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Le Tigré théâtre de crimes de guerre et de nettoyage ethnique, selon des ONG

Deux femmes, le regard dans le vide

Une femme et sa fille ayant fui les violences au Tigré ont trouvé refuge dans une école.

Photo : Getty Images / AFP / Yasuyoshi Chiba

Agence France-Presse

Expulsions, exécutions, viols : forces de sécurité et milices se sont livrées à un « nettoyage ethnique » et à des exactions s'apparentant à des « crimes de guerre » et à des « crimes contre l'humanité » dans la région éthiopienne en guerre du Tigré, affirment deux ONG.

Dans un rapport commun publié mercredi, Amnistie internationale et Human Rights Watch (HRW) affirment que les civils tigréens ont été la cible d'une campagne implacable de nettoyage ethnique dans la partie occidentale du Tigré, région du nord de l'Éthiopie où un conflit a éclaté entre rebelles tigréens et troupes progouvernementales en novembre 2020.

Durant les mois qui ont suivi, plusieurs centaines de milliers d'habitants ont été expulsés du Tigré occidental dans des camions et des bus ou ont fui les persécutions – viols, meurtres, pillages, privation d'aide humanitaire – menées par les forces de sécurité régionales et l'administration locale.

Ces attaques généralisées et systématiques contre la population civile tigréenne constituent des crimes contre l'humanité, ainsi que des crimes de guerre, déclarent Amnistie et HRW dans leur rapport intitulé Nous vous effacerons de cette terre.

Cette campagne s'est déroulée avec l'assentiment et la possible participation des forces fédérales éthiopiennes, soulignent-elles, dénonçant l'inaction du gouvernement d'Addis Abeba.

Guerre interminable

La guerre a éclaté il y a 17 mois au Tigré, après que le premier ministre Abiy Ahmed a envoyé des troupes destituer les autorités issues du Front de libération du peuple du Tigré (TPLF), le parti dirigeant la région qui contestait son pouvoir et qu'Addis Abeba accusait d'avoir orchestré des attaques contre des bases de l'armée.

Les forces fédérales et celles de la région voisine de l'Amhara se sont emparées du Tigré occidental, qui a été placé sous l'autorité d'une nouvelle administration.

Cette vaste zone fertile, située entre la rivière Tekezé et la frontière soudanaise, est contestée depuis des décennies par Amhara et Tigréens, deux des plus importants groupes ethniques d'Éthiopie.

Dès mars 2021, les États-Unis avaient dénoncé des actes de nettoyage ethnique menés par les forces amhara au Tigré occidental. Les autorités amhara avaient qualifié ces accusations de propagande.

Les forces de sécurité amhara, des milices et les autorités nouvellement nommées mènent depuis fin 2020 une campagne coordonnée de persécutions fondées sur l'origine ethnique, écrivent Amnistie et HRW, qui ont interrogé plus de 400 victimes et témoins.

Vous êtes le diable, nous purifions votre sang

Les ONG ont notamment documenté l'exécution sommaire d'une soixantaine d'hommes près de la rivière Tekezé, ainsi que l'esclavage sexuel et des viols collectifs sur des femmes tigréennes.

L'une d'entre elles a raconté que, pendant que plusieurs hommes la violaient, un milicien lui a lancé : Vous, les Tigréens, devriez disparaître du territoire se trouvant à l'ouest. Vous êtes le diable, nous purifions votre sang.

Les autorités locales ont interdit l'utilisation de la langue tigréenne, placardé des affiches ordonnant aux Tigréens de partir et leur ont refusé l'accès aux terres agricoles et à l'aide humanitaire.

Des milliers de personnes ont également été emprisonnées dans des camps. Certains détenus sont morts des suites de tortures, faute de soins médicaux ou à cause du manque d'eau et de nourriture. D'autres ont été tués par les gardiens, indique le rapport.

Amnistie et HRW accusent le gouvernement fédéral de couvrir ces abus en restreignant l'accès au Tigré.

Participation de l'Érythrée

Une dizaine de personnes s'entasse près de l'entrée d'un local où de la nourriture leur est donnée.

Des réfugiés du Tigré font la file pour recevoir de la nourriture donnée par des organisations locales à Mekele, capitale de la région. Selon l'ONU, 350 000 personnes vivent dans la famine au Tigré.

Photo : Associated Press / Ben Curtis

Les autorités éthiopiennes contestent inébranlablement l'ampleur choquante des crimes commis et s'abstiennent honteusement d'agir pour y mettre un terme, estime Kenneth Roth, directeur général de HRW.

L'armée de l'Érythrée, pays frontalier du Tigré au nord et allié aux forces fédérales éthiopiennes, a également participé aux pillages des récoltes et du bétail et à l'expulsion des Tigréens, ajoutent les ONG.

Le conflit, qui s'est un temps propagé au-delà du Tigré, a fait des milliers de morts, a plongé dans la faim des millions de personnes et les deux camps ont été accusés d'atrocités.

Addis Abeba a déclaré le 24 mars une « trêve humanitaire », acceptée par les rebelles à condition que l'aide humanitaire parvienne au Tigré. Un premier convoi terrestre a atteint la région vendredi.

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