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La menace tragique de l’abstention qui pourrait représenter le premier parti de France
©LOIC VENANCE / AFP

Aux urnes citoyens !

Alors que s’annonce, dans quelques heures, le premier tour de l’élection présidentielle, peu nombreuses sont les certitudes absolues sur l’issue du scrutin. L’une d’entre elles, hélas, est rendue chaque jour un peu plus réaliste, celle d’une abstention massive inégalée

Jad Zahab

Jad Zahab, essayiste, est diplômé de l'école des affaires publiques de Sciences Po Paris. Militant associatif engagé en faveur de la participation des jeunes à la vie politique, il est sensible aux sujets liés à l'immigration, aux valeurs de la République, à la refondation du pacte social et à la lutte contre les inégalités, marqueurs de son engagement. Il intervient régulièrement dans les médias pour analyser l'actualité politique et sociale. Il est entre autres l’auteur de "Retrouver la république" (Cherche Midi Éditeur). 

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A de nombreux égards, ce fait politique serait à lui seul lourd de conséquences, à la fois sur les noms des deux qualifiés pour le second tour, mais aussi et surtout, à plus long terme, sur la dynamique sociale et sociétale qui marquera le quinquennat à venir.

On ne compte plus les politologues et autres membres d’institut de sondage qui ont publié et alerté ces dernières années sur la prégnance renforcée et accrue, au gré du temps et des émoluments de notre démocratie, de l’abstention. « Jamais inégalée », « record absolu », « niveaux inédits », nous nous sommes hélas accommodés de ces superlatifs qui, normalisés, banalisés presque au sujet de l’abstention, finissent par ne plus surprendre. Si naturellement il a toujours existé une « abstention passive », que certains qualifient « du beau temps » car les électeurs préféreraient leurs loisirs dominicaux à leur mission citoyenne, c’est bien plutôt « l’abstention active » qui doit nous alerter et nous interpeller. Ces non-électeurs du dimanche, de plus en plus nombreux, incarnent par l’abstention le refus, le rejet, leur insatisfaction face à l’offre politique, ou à défaut, dans le vote blanc. Précisément, cette intentionnalité fait de l’abstention le marqueur politique par essence, non de l’adhésion à tel ou tel parti, mais beaucoup plus vital : du consentement des Français à la démocratie. 

Le tragique bal de l’actualité chassant les dépêches et les « alertes infos » aussi vite qu’elles ne sont arrivées a jeté un brouillard presque paralysant, tant sur la campagne présidentielle elle-même que sur le souvenir des cinq années écoulées. En tous points, nul besoin d’être adepte de l’exagération pour affirmer sans retenue aucune que le quinquennat passé a été extraordinaire. A de nombreux égards il a permis d’incarner aux yeux de la classe politique mais surtout, du pays tout entier, cette trame de fond qui n’a cessé de prospérer depuis plus de vingt ans pour arriver, sous nos yeux, à son paroxysme : la crise des consentements à la fiscalité incarnée, entre autres, par le mouvement des gilets, à l’autorité de l’Etat, aux règles du jeu démocratique et, de manière générale, à notre pacte social, fut à son acmé. Que personne n’en doute – non que ce soit le cas – la pandémie et la guerre en Europe n’ont pas gommé cette trame, elles ont puissamment achevé de l’ancrer dans le pays. A l’heure où la vérité même n’est plus neutre, la controverse idéologique est polluée, désormais, par le complotisme et une certaine négation de tout ce qui fait la force et la richesse du débat démocratique. 

Loin des instrumentalisations populistes aux accents « trumpiens » de ceux qui, avant même qu’elle n’ait eu lieu, contesteraient le résultat de l’élection en l’entachant d’une illégitimité hypothétique, il faut malgré tout reconnaître que le pacte démocratique scellé le 24 avril au soir entre le peuple français et le ou la candidat(e) élu(e) serait ô combien fragile si l’abstention était, une fois encore, le « premier parti de France ». Après une campagne difficilement audible et un débat idéologique dans un premier temps kidnappé par l’extrême droite et ses obsessions puis, dans un second, complètement amoindri du fait de la guerre en Ukraine, la société française n’aura pas, à l’issue des deux tours, pansé ses plaies, elle n’aura pas non plus purgé les passions tristes qui l’ont traversé ces dernières années ; enfin, elle n’aura pas fait sa nécessaire catharsis démocratique, comme tous les cinq ans . Si nous devons, autant que nous sommes, appeler la plus grande partie des citoyens à aller aux urnes la semaine prochaine et lors du second tour, nous devons aussi rappeler aux politiques la responsabilité qui est la leur, qui ne date ni de 2022, ni de 2017, mais des quarante ou cinquante dernières années. Nous ne pourrons pas nous cacher, s’il devait arriver, derrière l’« accident démocratique », non seulement parce que le peuple est souverain et qu’en la matière, toutes choses égales par ailleurs, il ne commet jamais d’erreur, mais aussi et surtout parce que chacun a conscience de la gravité du moment et des enjeux. La crise des consentements perdurera, et même, s’amplifiera si nous ne l’affrontons pas : quel que soit le prochain chef de l’Etat français, le niveau de l’abstention la semaine prochaine sera, à chaque instant de son mandat, l’impérieux rappel de l’urgence à agir, à réconcilier et à refonder notre pacte démocratique. 

D’ici là, aux urnes ! 

Jad Zahab, auteur de « Retrouver la République »

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