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Ukraine : des lycéens de Tchernihiv célèbrent leur diplôme dans les décombres

Pour certains lycéens ukrainiens, la remise des diplômes se fait au milieu des décombres, alors que les bombardements et les combats qui sévissent depuis février ont défiguré le pays. Pour marquer le coup, certains ont décidé de célébrer et marquer la fin de leur scolarité en organisant sciemment une séance de photos… parmi les débris.

Des lycéens ukrainiens de Tchernihiv ont posé parmi les décombres de leur ville pour marquer l'obtention de leur diplôme de fin d'études secondaires, malgré la guerre qui fait toujours rage dans leur pays.
Des lycéens ukrainiens de Tchernihiv ont posé parmi les décombres de leur ville pour marquer l'obtention de leur diplôme de fin d'études secondaires, malgré la guerre qui fait toujours rage dans leur pays. © Stanislav Senyk
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Les 5 et 6 juin 2022, des lycéens de Tchernihiv, au nord-est de l’Ukraine, ont fait à l’occasion de leur remise de diplômes une séance photo bien particulière avec le photographe Stanislav Senyk : leur écharpe de diplômés sur la poitrine, ils prennent la pause au milieu des bâtiments détruits et sur des véhicules blindés. Des photos qui contrastent avec la traditionnelle ambiance festive des célébrations de fin de scolarité.

Tchernihiv a été attaqué par la Russie après le début de l’invasion de l’Ukraine, le 24 février. Les troupes russes se sont finalement retirées de la région, le 31 mars, laissant la ville en ruine. Certaines attaques menées à Tchernihiv ont été qualifiées de “violations flagrantes du droit de la guerre”, tuant de nombreux civils et endommageant les infrastructures de la ville, selon l’ONG Human Rights Watch.

De nombreuses écoles figuraient parmi les cibles. L’une d’entre elles, l’école 21 de Tchernihiv, a été détruite le 3 mars par une bombe, alors qu’elle servait d’abri. Les responsables de la ville de Tchernihiv affirment que seuls 7 des 35 écoles de la ville ont été épargnées par la guerre.

Résultat, la séance photo réalisée par ces lycéens de Tchernihiv avait ainsi pour toile de fond la ville en ruine : magasins, écoles, équipements militaires désaffectés…

Une lycéenne de Tchernihiv pose parmi les débris laissés par la guerre dans la ville.
Une lycéenne de Tchernihiv pose parmi les débris laissés par la guerre dans la ville. © Stanislav Senyk

“Nos photos montrent la vie de diplômés à qui on a arraché une fin d’adolescence heureuse” 

Olha Babynets est une lycéenne de 17 ans, diplômée de Tchernihiv. Elle a participé à la séance photo. Son école a heureusement été épargnée par les dégâts majeurs des attaques russes, mais elle termine actuellement ses cours en ligne.

Avec ces photos, nous avons voulu montrer nos vies, les vies des enfants qui sont devenus adultes le 24 février, qui doivent se battre pour leur vie et celle de leur famille. Nous sommes l’avenir de l’Ukraine et nous allons construire un pays européen fort et beau. Nous avons également voulu montrer la force des Ukrainiens. “Nos photos montrent la vie de diplômés à qui on a arraché une fin d’adolescence heureuse” 

Olha Babynets, lycéenne de Tchernihiv, pose avec une écharpe de diplômée devant une fenêtre brisée.
Olha Babynets, lycéenne de Tchernihiv, pose avec une écharpe de diplômée devant une fenêtre brisée. © Stanislav Senyk

 

“Certains de mes camarades de classe disent qu’ils ne reviendront jamais en Ukraine."

Moi, ma mère et mon frère, nous avons quitté la ville dès que la guerre a commencé. Mais mon père et ma grand-mère sont restés ici. J’étais si inquiète pour eux – nous avons essayé de les appeler tous les jours. Beaucoup de mes camarades de classe sont également allés dans des villes plus sûres, certains ont quitté le pays. Il y en a qui disent qu’ils ne reviendront jamais en Ukraine. D’autres qui ne reviendront que lorsque la guerre sera terminée. Certains d’entre nous sont déjà revenus ici pour reprendre leur scolarité et se préparer aux examens de fin d’années. 

Je termine ma scolarité dans deux semaines. Personnellement, je suis très triste de ne pas être à ma table, au lycée. Mais je sais que chacun d’entre nous a un grand et heureux avenir devant lui ! Je vais passer mes examens et aller à l’Université en Ukraine. Certains de mes amis et camarades de classe vont également continuer à étudier en Ukraine et dans d’autres pays d’Europe. 

