Comment Hollande et Valls ont débranché le conseiller Morelle

 

Comment Hollande et Valls ont débranché le conseiller Morelle

    Dans son beau bureau qui jouxte, au premier étage du palais de l'Elysée, celui du président de la République, tout avait été refait. Le Mobilier national avait retiré les meubles du précédent occupant pour les remplacer par une jolie petite table basse, des canapés modernes... Le voilage aux fenêtres avait été enlevé à la demande d'Aquilino Morelle pour profiter de la vue sur le parc élyséen. Mais voilà, depuis hier, le « petit marquis de l'Elysée », comme l'a surnommé Mediapart dans son portrait fatal, ne règne plus sur les lieux.

    Morelle a eu à peine le temps de ramasser quelques dossiers dans l'après-midi. Dans un état de sidération totale. « Ce qui arrive est injuste, tout ça n'est qu'un déferlement de haines recuites contre moi », souffle-t-il, préférant, pour l'heure, s'occuper de ses proches. L'« étoile montante » de l'Elysée est fauchée en pleine ascension. « J'ai décidé de mettre fin à mes fonctions de conseiller à la présidence de la République », a-t-il indiqué sobrement hier matin à l'Agence France-Presse. Histoire de sauver les apparences. Car la pression était devenue trop forte après quarante-huit heures de tumulte.

    Jeudi midi, première réunion entre François Hollande, Jean-Pierre Jouyet, à peine installé comme secrétaire général de l'Elysée, et Aquilino Morelle. La bombe vient d'éclater : le conseiller, à la fois énarque et médecin, est issu de l'Igas (inspection des affaires sociales), où il est soupçonné de conflit d'intérêts entre sa fonction et une mission de conseil pour un laboratoire pharmaceutique en 2007. Face aux attaques, Morelle choisit de se défendre sur sa page Facebook, sans mettre en avant son titre de conseiller de la présidence. Quelques heures plus tard, nouvelle réunion dans le bureau de Hollande avec les trois hommes. Le constat ne fait pas un pli : « La polémique enfle et rien ne l'arrêtera », explique un ami du chef de l'Etat.

    Les ennemis de Morelle sont légion

    Un détail a notamment retenu l'attention du président, la déclaration d'un haut responsable de l'Igas, réputé pour son intégrité, et niant toute autorisation donnée à l'époque au docteur Morelle. Or, ce feu vert constituait une obligation légale pour pouvoir cumuler. A cela s'ajoute l'effet ravageur des extravagances d'Aquilino Morelle. « Un type qui vient lui cirer les pompes, sous les lambris de l'Elysée... C'est carrément une scène de film ! » s'emporte un ténor du PS. Il fallait donc agir vite.

    « Quand on a décidé de mettre la morale en avant, la moindre petite tache sur la chemise blanche, ça se voit », tacle un visiteur du soir. D'autant que François Hollande connaît bien Edwy Plenel, le directeur de Mediapart : « Il feuilletonne comme une série américaine, saison 1, saison 2, saison 3... » dit un proche. Les ennemis de Morelle sont légion. Surtout à l'Elysée, où son ascension n'a pas fait que des heureux : les rapports avec Claude Sérillon sont tendus et l'ex-secrétaire général Pierre René Lemas ne faisait pas partie de ses amis... « Morelle a insupporté nombre de ses collègues », rapporte un habitué des lieux.

    Devant l'incendie, la démission est donc actée jeudi soir, même si Morelle demande un petit délai de réflexion. Hier matin, dès 7 heures, juste avant que Hollande s'envole pour Clermont-Ferrand où il va « renouer avec les Français » lors d'une visite chez Michelin, le conseiller et le président se revoient. Une dernière fois.

    Fait inhabituel pour un conseiller de l'Elysée, Morelle file ensuite à Matignon pour un tête-à-tête avec l'ami Manuel Valls. « Le Premier ministre lui a conseillé de quitter le cabinet du président afin de répondre librement aux questions des journalistes », fait savoir l'entourage de Valls. François Hollande n'a plus qu'à prononcer une petite oraison funèbre devant les journalistes. « Aquilino Morelle a pris la seule décision qui s'imposait », déclare le chef de l'Etat. Le minimum syndical.