Lutte contre le cancer : les députés européens divisés sur l’alcool

En Europe, 10% des cancers chez les hommes sont attribuables à l’alcool et 3% chez les femmes. [K.Decha/Shutterstock]

Si les eurodéputés ont adopté mercredi (16 février) à une large majorité le rapport de la commission de lutte contre le cancer (BECA), un point cristallise néanmoins toutes les tensions : la prévention contre l’alcool, jugée trop stricte par les conservateurs. 

Le rapport BECA, porté par Véronique Trillet-Lenoir (Renew), vient consolider des propositions faites par la Commission européenne le 3 février 2021, dans le cadre de son Plan européen pour vaincre le cancer. 

En Europe, 10% des cancers chez les hommes sont attribuables à l’alcool et 3% chez les femmes, peut-on lire dans le texte. Alors pour lutter contre les risques liés à la consommation d’alcool, le rapport s’aligne sur les objectifs de la Commission de diminuer la consommation d’alcool de 10% d’ici 2025. 

Pour cela, Mme Trillet-Lenoir préconise de renforcer les mises en garde contre ses méfaits.

Ce point a vivement fait réagir les membres du PPE qui ont proposé des amendements, adoptés mardi soir, visant à assouplir les règles de prévention en matière de consommation d’alcool.

Ces derniers considèrent que seul « l’abus » d’alcool est un facteur de risque de cancer et non sa consommation globale.

« Si la consommation excessive d’alcool fait bien entendu peser des risques sur la santé, il convient de prendre des mesures adaptées et proportionnées sans stigmatiser ce secteur économique important qui participe de notre mode de vie », explique Nathalie Colin-Oesterlé, membre du PPE et également vice-présidente de la commission BECA.

Ces amendements ont été signés par une centaine de députés, dont des membres des sociaux-démocrates, du groupe Renew et du groupe ID, à l’image de Joëlle Mélin selon qui les « petits plaisirs de la vie » ne doivent pas être « stigmatisés ».

Le sujet a aussi suscité des réactions chez les professionnels du secteur. Le Secrétaire général du Comité Européen des Entreprises Vins (CEEV) Ignacio Sánchez Recarte, réfractaire à des mesures de prévention contre les boissons alcoolisées, se félicite de l’adoption de ces amendements.  

« Le texte adopté fait désormais la distinction fondamentale entre consommation nocive et consommation modérée. Il recommande également de partager avec les consommateurs des informations sur la consommation modérée et responsable au lieu de promouvoir l’utilisation d’avertissements sanitaires injustifiés. », écrit-il dans un communiqué de presse. 

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Alcool : pas de « risque zéro »

Véronique Trillet-Lenoir regrette que ces recommandations visant à avertir des effets néfastes de l’alcool soient vues comme des mesures « coercitives », rappelant qu’ « il n’existe pas de risques zéro en matière de consommation d’alcool. C’est une information scientifique ».

Les recommandations faites dans le rapport s’appuient sur une étude de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) indiquant qu’ « il n’existe pas de niveau de consommation d’alcool sans danger quand il s’agit de prévention du cancer ».

« On ne peut pas définir un seuil sans risque, mais on peut recommander une consommation modérée », appuie Mme Trillet-Lenoir, dénonçant une « politique sans pragmatisme » qui détourne le message essentiel. 

À gauche, les groupes politiques des Verts et de la Gauche ont voté contre ces amendements. « La consommation de vin est dangereuse », a déclaré Manon Aubry (LFI) à EURACTIV France, avant d’ajouter : « Il y a très fort lobby du vin en France ». 

Même son de cloche pour Tilly Metz (Les Verts) qui juge qu’il n’y a pas de « consommation saine d’alcool », et qu’il est nécessaire « d’avertir les jeunes » sur ses dangers. 

Le groupe S&D de son côté ne pointe pas directement du doigt l’alcool, préférant voir plus large : « La science est basée sur des faits, et les faits prouvent le lien direct entre le cancer et la consommation de tabac, d’alcool et d’une alimentation de mauvaise ou de faible qualité. Pourtant, nous regrettons que plusieurs membres du Parlement européen aient décidé d’ignorer et de négliger ouvertement ces faits », écrit Nicolás González Casares, le porte-parole des sociaux-démocrates dans un communiqué de presse en ligne.

Avant d’ajouter : « Les intérêts privés ou les entreprises ne peuvent pas prévaloir sur la santé de nos citoyens. Jamais. »

Le cancer pourrait devenir la première cause de décès en Europe d’ici 2035, mais il pourrait être évité dans 40% des cas, peut-on lire dans le rapport, qui met aussi l’accent sur l’alimentation, les perturbateurs endocriniens, la pollution atmosphérique ou encore le tabac.

Les propositions émises n’ont pas de valeur obligatoire, mais elles seront soumises à la Commission européenne qui présentera une série de mesures législatives d’ici la fin 2022 sur le sujet.

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