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Au Kenya, le vaccin contre le paludisme commence à faire ses preuves

Le Mosquirix, recommandé par l’Organisation mondiale de la santé, est testé depuis 2019 dans le pays, dans le cadre d’un programme pilote.

Par Chloé Alramamneh (Yala, Kenya, envoyée spéciale)

Publié le 05 janvier 2022 à 11h22, modifié le 01 mars 2022 à 13h02

Temps de Lecture 5 min.

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Maureen Atieno attend sur un banc de la clinique de Yala, dans l’ouest du Kenya, que ses jumeaux de 9 mois se fassent vacciner, le 16 décembre 2021.

Les cris résonnent entre les murs vétustes du service pédiatrique de l’hôpital de Yala, dans l’ouest du Kenya. La piqûre du vaccin contre le paludisme fait pleurer les enfants. Un moindre mal pour lutter contre cette maladie, issue de parasites transmis par les moustiques, qui fait 409 000 morts par an dans le monde, dont 260 000 enfants de moins de 5 ans en Afrique. « Une fois, j’ai vraiment eu peur de perdre l’un de mes garçons. Il avait 3 ans et ses symptômes étaient très forts », raconte Maureen Atieno, assise à l’arrière de la salle de consultation.

En ce jour de décembre, cette mère de huit enfants s’est rendue à l’hôpital pour faire vacciner ses deux petits derniers, des jumeaux de 9 mois. Dans cette région voisine du lac Victoria, où les moustiques trouvent de nombreux espaces de reproduction, le paludisme est endémique. Pour les plus jeunes, il peut devenir mortel en vingt-quatre heures.

C’est la raison pour laquelle ils sont la cible du premier vaccin préconisé contre la maladie par l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Depuis 2019, le RTS,S (commercialisé par le laboratoire GlaxoSmithKline sous le nom de Mosquirix) fait l’objet d’un essai à grande échelle dans trois pays – le Malawi, le Ghana et le Kenya – où 800 000 enfants ont déjà reçu une première dose. Le 6 octobre, l’OMS l’a recommandé pour une utilisation à grande échelle dans toutes les zones fortement touchées.

« Le paludisme est l’une des trois principales causes de décès chez l’enfant au Kenya, avec la pneumonie et la diarrhée », révèle le docteur Simon Kariuki, qui dirige les recherches sur le paludisme au Centre de recherche en santé mondiale (CRHG) de Kisumu, l’un des huit comtés où est menée l’évaluation. Ce programme pilote censé se conclure en 2023 vise à estimer la facilité d’administration des quatre doses requises, le potentiel de réduction de la mortalité infantile et le caractère bénin de son utilisation sur un large échantillon de population.

« Peu de refus »

Vincent Omwenga, l’infirmier responsable du centre de santé maternelle et infantile de l’hôpital de Yala, récupère les doses dans une glacière, mélange le principe actif et l’adjuvant, secoue le tout et l’injecte à l’aide d’une seringue. La vaccination se déroule le matin tandis que le mercure frôle déjà les 30 °C. Dorcas Anyango Juma, 26 ans, attend son tour dans le hall de l’établissement. C’est par hasard qu’elle s’est vu proposer le RTS,S, elle venait à la clinique pour contrôler l’évolution de croissance de son bébé de 6 mois. Elle a accepté sans hésiter : « J’ai confiance car j’ai étudié la biologie moléculaire à l’université, je sais comment sont préparés les vaccins et comment ils fonctionnent. »

« Le consentement des parents est intimement lié à leur niveau de connaissance sur les questions de santé mais, puisque le vaccin est administré en même temps que ceux nécessaires à l’enfant, il y a peu de refus », précise Hassan Odhiembo, volontaire en santé communautaire (CHV) pour le village de Nyamninia, voisin de la ville de Yala. Ces référents communautaires ont organisé la campagne de sensibilisation auprès des familles, permettant d’atteindre 80 % d’adhésion au vaccin au niveau national. Seules quelques réticences sont apparues, notamment en lien avec le caractère nouveau du produit. Mais le plus important, selon Joan Akimyi qui travaille pour l’administration locale et dirige plusieurs CHV, est qu’« il y a eu une baisse générale du taux de mortalité lié au paludisme et le vaccin y est pour quelque chose ».

Cette amélioration se ressent à l’hôpital de Yala où, dans le service d’hospitalisation pédiatrique, pas un seul enfant n’est admis pour cause de paludisme en ce moment. « Avant, cette salle aurait été remplie d’enfants atteints de malaria, note l’infirmier Vincent Omwenga. Aujourd’hui, c’est très rare de voir des enfants hospitalisés pour des formes sévères une fois qu’ils ont été immunisés. » Le nombre d’enfants de moins de 5 ans décédés à cause du paludisme dans cet établissement situé en zone rurale a diminué de moitié au cours des deux dernières années ; ils étaient trois en 2021.

Rapidité des diagnostics

Pourtant, selon les essais cliniques dont les résultats ont été publiés en 2015, ce nouveau vaccin est loin de constituer une protection miraculeuse puisqu’il permettrait d’éviter seulement 40 % des cas de paludisme et 30 % des formes sévères. Ainsi, « on encourage fortement la population à continuer d’utiliser les autres outils de prévention », indique le docteur Simon Kariuki. Betty Kinya, une mère de 34 ans venue faire injecter la deuxième dose du vaccin à son fils de 7 mois, se souvient : « La première mesure efficace du gouvernement a été d’introduire les moustiquaires, mais ça n’a pas permis d’empêcher tous les cas. » Elle profite de la conversation pour se renseigner sur la prochaine distribution gratuite de moustiquaires imprégnées d’insecticide à l’hôpital.

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Outre cette mesure de protection, l’amélioration des diagnostics et leur plus grande rapidité ont aidé à réduire l’incidence de la maladie. En 2018, les agents de santé au sein des villages ont reçu des kits de détection et de traitement du paludisme leur permettant de traiter les cas légers sur place et d’orienter les enfants vers les hôpitaux en cas de complication. Selon l’enquête nationale sur les indicateurs du paludisme en 2020, la prévalence de la maladie dans les régions endémiques du Kenya est passée de 27 % en 2015 à 19 %.

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Malgré la baisse de la mortalité infantile, le paludisme demeure un fléau pour les familles, y compris d’un point de vue financier. L’un des enfants de Maureen Atieno est particulièrement touché, « il peut tomber malade jusqu’à trois fois par mois », souligne la mère de famille, contrainte de dépenser beaucoup d’argent en médicaments. D’après Bernard Ochieng, coordinateur de l’étude dans la zone, emmener un enfant malade se faire diagnostiquer et acheter les traitements coûte en moyenne 200 shillings kényans (1,57 euro), c’est-à-dire le salaire journalier moyen au Kenya.

« Si c’est un cas de paludisme sévère et que l’enfant est admis à l’hôpital, ajoute-t-il, la mère doit arrêter toutes ses activités pour rester avec lui. Certaines refusent car elles n’ont personne pour prendre soin des autres enfants à la maison. » Cette équation complexe ajoute une valeur supplémentaire au vaccin qui, même avec une efficacité limitée, permet un gain de temps et d’argent crucial dans les campagnes kényanes.

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