Médecine

Déclin cognitif : les antibiotiques en cause ?

Une nouvelle étude montre que la consommation au long cours d’antibiotiques autour de la quarantaine augmente le déclin cognitif lié à l’âge. À consommer avec modération, donc.

CERVEAU & PSYCHO N° 144
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Certes, les antibiotiques sont fort utiles pour traiter une foule de maladies causées par des bactéries. Mais ils ne doivent pas être « automatiques »… Et il est bon de le rappeler, car les antibiotiques ne détruisent pas seulement les agents toxiques : ils s’attaquent aussi aux milliards de bactéries bénéfiques qui peuplent nos intestins et constituent notre microbiote. Or Raaj Mehta, de l’école de médecine de Harvard à Boston, et ses collègues viennent, pour la première fois, de prouver que la prise d’antibiotiques au long cours chez une femme autour de la quarantaine diminue les aptitudes cognitives autant que trois à quatre ans de vieillissement normal.

Pourquoi ? On sait maintenant que le microbiote « communique » avec le cerveau et joue un rôle essentiel dans son équilibre, de sorte que son dérèglement interviendrait dans l’anxiété, la dépression, la schizophrénie, l’autisme, la mémorisation, les fonctions exécutives, comme le raisonnement… Mais les preuves directes chez l’homme manquent, la plupart des résultats ayant été obtenus chez l’animal ou dans le cas de troubles mentaux. Les chercheurs ont donc analysé les données de la cohorte américaine Nurses’ Health Study II ayant suivi, à partir de 2009, plus de 14 000 femmes d’âge moyen, en bonne santé physique et mentale, ces dernières ayant passé des tests neuropsychologiques pendant quatre ans, entre 2014 et 2018. Trois scores étaient évalués : la cognition globale, la vitesse psychomotrice et l’attention, ainsi que l’apprentissage et la mémoire de travail à court terme.

Résultat : les femmes ayant consommé des antibiotiques – pour traiter des infections urinaires, respiratoires, dentaires ou des maladies de peau comme la rosacée – pendant au moins deux mois vers l’âge de 40 ans obtenaient des scores significativement plus faibles dans ces trois domaines sept ans plus tard, en comparaison avec les femmes en ayant pris moins ou pas du tout. Et ce, indépendamment de tout autre facteur, comme le niveau d’étude des participantes ou de leurs parents, les maladies chroniques, l’activité physique ou les consommations d’alcool et de tabac. Avec une diminution des aptitudes correspondant à trois ou quatre années de déclin cognitif normal, lié au vieillissement (sans maladie neurologique comme Alzheimer). Preuve que la consommation d’antibiotiques a un impact direct sur la cognition et la santé mentale en perturbant le microbiote intestinal. Reste à savoir si les hommes sont également concernés.

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Bénédicte Salthun-Lassalle

Bénédicte Salthun-Lassalle est docteure en neurosciences et rédactrice en chef adjointe à Cerveau & Psycho.

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