Suspension du passe vaccinal : les sénateurs amers, moins de deux mois après le débat parlementaire

Suspension du passe vaccinal : les sénateurs amers, moins de deux mois après le débat parlementaire

Absurde, électoraliste, et trop verticale : les sénateurs saluent la décision du gouvernement, non sans critiquer la manière dont le passe vaccinal a été encadré. Puis retiré, à moins de quarante jours de la présidentielle.
Public Sénat

Par Guillaume Jacquot, avec Louis Mollier-Sabet

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À peine installé, déjà retiré. Jean Castex a annoncé ce jeudi la suspension à compter du 14 mars du passe vaccinal partout où il s’appliquait. Deux mois à peine après son adoption par le Parlement. Le passe sanitaire avait été transformé en passe vaccinal dans une loi promulguée le 22 janvier, en pleine flambée épidémique du variant omicron. « La situation s’améliore grâce à nos efforts collectifs, grâce aux mesures que nous avons prises […] les conditions sont réunies pour une nouvelle phase d’allégement des mesures », a justifié le Premier ministre sur TF1.

Le 14 mars sera aussi marqué par la fin du masque obligatoire dans les lieux où il était requis. Il continuera à s’appliquer dans les transports publics, du fait de la « promiscuité » des voyageurs. Le passe sanitaire restera en vigueur dans les établissements de santé, les maisons de retraite ou encore les structures accueillant des personnes en situation de handicap « particulièrement fragiles ».

La décision du gouvernement, annoncée au lendemain d’un conseil de défense sanitaire, ne surprend visiblement personne au Sénat. Dès le 22 février, Olivier Véran, devant la commission d’enquête sénatoriale sur l’adéquation du passe vaccinal à la situation épidémique, a indiqué que le passe serait levé vraisemblablement à la mi-mars, sur la base d’une projection de 1 500 personnes en réanimation. Actuellement, un peu plus de 2 300 personnes sont encore hospitalisées en soins critiques. Quant aux nouvelles contaminations, elles s’élèvent en moyenne, sur une semaine, à environ 53 000, contre 70 000 une semaine auparavant.

Bernard Jomier (apparenté PS), président de la mission d’information du Sénat sur les restrictions sanitaires, estime « logique » la levée du passe, mais n’en demeure pas moins critique. « En termes de réanimation, on sera encore un peu au-dessus de 1 500. Si l’on suit la pente, on sera à 1700-1800. Peu importe, cela montre l’absurdité », dénonce-t-il. « Qu’un gouvernement cherche à provoquer des bonnes nouvelles dans les semaines précédant une élection, c’est une gestion politicienne. »

« La fin de ce processus ne fait pas honneur au gouvernement »

Il y a tout juste une semaine, la commission d’enquête du Sénat, mise en place pour surveiller l’adéquation du passe vaccinal à la situation épidémique, avait appelé à « une levée » rapide dans un rapport transpartisan. René-Paul Savary (LR), l’une des autres figures de la commission des affaires sociales, salue la suspension. « Cela montre que le passe vaccinal était discutable. Il a été incitatif le temps de l’annonce. Tout ça pour ça. »

La centriste Nadia Sollogoub s’étonne du revirement du gouvernement en l’espace de quelques semaines. « J’espère que les indicateurs le permettent. Je trouve que les coïncidences avec les échéances électorales interrogent […] Tant mieux si ça s’arrange, mais il y a un mois on nous a demandé d’être courageux, il a fallu expliquer des choses difficiles aux gens. On n’a pas fait de démagogie. » Cette fois-ci, les parlementaires n’ont pas été consultés en avant-première sur l’évolution du cadre sanitaire. Et la sénatrice de la Nièvre n’est pas loin d’être vexée. « Quand il s’agissait d’imposer des choses désagréables, on nous concertait. J’aimerais bien participer aux bonnes nouvelles aussi. »

Opposé à cette forme de contrôle depuis la création du passe sanitaire, Loïc Hervé (Union centriste) appelle désormais l’exécutif à donner des perspectives sur les dernières restrictions. « Ce que j’attends maintenant, c’est un plan complet de retour à la normale. Certaines obligations vaccinales sont maintenues, je pense aux soignants suspendus. Les retours à la normale avec des annonces en coup de sifflet, ça commence à bien faire. »

Lors de l’examen du projet de loi en janvier, le Sénat avait bataillé pour introduire des critères d’extinction du passe dans la loi. Au point d’en faire l’une de ses lignes rouges dans les négociations avec les députés. « Le Parlement a renoncé à créer un certain nombre de contraintes », regrette Loïc Hervé. Bernard Jomier relève que le ministère de la Santé en a finalement choisi la voie. « La fin de ce processus ne fait pas honneur au gouvernement », épingle-t-il.

« Il y aura nécessairement un travail parlementaire d’effacement »

Reste la question du masque. Loïc Hervé est convaincu qu’on « aurait pu attendre les mêmes objectifs » par la responsabilité collective ou par la responsabilité collective. Aujourd’hui, il salue l’assouplissement décidé par le gouvernement. « C’est une excellente nouvelle pour les enfants, ça devenait insupportable. Ils ont vécu quelque chose de difficile, pendant de trop long mois. »

A part pour les enfants, Nadia Sollogoub reste sceptique sur une levée trop rapide du masque. « Il faudrait être prudent », insiste-t-elle. Même avis de René-Paul Savary. « Il faut rester attentif. Il ne faut pas que les Français perdent l’habitude de le porter quand ils sont infectés. Il ne faut pas perdre de vue qu’on risque à un certain moment de le reporter. »

La législation fixe au 31 juillet la date butoir du régime de sortie de l’état d’urgence sanitaire, mais aussi la possibilité de recourir au passe sanitaire. « Il y aura nécessairement un travail parlementaire d’effacement de ce que cette période sanitaire a créé dans les habitudes et dans la loi. Il faudra une réflexion sur ce que cette période a trop longtemps autorisé », appelle Loïc Hervé.

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