Capture d'écran d'une vidéo montrant des Africaines manifester dans un camp pour migrants, à Medininkai, en Lituanie, le 26 octobre 2021.. Crédit : Tik Tok
Capture d'écran d'une vidéo montrant des Africaines manifester dans un camp pour migrants, à Medininkai, en Lituanie, le 26 octobre 2021.. Crédit : Tik Tok

Fortes tensions dans le camp pour migrants de Medininkai, en Lituanie. Dans la nuit du 26 octobre, des demandeuses d’asile africaines ont tenté de forcer une porte grillagée du camp pour protester contre leurs conditions de détention. Les gardiens, aidés de la police, ont répondu en les aspergeant de gaz lacrymogènes. Jointe par téléphone, une migrante congolaise explique que nombre d'entre elles soupçonnent les gardiens d’accorder un traitement de faveur à leurs codétenues irakiennes.

La manifestation avait commencé plus tôt dans la journée du 26 octobre. Des migrantes africaines s’étaient rassemblées devant une porte du camp pour migrants de Medininkai, en Lituanie, en scandant “Liberté”.

Près de 300 femmes sont logées dans le camp de Medininkai, ouvert en août sur le terrain d'une école des garde-frontières. Il se situe à 40 kilomètres de Vilnius, la capitale lituanienne. Seules deux femmes, deux Érythréennes, auraient obtenu l'asile. Les autres ont vu leurs demandes rejetées. Beaucoup ont lancé un recours.

La tension s’est exacerbée dans la soirée du 26 octobre quand des policiers ont aspergé de gaz lacrymogène des femmes qui essayaient de forcer une porte grillagée. Pour expliquer les raisons de cette colère, des migrantes ont diffusé des témoignages vidéo et audio sur WhatsApp, où elles expliquent avoir reçu des produits de première nécessité périmés, et surtout d’être discriminées par les gardiens. 


“Une des filles n’a pas pu voir son père qui était venu lui rendre visite”

Venue de République Démocratique du Congo, Clotilde (pseudonyme) est détenue dans ce camp depuis son ouverture. Elle raconte.

"Nous sommes installées dans des containers. Les femmes célibataires, les hommes célibataires, et les familles vivent dans des blocs séparés. Moi, en tant que femme célibataire, je vis avec d’autres femmes célibataires africaines, mais aussi irakiennes. Nous nous côtoyons donc tous les jours avec les Irakiennes, et la cohabitation se passe globalement bien. 

En revanche, beaucoup d'Africaines accusent la police lituanienne de créer des tensions avec les Irakiennes en les favorisant par rapport à nous. Beaucoup d’Africaines se plaignent que les Irakiennes reçoivent régulièrement des visites de leurs proches, tandis que les demandes de visite des Africaines aboutissent rarement.


Le camp de Medininkai se trouve tout proche de la frontière avec la Biélorussie. Crédit : Google maps
Le camp de Medininkai se trouve tout proche de la frontière avec la Biélorussie. Crédit : Google maps


Dans la nuit du 26 octobre, une fille s'est plainte parce qu’on ne l’a pas laissée voir son père qui était venu lui rendre visite. Les gardiens lui ont juste permis de laisser un colis pour sa fille. Quand les Irakiennes reçoivent des proches, les gardiens les laissent entrer jusque dans les containers. Ils peuvent se toucher, s'embrasser. Forcément, cela crée de la frustration chez les autres qui n’ont pas vu leurs proches.    

Mais la colère a aussi d’autres raisons. Il y a quelques jours, les gardiens nous ont distribué des serviettes hygiéniques périmées, et on reçoit des produits alimentaires périmés régulièrement. 

Je pense qu'au-delà des conditions de vie ici, c’est l’enfermement pendant plusieurs mois, le manque d’espace, l’absence de loisirs qui a mis tout le monde sur les nerfs. 

Personnellement, je vis enfermée dans le camp depuis le mois d’août. Ma demande d’asile a été rejetée. Tout le monde s’est vu refuser l’asile, en fait, sauf deux femmes érythréennes.   

Tout ce qu’on demande pendant qu’on attend ici, c’est en réalité un peu de liberté. Que l’on puisse sortir un peu du camp de temps en temps, pour faire des courses, prendre l’air."

Depuis cet été, la Lituanie connaît un afflux sans précédent de migrants : plus de 4 000 personnes, dont la moitié sont des Irakiens entrés illégalement dans ce pays depuis la Biélorussie voisine. La Lituanie, qui s’inquiète de ces arrivées, a commencé à construire une clôture à sa frontière biélorusse. 

>> À (re)lire, sur le site des Observateurs : Pologne - Biélorussie : positions GPS et vidéos, les appels à l'aide des migrants bloqués dans la forêt