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Libye : des centaines de demandeurs d'asile mis en détention après la fermeture d’un centre du HCR

Le 10 janvier, au petit matin, les forces de sécurité libyennes ont brutalement arrêté des centaines de migrants, demandeurs d’asiles et réfugiés qui campaient depuis octobre 2021 devant un centre du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) à Tripoli, la capitale de Libye. Le centre, considéré comme un point de ravitaillement pour les réfugiés et demandeurs d’asile en Libye, avait été fermé juste avant l’arrivée de la police, laissant des centaines d’entre eux sur le carreau du jour au lendemain. 

Des dizaines de policiers libyens ont bloqué la rue devant le centre communautaire de jour du HCR à Tripoli, après avoir arrêté une centaine de demandeurs d’asile qui campaient là.
Des dizaines de policiers libyens ont bloqué la rue devant le centre communautaire de jour du HCR à Tripoli, après avoir arrêté une centaine de demandeurs d’asile qui campaient là. © Twitter / Refugees in Libya
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Après une vague violente d’arrestations orchestrée par les forces de sécurité libyenne en octobre 2021, des milliers de migrants, réfugiés et demandeurs d’asile- la plupart d’origine sub-saharienne - s’étaient installés sous des tentes devant le centre communautaire de jour  (CDC) du HCR à Tripoli. Ensemble, ils ont organisé des manifestations pour demander une protection et une voie de sortie vers un pays tiers. 

Mais le 10 janvier, le CDC a officiellement fermé ses portes, un mois après que le HCR a annoncé sa fermeture, provoquée par l’afflux continu de personnes campant devant le centre, qui compliquait le bon fonctionnement des services du centre. Selon les migrants, cette décision a laissé d'innombrables personnes sur le carreau et sans aucune aide. Le HCR précise à notre rédaction  que "la distribution d’allocations en espèces, de nourriture, de kits hygiéniques et les conseils n’ont jamais été interrompus malgré la suspension des activités du CDC, et était mise en place dans différents endroits de Tripoli". 

Malgré cette fermeture, plus d’un millier de personnes ont continué à camper devant les portes du centre - jusqu’à être violemment évacuées au petit matin, le 10 janvier, une opération qui a conduit à la détention de centaines de migrants.

"Ils nous ont dit qu’on avait seulement 10 minutes pour partir, sinon ils nous conduiraient dans des centres de détention" 

Yambio David Oliver est un demandeur d’asile sud-soudanais de 25 ans. Il est arrivé en Libye il y a trois ans. Il a publié plusieurs vidéos et donne régulièrement des informations sur son compte Twitter "Refugee in Libya" ( Réfugiés en Libye).

L’évacuation a commencé vers minuit. Les véhicules et les agents de polices sont arrivés en plusieurs groupes, faisant d’inquiétants mouvements autour de notre quartier. La tension montait, les gens avaient peur. Ils ont bloqué la rue qui menait au CDC. Le passage était même fermé aux citoyens libyens, plus aucune voiture ne circulait, seulement des véhicules militaires. Alors, les gens ont commencé à protester.

 

Une vidéo publiée sur Twitter le 10 janvier 2022 montre la rue devant le centre du HCR alors que la police bloque les entrées.

 

Une vidéo postée sur Twitter le 11 janvier 2022 montre les forces de sécurité libyennes s'adressant aux migrants après avoir bloqué la rue devant le Centre communautaire de jour. Les migrants et les demandeurs d'asile commencent à chanter en signe de protestation.

 

Les forces de police se sont approchées des manifestants. Les chefs de la communauté ont alors échangé quelques mots avec eux. Ils nous ont dit que nous n'avions que 10 minutes pour partir, sinon ils nous conduiraient au centre de détention d'Ain Zara. Lors de négociations avec eux, nous avons essayé de comprendre qui était responsable de l’évacuation. Nous, nous partirions dans le cas où le HCR était responsable du décret d'évacuation, et qu’un logement temporaire nous était attribué. Mais dans le cas contraire, nous resterions, à moins que quelqu’un du HCR ne soit disponible pour nous mettre en confiance.

