Britannique, ont fait écho à cet appel à l'action.

Entrevue avec Peter Trent, ex-maire de Westmount

Un problème que va régler le projet de loi 96, dit Jolin-Barrette

Le ministre responsable de la Langue française au Québec, Simon Jolin-Barrette, a réitéré que Michael Rousseau avait tenu des propos indignes de ses fonctions, mais n'est pas allé jusqu'à réclamer formellement sa démission.

Ça appartient au conseil d'administration, a-t-il dit, en invitant tout de même Air Canada à réfléchir profondément au rôle [que M. Rousseau] occupe dans la compagnie.

Selon lui, le projet de loi 96 qu'il a déposé le printemps dernier pourra régler ce type de problème en étendant les dispositions de la loi 101 aux entreprises sous autorité fédérale, comme Air Canada.

Outre le fait que les dirigeants de ces entreprises seront visés par la loi et que les réunions devront se tenir en français, j’ai rendu exécutoire le droit de travailler en français au Québec, a fait valoir M. Jolin-Barrette.

Le ministre s'est moqué au passage de la réforme de la Loi sur les langues officielles présentée en juin dernier et évoquée par les ministres Petitpas Taylor et Rodriguez. Le projet de loi à ce sujet est mort au feuilleton lors du déclenchement des élections, mais sera probablement repris lors du retour des députés fédéraux à la Chambre des communes.

On n'attendra pas […] qu’Ottawa agisse, parce que ça fait 40 ans qu’ils n'agissent pas sur ce dossier avec Air Canada, a-t-il dit, en assimilant la pièce législative fédérale à une patente à gosses sans réel mordant pour les entreprises sous autorité fédérale.

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