Quatre enfants s’agrippent à la jupe de leur mère, ventre arrondi et baluchon sur la tête. Face à elle, une rangée d’hommes en colère, poing ou bras levés. Et au loin, le village qu’elle est sommée de quitter. Ce dessin de presse signé Main2Dieu fait la une de Sidwaya, le quotidien gouvernemental burkinabè. Il illustre un long reportage de Mariam Ouedraogo sur Alima, 28 ans, violée par des terroristes, puis chassée par la famille de son mari. En une, ce titre : “Femmes violées par des Hani [hommes armés non identifiés] : non coupables, mais répudiées”.
Alima est mère de cinq enfants dans un foyer polygame. Au début de l’année 2021, elle fuit son village de la province du Sanmatenga [région Centre-Nord], attaqué par des groupes armés terroristes. Elle se réfugie à une quinzaine de kilomètres. Mais au bout d’un mois, “Alima et un groupe de femmes décident de repartir dans leur village pour ramener quelques effets et de quoi survivre, en attendant l’aide humanitaire. Sur le chemin du retour, elles tombent sur un groupe de 15 terroristes armés. Alima et une autre femme sont amenées dans des endroits séparés et violées chacune par sept hommes.”
Trois mois plus tard, Alima découvre qu’elle est enceinte. Trop tard pour avorter. Informée par un témoin du viol, la famille de son mari argue “que dans leur coutume, ils ne se ‘mélangent’ pas avec l’ethnie de ceux qui l’ont violée”. Répudiée, arrachée à ses enfants, elle rencontre alors de “généreuses femmes”. Individus ou personnels de l’action sociale, elles l’accueillent, l’accompagnent.
Illustration de ces réseaux de solidarité féminine, ce récit dresse aussi le constat d’une implacable “loi du silence”. “Une fois libérées des mains de leurs tortionnaires, la consigne que se donnent [ces femmes] est de garder le silence. L’omerta est même de rigueur avec les agents de santé lors des consultations. […] Les victimes du viol prennent toutes ces précautions pour se mettre à l’abri du rejet de la société.” Quitte à attribuer, conclut Sidawaya, la grossesse et l’enfant né de cette agression à leur mari.
Créé dans la foulée de la “révolution” de Thomas Sankara (1983), ce quotidien est le titre phare de la presse gouvernementale. “Voici la vérité” (en langue mooré) se distingue de ces concurrents en accordant davantage de place aux sujets de société.
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