“Ces enfants auront un jour leurs propres enfants :  ils pourront leur montrer ce qui se passe en ce moment"

Notre rédaction s’est entretenue avec le photographe Stanislav Senyk qui a créé la série photo des diplômés. Spécialisé dans les photos de mariage et les portraits, il a capturé depuis le début de la guerre, le 24 février 2022, des scènes de désolation et de destruction. 

Avant la guerre, j’avais fait une série de photos pour un album de remise de diplômes dans un village près de Tchernihiv, alors j’ai voulu y retourner. J’ai pris des photos de l’une des classes près de leur école. Elle n’était pas complètement détruite, mais une bombe a explosé à quelques mètres, elle était donc très endommagée. Une autre école où nous sommes allés prendre des photos à Tchernihiv a été, elle, totalement détruite. 

Des lycéennes à l'extérieur de l'école 34 de Tchernihiv avec leurs écharpes de diplômées.
Des lycéennes à l'extérieur de l'école 34 de Tchernihiv avec leurs écharpes de diplômées. © Stanislav Senyk
Un lycéen portant une écharpe de diplômé se tient devant l'école 34 de Tchernihiv, endommagée pendant la guerre.
Un lycéen portant une écharpe de diplômé se tient devant l'école 34 de Tchernihiv, endommagée pendant la guerre. © Stanislav Senyk

 L’objectif principal de ce projet photo, c’est de conserver des souvenirs. L’histoire est en train de s’écrire en ce moment même. C’est très important, non seulement pour ces lycéens, mais aussi pour l’ensemble de notre nation. Si, par exemple, nous avions des photos de la façon dont la Russie a agi en Ukraine dans le passé – si tous les parents et grands-parents avaient un album de photos –, je pense que nous n’aurions pas la guerre d’aujourd’hui. C’est important, car ces enfants auront un jour leurs propres enfants et ils pourront ainsi leur montrer ce qui se passe actuellement. Je veux aussi aider ces personnes [que j’ai photographiées]. Je suis photographe, je peux aider en prenant des photos. Les photos peuvent porter des émotions. Je veux donc les aider en les partageant.

Des lycéens de Tchernihiv posent parmi les débris laissés par la guerre dans leur ville.
Des lycéens de Tchernihiv posent parmi les débris laissés par la guerre dans leur ville. © Stanislav Senyk

Stanislav Senyk explique que la plupart des lycéens qu’il a photographiés iront à l’Université. Près de 40 élèves ont participé à cette séance photo, mais beaucoup de leurs camarades avaient déjà fui la guerre.

Le photographe cherche aujourd’hui un moyen d’exposer son travail et d’organiser une vente aux enchères, afin de pouvoir lever des fonds pour les forces armées ukrainiennes.

Valser sur les ruines de son lycée 

À travers l’Ukraine, les lycéens ont trouvé différentes façons de célébrer leur remise de diplômes, malgré la violence et la destruction engendrée par la guerre. 

Une classe de diplômés de l’école spécialisée 134 à Kharkiv est retournée sur ce qui restait de leur lycée pour le traditionnel bal des diplômes, le 5 juin. Les élèves ont dansé et ont pris la pose en robe de diplômés sur les décombres de leurs écoles, sous le regard des soldats ukrainiens.

Une photo de l’une des lycéennes qui portait sa robe de diplômée devant les ruines de son école est même devenue virale sur Twitter. Valaray, la jeune fille de 16 ans sur l’image, a déclaré à la BBC :  “La moitié de ma classe est partie à l’étranger, certains civils vivaient dans la clandestinité, mais maintenant une sorte de vie normale commence à revenir. [...] Quant à cette photo, je voulais montrer ce contraste entre mon école et moi. Elle décrit la situation dans le pays."

Théâtre de violentes batailles, l’école 134 a subi d’importants dégâts dans les premiers jours de la guerre, le 27 février, comme le montrent des vidéos diffusées sur les réseaux sociaux. Depuis, de nombreux élèves suivent leurs cours en ligne, la plupart ayant fui la guerre. Un lycéen a déclaré au média ukrainien Suspilne que seul un tiers de ses camarades de classe se trouvait encore à Kharkiv et avait pu assister à la cérémonie de remise des diplômes.

Le gouvernement ukrainien a déclaré que les bombardements russes ont touché au moins 1 778 écoles dans le pays, détruisant complètement 194 d’entre elles. Selon les experts, la guerre a perturbé l’éducation des 7,5 millions d’Ukrainiens en âge d’aller à l’école.

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