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Affrontements entre orpailleurs au Tchad : "Jamais la violence n’avait atteint un tel niveau"

Des affrontements intercommunautaires qui ont opposé des membres de plusieurs ethnies autour d’un site d'orpaillage d’or à Kouri Bougoudi, dans l’extrême nord du Tchad, ont fait plus de cent morts entre le 23 et le 25 mai. Notre Observateur appelle à un dialogue entre les communautés et regrette le manque de mobilisation de l’État pour mettre fin à ces violences récurrentes.   

Capture d'écran montrant des tentes incendiées, le 25 mai, sur le site d'orpaillage de Kouri Bougoudi, dans la région de Tibesti, extrême nord-ouest du Tchad.
Capture d'écran montrant des tentes incendiées, le 25 mai, sur le site d'orpaillage de Kouri Bougoudi, dans la région de Tibesti, extrême nord-ouest du Tchad. © Observateurs
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Les affrontements se sont produits dans les montagnes du Tibesti, à environ 1 000 kilomètres au nord de la capitale N'Djamena. Des images d’une rare violence, montrant notamment des corps calcinés, ont été transmises à la rédaction des Observateurs. 

Le point de départ de ces affrontements reste difficile à établir. Tout serait parti d’une "banale dispute entre deux individus qui a dégénérée" selon le général Daoud Yaya Brahim, ministre tchadien de la Défense, cité par l’AFP. Il a ajouté que les affrontements avaient fait 100 morts et 40 blessés.

De leur côté, la Commission nationale des droits de l'Homme et le parti d’opposition Les Transformateurs évoquent un bilan de 200 morts.

Vidéo transmise par un de nos Observateurs, montrant des tentes incendiées au niveau de la "mine 35", à Tibesti, le 25 mai.

 

Arrivée de l'armée tchadienne à Kouri Bougoudi, jeudi 26 mai. Vidéo transmise par un de nos Observateurs.

 

La découverte d'or dans les montagnes de Tibelsi en 2012 ans a déclenché une ruée vers le métal précieux depuis les pays voisins, provoquant des tensions et parfois des affrontements meurtriers. 

Mais c’est la première fois que les violences atteignent un tel niveau, s’inquiète Ahmat Yacoub Dabio, expert en gestion des conflits, président du Centre d'études pour le développement et la prévention de l'extrémisme au Tchad :

Il est très difficile de savoir exactement ce qui s’est passé et ce qui est à l'origine de ce conflit. Selon l’une des versions qui m’est parvenue : en allant faire sa toilette à un endroit un peu à l’écart, un homme âgé issu de la tribu des Tamas est tombé nez à nez avec un homme issu de la tribu Gorane qui lui a  enjoint de ne plus revenir. Mais le lendemain, l’homme âgé est revenu à ce même endroit. Il a alors été tué par des Goranes.

Lors de ces affrontements, des gens ont été brûlés. Les images de corps calcinés qui m’ont été transmises sont atroces. Les conflits intercommunautaires sont fréquents au Tchad, mais jamais la violence n’avait atteint un tel niveau.

Plusieurs ethnies du Tchad se rendent dans la région de Tibesti pour pratiquer l’orpaillage. On peut citer notamment les Zaghawa, les Tamas, les Ouaddaï, qui sont considérés comme issues de la communauté noire tandis que les Gorane, ou Toubou, sont considérés comme appartenant à la communauté arabe.

Il n’est pas possible de savoir précisément quelles communautés ont été impliquées au départ et dans la poursuite des violences, d’autant plus que les chercheurs d’or viennent de tout le pays et des États voisins comme la Libye, le Soudan et le Niger, dans cette région montagneuse. Il n’est pas possible, en l’état, de savoir si la dimension ethnique a présidé au déclenchement des violences ou en est un aspect parmi d’autres. L’accès aux témoins directs n’a pas été possible en raison d’une mauvaise connexion téléphone et Internet.

Vidéo de la "mine de 35", à Kouri Bougoudi, où les affrontements ont éclaté. Vidéo transmise par un de nos Observateurs le 26 mai.

 

Après l’arrêt des combats le 25 mai, les populations  zaghawa, tama et ouaddaï se sont retirées vers les bases de l’armée tchadienne à Tibesti, pour se protéger d'éventuelles attaques, tandis que les Goranes se sont dirigés vers la frontière libyenne au nord. 

La violence intercommunautaire au Tchad existe depuis l’indépendance du pays en 1960. 

Ce sont souvent des éleveurs nomades arabes qui sont opposés à des agriculteurs autochtones. Pourquoi ? Quand un éleveur traverse un champ avec son bétail, il détruit les cultures. L'agriculteur lui répond par la violence, et c'est ainsi que s’est installé un cycle de violences entre communautés au Tchad. 

Et on constate que l’État est absent. Il ne joue pas son rôle de médiateur entre les communautés. Les organisations de la société civile ont aussi un rôle à jouer pour instaurer un dialogue entre les communautés.

En janvier 2019, plusieurs dizaines de personnes avaient trouvé la mort à Kouri dans des affrontements entre des arabes libyens et des membres de la communauté ouaddaï.

Dans un rapport publié en juillet 2021, l’ONU avait estimé que les affrontements intercommunautaires au Tchad auraient fait "309 morts et 182 blessés, déplacé plus de 6 500 personnes, entraîné la destruction de biens et de moyens de subsistance, et provoqué de très fortes tensions entre les communautés".

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