La confiance des migrants envers les forces de sécurités libyennes se détériore depuis plusieurs mois. Le 1er octobre 2021, les forces de sécurité ont mené une brutale opération de police à Gargaresh, commune à quelques kilomètres à l’ouest de Tripoli qui abrite une importante population de migrants.

Sous prétexte de se battre contre le trafic de drogue et le crime, les forces de sécurité ont violemment arrêté 4 000 personnes, en ont tué sept et ont détruit plusieurs domiciles. 

 >> Lire aussi sur les Observateurs :Des milliers de migrants arrêtés en Libye : "J’ai eu peur pour ma sécurité, car ma peau est noire"

 

"Les gardes armés ont tiré en l'air, ciblé les gens, et déchiré des tentes."

Ce sont les mêmes personnes qui nous ont arrêtés à Gargaresh. Donc on a tenté de négocier, mais les réfugiés et les demandeurs d’asiles sont venus en nombre pour dénoncer l’utilisation de la violence, avec des pancartes et en scandant "évacuation, évacuation", "liberté", et "sécurité." La tension est montée, les gardes armés ont alors tiré en l’air,  ciblé des gens et déchiré des tentes. Ils se sont mis à donner des coups de pieds aux migrants et à les frapper avec leurs armes à feu.  [Note de l'éditeur : The Middle East Eye a rapporté que plusieurs personnes ont été tuées dans l'incident, selon des témoins oculaires, et que les équipes médicales avaient traité au moins une personne blessée par balle]. 

Pendant les événements, quelques-uns ont réussi à s’échapper - ceux en fuite se faisaient tirer dessus par les forces armées de la Direction de la lutte contre la migration illégale [NDLR : l'agence de sécurité libyenne qui gère les centres de détention pour les migrants, accusée de pratiques de détention arbitraire par l'ONU]. Ces personnes ont été rassemblées puis battues. Les femmes se prenaient des coups de pied. Tous ont finalement été entassés de force dans des bus puis emmenés dans différents endroits, certains à Ain Zara, et dans d'autres centres de détention.

Une vidéo publiée sur Twitter le 11 janvier 2022 montre des dizaines d'agents de sécurité dans la rue, devant le centre communautaire de jour. On peut les voir déchirer des tentes et détenir des personnes dans la rue.

Au milieu de toute cette violence, certains n’avaient nulle part où aller, donc ils ont essayé de se jeter dans des maisons libyennes : nous étions encerclés de domiciles appartenant à des civils. Mais en Libye, presque tous les foyers abritent une arme, donc ils avaient peur de se faire tirer dessus. Parmi nous, quelques-uns ont réussi à échapper à une arrestation.

 

Plus de 1 000 personnes ont été raflées par la police, selon Yambio David Oliver. Lui a réussi à éviter la détention en se cachant dans une résidence à proximité jusqu'au lever du jour. Après l'opération, les tentes situées devant les bureaux du HCR ont été brûlées et détruites.  

Au moins 600 personnes ont été emmenées au centre de détention d'Ain Zara, au sud de Tripoli. Certaines présentaient "des blessures à l'arme blanche, des traces de coups et [ont été] séparées des enfants", a déclaré Médecins sans frontières au Middle East Eye. 

Des vidéos postées sur Twitter montrent la surpopulation dans le centre. Selon Oliver, les migrants  y sont détenus dans des conditions difficiles, manquant notamment de nourriture et d'eau potable, de toilettes et de couvertures.

Une vidéo publiée sur Twitter le 10 janvier 2022 montre des personnes entassées dans le centre de détention d'Ain Zara après avoir été arrêtées par les forces de sécurité.

De nombreux migrants qui campent devant le HCR demandent à être évacués vers des pays tiers. Les vols d'évacuation des demandeurs d'asile depuis la Libye ont repris en octobre 2021, après avoir été suspendus pendant plusieurs mois. Depuis lors, le Niger, l'Italie et d'autres pays ont autorisé l'entrée de demandeurs d'asile sur leurs territoires.

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