Une femme cueille des olives dans le camp de Mavrovouni, à Lesbos, le 25 novembre 2021. Crédit : Reuters
Une femme cueille des olives dans le camp de Mavrovouni, à Lesbos, le 25 novembre 2021. Crédit : Reuters

Depuis deux mois, près de 60 % des personnes vivant dans les camps de Grèce souffrent de la faim, ont encore alerté, lundi, 27 associations qui viennent en aide aux exilés dans le pays. Pour les milliers de personnes concernées, la situation est très inquiétante.

Des enfants qui vont à l'école le ventre vide, des parents qui se privent de nourriture pour leurs enfants, des femmes enceintes qui ne peuvent pas manger à leur faim... Depuis deux mois, des milliers de personnes souffrent de la faim dans les camps de réfugiés grecs et les associations qui leur viennent en aide appellent le gouvernement grec à agir de toute urgence.

Athènes n'a toujours pas pris le relais du Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) pour le versement de l'allocation financière pour demandeur d'asile. Depuis deux mois, les demandeurs d'asile en Grèce vivent sans ces sommes qui leur permettaient à la fois d'acheter des compléments de nourriture mais aussi des vêtements, des produits d'hygiène ou encore de payer leurs déplacements.

Et depuis début octobre, les réfugiés statutaires et les personnes déboutées de l'asile sont, elles, exclues des distributions de nourriture dans les camps, créant des situations de plus en plus inquiétantes.

De l'eau sucrée

Marie vit dans le camp de Nea Kavala, dans le nord du pays, avec son fils de sept ans. Déboutée de l'asile en Grèce, cette femme originaire de la République démocratique du Congo (RDC) n'a plus accès aux repas distribués dans le camp et se demande chaque jour comment nourrir son fils. "Pour manger, on se débrouille avec les gens qui ont encore le droit de recevoir des repas. Ils nous donnent un peu de ce qu'ils reçoivent. L'essentiel c'est que mon fils mange, moi je me débrouille juste comme ça", confie-t-elle.

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Mais parfois cela ne suffit pas : "S'il n'a pas bien mangé la journée, mon fils se réveille la nuit parce qu'il a faim. Je lui donne de l'eau si je n'ai rien d'autre", raconte Marie qui assure avoir, elle-même, perdu du poids et manquer d'énergie à force de manger trop peu.

"Pendant la journée, si je ne peux pas manger, je mélange un peu de sucre dans de l'eau pour me donner un peu de force. Mais je sais que si une personne ne mange pas bien, ses anticorps sont moins forts, donc je m'inquiète au cas où il y ait une maladie", affirme la mère de famille.

La situation révolte Melina Spathari, responsable du plaidoyer en Grèce pour l'association Terre des hommes. "Seules les communautés locales ou des volontaires se rendent dans les camps et donnent aux personnes [déboutées ou réfugiées, ndlr] quelque chose à manger, explique-t-elle. Mais ce n'est pas une solution car soit les camps sont dans des endroits très éloignés, soit les personnes des communautés locales ne peuvent pas soutenir cette solution sur le long terme. Nous avons besoin d'une solution durable et systémique de la part du gouvernement. C'est très urgent."

À Nea Kavala, Edoza, lui aussi congolais de RDC, a réussi à se faire inscrire sur la liste de distribution d'une association et reçoit donc maintenant "toutes les deux semaines" un colis de riz, pâtes, sucre et huile. "Bien sûr, c'est mieux que rien mais on ne peut pas se nourrir comme ça pendant des mois", estime ce réfugié statutaire.

"Cela ne devrait pas se produire en Europe, au 21e siècle"

Melina Spathari se dit particulièrement inquiète pour les personnes vulnérables dans les camps. "On nous a rapporté que des mères n'ont pas les moyens d'acheter du lait infantile et doivent écraser des biscuits dans de l'eau pour leurs bébés, il y a aussi des enfants qui ont faim à l'école. Cela ne devrait pas se produire en Europe, au 21e siècle", s'indigne-t-elle.

Pour la responsable, le gouvernement grec crée une hiérarchie parmi les personnes en supprimant le droit à la nourriture pour les personnes déboutées et les réfugiés statutaires, le réservant uniquement aux demandeurs d'asile : "La nourriture ne devrait pas être un privilège mais un droit humain basique".

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D'autant que cette décision ne tient pas compte de la réalité du terrain, la Turquie refusant de reprendre des migrants déboutés de Grèce. Quand aux réfugiés statutaires, "oui, ils devraient être capables de quitter le camp et de vivre en ville, par leurs propres moyens, admet Melina Spathari. Mais cela est impossible dans une Grèce qui souffre encore de la crise économique […], où il n'existe rien pour faciliter leur intégration dans la société et où aucun filet de sécurité sociale n'est mis en place."

"Si ces personnes quittent le camp, elles se retrouveront sans-abri. Nous avons déjà vu cela arriver, souligne-t-elle. En Grèce, les réfugiés n'ont même pas accès à un compte bancaire et sans compte bancaire, ils ne peuvent pas chercher un emploi légal".

 

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