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Elle avait traité de "traître" un policier noir : une youtubeuse écope de 4 mois avec sursis
Nadjelika
PHOTOPQR/LE PARISIEN/MAXPPP

Elle avait traité de "traître" un policier noir : une youtubeuse écope de 4 mois avec sursis

Racisme

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Le 2 juin 2020, en marge d'une mobilisation du comité « La Vérité pour Adama », Nadjélika avait pointé du doigt un policier noir et déclaré : « Honte sur toi ! Vendu ! T'es de leur côté ». Cette youtubeuse vient d'être condamnée à 4 mois de prison avec sursis pour « outrage aggravé envers une personne dépositaire de l'autorité publique ».

Nadjélika, une youtubeuse suivie par plus de 580 000 abonnés, a été reconnue coupable jeudi 9 décembre d' « outrage aggravé envers une personne dépositaire de l'autorité publique » lors d'une manifestation. Le 2 juin 2020, alors qu'un rassemblement se tient devant le tribunal de Paris à l'appel du comité de soutien de la famille d'Adama Traoré pour protester contre les violences policières en France, la jeune femme, vêtue d'un tee-shirt du comité « La Vérité pour Adama », se retrouve dans la foule, face à un policier noir.

Alors que le groupe scande « vendu ! », la youtubeuse pointe le policier du doigt et s'exclame : « La honte ! C'est la honte sur vous tous, mais surtout sur toi ! Honte sur toi ! Vendu ! T'es de leur côté ! Traître ! » Le policier ne réagit pas, protégé par ses collègues. La scène, filmée, fait le tour des réseaux sociaux.

Une décision qui « n'existe pas »

La prise à partie du gardien de la paix, « accompagnée d'une gestuelle de haine » et « au sein d'une foule entraînée à répéter les invectives », a été considérée par le tribunal comme une « attaque portant atteinte à l'ordre public et aux règles de vivre ensemble ». La jeune femme est également condamnée à verser 1 500 euros de dommages et intérêts au policier au titre du préjudice moral, et 1 600 euros pour ses frais de justice. Les avocats du policier, Sandra Chirac Kollaric et Pascal Rouiller, ont salué une décision qu'ils jugent « à la hauteur des faits inadmissibles ».

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Contestant, depuis le départ, la citation à comparaître, ni l'intéressée ni son avocat Me Arié Alimi n'étaient présents à l'audience. « Cette décision n'existe pas pour nous », a réagi Me Alimi après le prononcé du jugement. « Le parquet a organisé une audience sans convoquer ma cliente dont il connaissait l'adresse, il n'y a donc eu ni audience ni décision pour nous », a-t-il assuré. En effet, Nadjélika ne s'est pas non plus présentée à la dernière audience qui s'est tenue le 6 octobre dernier. Son avocat, Arié Alimi, également absent, avait alors invoqué dans un courrier au parquet un problème de citation à comparaître de sa cliente, qui réside désormais en Côte d'Ivoire.

Fin septembre, la jeune femme, de son vrai nom Amandine Bamba, avait néanmoins regretté une affaire « légalement longue » qui avait eu « un gros impact » sur sa santé mentale. « Il est de bon ton pour la prévenue de changer de domiciliation si cela lui permet de se soustraire à la justice, alors qu’on lui demande juste de venir s’expliquer contradictoirement, ce qui n’est pas dommageable », avait regretté la procureure Morgane Couchet dans ses réquisitions.

Se soustraire à la justice

À l'époque des faits, fin 2020, le préfet de Paris Didier Lallement avait indiqué sur Twitter que le policier, membre de la Direction de l'ordre public et de la circulation (DOPC) et la préfecture de police avaient déposé plainte. « Il n’y a pas de race dans la police, pas plus que de racisés ou d’oppresseurs racistes. Il y a des fonctionnaires qui s’engagent pour la liberté, l’égalité et la fraternité et cela au quotidien ! », avait écrit Didier Lallement.

D'autres policiers, comme Abdoulaye Kanté, en poste dans les Hauts-de-Seine, ont depuis également pris la parole dans les médias pour dénoncer ce type d'attaques. Le policier insulté, lui, avait simplement fait indiquer par son avocate présente à l'audience n'avoir « qu’une hâte : qu’il y ait une décision de justice ». Le ministère public avait demandé une peine de quatre mois d’emprisonnement avec sursis.

Cagnotte et appel à la haine

De son côté, Arié Alimi avait expliqué à l'AFP : « Nous allons défendre le droit de manifester, le droit de s'exprimer politiquement dans une manifestation, qui avait pour vocation de contester d'une part les violences policières et d'autre part la discrimination systémique contre les minorités en France. » Les avocats du policier, Maîtres Pascal Rouiller et Sandra Chirac-Kollarik considéraient que dans le cas de leur client, « son honneur et sa fonction » avaient été « souillés » ce jour-là.

Afin de subvenir à ses frais de justice, la youtubeuse avait tenté de recourir à une cagnotte hébergée sur le site Leetchi. En vain : la plateforme avait fermé la cagnotte, expliquant qu'« il est indiqué dans nos conditions générales d'utilisation que sont interdites les activités » qui incitent « directement ou indirectement à la discrimination, à la haine d'une personne ou d'un groupe de personnes en raison de leur origine, de leur orientation sexuelle, de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation ou une région déterminée. » Le comble, pour une militante antiraciste.

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Natacha Polony, directrice de la rédaction de Marianne