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Guerre en Ukraine : des Congolais dans les rangs de la milice prorusse de Louhansk

Dès le début de l’invasion russe, de nombreux volontaires étrangers sont partis se battre en Ukraine aux côtés de l’armée de Kiev, répondant à un appel du président ukrainien Volodymyr Zelensky. Mais des combattants étrangers se battent aussi aux côtés de l’armée russe, même si peu d’informations filtrent à leur sujet. La rédaction des Observateurs est entrée en contact avec deux Congolais enrôlés dans la milice prorusse de Louhansk. L’un d’eux a accepté de témoigner.

Des photos des passeports militaires (à droite) de deux étudiants congolais (à gauche) combattant pour la Russie dans la guerre en Ukraine, ont été publiées sur les réseaux sociaux pour faire croire à leur mort.
Des photos des passeports militaires (à droite) de deux étudiants congolais (à gauche) combattant pour la Russie dans la guerre en Ukraine, ont été publiées sur les réseaux sociaux pour faire croire à leur mort. © Instagram et Telegram
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Sur son compte Instagram, on peut voir Jean-Claude Sangwa poser en treillis militaire aux côtés de ses amis dans cette publication du 21 octobre 2021. Sur une autre photo datant d'août 2021, il indique être à Louhansk.

Cette photo a été publiée sur le compte Instagram de Jean-Claude Sangwa le 21 octobre 2021.

"J'ai étudié le russe, puis l'économie, avant d'intégrer une école militaire"

Originaire de la RD Congo, Jean-Claude Sangwa est parti étudier en Russie "il y a deux ans et demi". Après le déclenchement de la guerre, il a rejoint la milice de la République populaire autoproclamée de Louhansk (prorusse), comme en témoigne son passeport militaire. Lui estime cependant faire partie intégrante de l'armée russe. Nous avons pu le joindre le 10 mai via WhatsApp.  

J'ai choisi la Russie parce que c'était mon pays de rêve. Et celui de mon père aussi. J'ai fait l'armée avec la bénédiction de mon père, c'est lui qui m'avait envoyé en Russie avant de mourir.

En RD Congo, j'ai fait des études secondaires en latin et en philosophie. Quand je suis parti en Russie, j'ai d'abord vécu à Rostov [dans le sud-ouest de la Russie, à 90 kilomètres de la frontière ukrainienne, NDLR], où j'ai étudié la langue russe pendant une année. Ensuite, j'ai rejoint un frère congolais à Louhansk [région séparatiste prorusse dans l'est de l'Ukraine, NDLR]. J'y ai étudié la langue russe, puis l'économie, puis j'ai intégré une école militaire [avant le début de la guerre, NDLR].

Après le début de la guerre, j'ai rejoint les combats. Ce n'était pas obligatoire, c'était ma volonté. 

Si, dans l'endroit où tu vis, il n'y a pas la paix, qu'est-ce que tu vas faire ? Aller dormir et attendre que ça se termine ? Ça, ce n'est pas un homme.

Nous sommes trois Congolais [dans la république autoproclamée de Louhansk, NDLR]. Il y a des combattants venus des pays arabes, de Biélorussie, de Californie. Il y avait aussi une Française, elle travaille à l'hôpital.

Jean-Claude Sangwa a également été interviewé par le blogueur de guerre russe War Gonzo le 31 mai à Louhansk :

Cette vidéo a été publiée le 31 mai sur la chaîne Telegram "War Gonzo".

Une agence de voyage envoie des étudiants congolais à Louhansk

Jean-Gustave Mukadi Musasa dirige la représentation de l'autoproclamée République de Louhansk (LNR) en RD Congo, qui a ouvert à Kolwezi le 19 février 2019. La LNR qui n'est pourtant pas reconnue par la grand majorité de la communauté internationale, y compris par la RD Congo. 

Contacté par la rédaction des Observateurs, il affirme bien connaître les deux ressortissants congolais. C'est même lui qui les a aidés à partir en Russie.

C'est moi qui les ai fait voyager. Ils sont allés il y a deux ans et demi en Russie pour étudier, mais ils ont choisi d'intégrer une école militaire, donc ils se sont retrouvés là-bas [à Louhansk, NDRL].

Jean-Gustave Mukadi Musasa dirige aussi l'agence de voyage Hope Travel SARL. Sur sa page Facebook, on peut lire qu'elle facilite les démarches aux Congolais pour obtenir des visas touristiques ou étudiants pour la Russie, la Biélorussie et la Pologne. Elle publie régulièrement des photos des jeunes qu'elle accompagne, dont une où l'on peut reconnaître Jean-Claude Sangwa au milieu :

Cette photo a été publiée sur la page Facebook de l’agence de voyage Hope Travel SARL le 13 mars 2020.
Cette photo a été publiée sur la page Facebook de l’agence de voyage Hope Travel SARL le 13 mars 2020. © Facebook

Deux combattants congolais faussement annoncés morts

Fin mars, Jean-Claude Sangwa et un compagnon congolais avaient fait l'objet d'une intox pro-ukrainienne faisant croire qu'ils étaient morts au combat. L'image, publiée à l'origine sur Telegram le 27 mars 2022, montre deux passeports militaires, tamponnés par le commissariat militaire de la LNR. Ils comportent les photos d'identité de Jean-Claude Sangwa et de l'autre homme d'origine congolaise. Sur la légende de la publication, on peut lire, en russe : "Décédés, des mercenaires".

Une publication du 27 mars 2022 sur Telegram affirme que les deux personnes visibles sur la photo seraient décédées.
Une publication du 27 mars 2022 sur Telegram affirme que les deux personnes visibles sur la photo seraient décédées. © Telegram

Rapidement, les images des deux passeports militaires ont été reprises sur Twitter, où certains ont supposé que ces deux combattants pourraient être des mercenaires centrafricains formés par la société militaire privée russe Wagner. Cette société russe forme des soldats en Centrafrique depuis 2018 et est accusée depuis quelques mois de former des militaires maliens.

 

Sur cette publication Twitter du 27 mars, on peut lire : "Deux mercenaires (Wagner?) de République Centrafricaine combattant pour la Russie ont été tués dans le Donbass, dans le sud-est de l'Ukraine".

Selon Jean-Claude Sangwa, la fausse information diffusée à son propos fait partie de la guerre médiatique entre l'Ukraine et la Russie.

Mes documents ont été pris dans une embuscade avec les Ukrainiens. Ils ont pris tous nos documents et ensuite, quand ils ont vu ma carte de soldat, ils l'ont publiée sur Internet pour dire que j'étais mort. Ils avaient beaucoup de documents, ce n'était pas juste moi.

Plus de 100 jours après le début de la guerre en Ukraine, le décompte des victimes militaires reste difficile. Moscou n'a pas récemment communiqué de chiffres précis sur les pertes au sein de son armée. 

Il n'existe aucune donnée fiable quant au nombre de combattants étrangers prorusses se battant actuellement en Ukraine, ni s'il y a des blessés ou des morts parmi eux.

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