Rien n’a changé. Ou si peu. La moquette est toujours aussi moelleuse, les chambres aussi spacieuses et même si la piscine intérieure est en réfection et la salle de cinéma fermée pour travaux, les tarifs aussi onéreux – entre 6 500 et 12 000 euros par mois. A la résidence Les Bords de Seine, à Neuilly-sur-Seine (Hauts-de-Seine), fleuron du groupe Orpea, le décor est clinquant, mais la prise en charge des résidents demeure toujours aussi peu reluisante. C’est ce que met au jour un rapport de l’agence régionale de santé (ARS) d’Ile-de-France et du conseil départemental des Hauts-de-Seine, révélé par Le Journal du dimanche et auquel Le Monde a eu accès. Le constat sévère des deux tutelles découle d’une inspection inopinée des lieux, les 27 et 28 janvier, diligentée à la suite de la sortie du livre de Victor Castanet, Les Fossoyeurs (Fayard, 400 pages, 22,90 euros), enquête sur les pratiques d’optimisation financière du géant mondial des Ehpad.
Les Bords de Seine, Ehpad du gotha, des bonnes familles et des personnalités en vue, est au cœur de l’ouvrage. L’auteur y rapporte, à partir de nombreux témoignages, des faits de maltraitance, commis entre 2016 et 2018.
L’ARS et le conseil départemental établissent la persistance, aujourd’hui, de dysfonctionnements qui « font courir des risques » aux résidents. Le rapport relève quatorze infractions au code de l’action sociale et des familles et formule dix-sept « remarques » pour sécuriser le quotidien des cent un pensionnaires.
Salariés absents ou manquants
« Le mode d’organisation du travail des équipes soignantes est de nature à affecter la qualité et la sécurité de la prise en charge des résidents », pointe le rapport. L’Ehpad de Neuilly se distingue – comme tous ceux du groupe Orpea – par un recours très important aux vacataires. Ils remplacent au pied levé des salariés absents ou manquants sans que les équipes en place aient le temps de les initier au fonctionnement des services ni aux habitudes des résidents.
Au second jour de leur inspection, le vendredi 28 janvier, l’ARS et le département ont constaté que huit salariés sur quatorze étaient en contrat à durée déterminée. Le même jour, sur six aides-soignantes diplômées au planning prévisionnel, trois étaient absentes, remplacées par des stagiaires. Sur deux étages de la résidence manquaient les deux aides-soignantes censées s’occuper de quarante-six résidents. Pour les suppléer, la direction a envoyé deux auxiliaires de vie, personnel non diplômé. Au moment de la toilette, ces auxiliaires aident souvent seules les résidents à se laver ou à s’habiller, alors que la réglementation veut qu’elles soient en binôme avec un soignant. A Neuilly, l’inspection a constaté qu’elles distribuent les médicaments bien que cette tâche incombe aux aides-soignantes.
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