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Pour «réparer» son passé esclavagiste, Harvard créé un fonds de 100 millions de dollars

Selon un rapport, des membres de l’université ont réduit en esclavage plus de 70 personnes jusqu’au XVIIIe siècle. Le fonds sera consacré au financement des travaux de recherche, d’éducation et de mémoire sur le racisme et l’esclavage

Le campus d'Harvard à Cambridge, le 16 juillet 2019. — © Steven Senne / keystone-sda.ch
Le campus d'Harvard à Cambridge, le 16 juillet 2019. — © Steven Senne / keystone-sda.ch

Avec l’ambition de «réparer» son passé esclavagiste aux XVIIe et XVIIIe siècles, l’université américaine Harvard, l’une des plus prestigieuses de la planète, a annoncé mardi la création d’un fonds de 100 millions de dollars (93,8 millions d'euros).

L’annonce, faite par une lettre du président de l’université Lawrence Bacow aux étudiants, professeurs et employés de l’institution fondée en 1636 à Cambridge (Massachusetts, nord-est), s’inscrit dans un vaste mouvement universitaire ces dernières années de reconnaissance et de réparation de l’esclavage aux Etats-Unis, aboli officiellement par le 13e amendement de la Constitution en décembre 1865. Mais, reconnaît Lawrence Bacow, «l’esclavage et son héritage font parties de l’histoire américaine depuis plus de 400 ans. Le travail de réparation de ses effets persistants va nécessiter nos efforts soutenus et ambitieux pour les prochaines années».

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Harvard va donc consacrer 100 millions de dollars à un fonds qui doit financer des travaux de recherche, d’éducation et de mémoire sur le racisme et l’esclavage du XVIIe au XIXe siècle aux Etats-Unis.

Des théories raciales promues dans l’université

Cette décision fait suite à un rapport d’un comité de l’université qui émet des recommandations quant à la manière de «réparer» financièrement l’exploitation sur des dizaines de générations de millions de personnes déportées de force de l’Afrique et de l’Europe vers l’Amérique.

A Harvard en particulier, aux XVIIe et XVIIIe siècles, plusieurs membres et présidents ont directement réduit en esclavage plus de 70 personnes – afro-américaines et amérindiennes – jusqu’à ce que cela soit déclaré illégal dans le Massachusetts en 1783.

«Harvard a profité et a d’une certaine manière perpétué des pratiques qui étaient profondément immorales», admet le président de l’institution. Il reconnaît que son université «porte une responsabilité morale de pouvoir régler les effets corrosifs qui persistent de ces pratiques historiques sur les individus, sur Harvard et sur la société» américaine.

Dans un pays toujours meurtri par le racisme et secoué par des mouvements comme Black Lives Matter, le rapport de Harvard souligne que jusqu’au XXe siècle, des présidents et professeurs de l’université enseignaient et promouvaient des théories raciales telles que l’eugénisme.

Plusieurs universités ont fait leur mea-culpa

Harvard n’est pas la première institution à faire amende honorable sur l’esclavage. En 2021, la conférence des prêtres jésuites américains avait également promis de lever 100 millions de dollars de dédommagements à des descendants d’esclaves qu’elle avait exploités.

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En 2016, l’université jésuite de Georgetown, fondée à Washington en 1789, avait présenté ses excuses pour la vente de 272 esclaves en 1838, proposant en compensation de faciliter l’admission de leurs descendants. Un fonds de réparation avait été approuvé en 2019 par les étudiants.

Les universités Brown et Columbia ont aussi reconnu avoir participé au commerce d’esclaves.