Une embarcation de migrants en mer Égée. Crédit : Reuters
Une embarcation de migrants en mer Égée. Crédit : Reuters

La Grèce a été condamnée jeudi par la Cour européenne des droits de l'Homme pour le naufrage en 2014 en mer Égée d'une embarcation transportant une trentaine de migrants, dont 11 avaient perdu la vie. Aucune enquête approfondie n'a depuis été menée sur ce drame. La Cour a alloué 330 000 euros aux 16 requérants, tous rescapés du naufrage.

Coup de semonce envers la Grèce. La Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH) a condamné Athènes, jeudi 7 juillet, pour le naufrage en 2014 en mer Égée d'une embarcation transportant une trentaine de migrants, dans lequel 11e personnes sont mortes. 

Les autorités grecques "n'ont pas mené une enquête approfondie et effective permettant de faire la lumière sur les circonstances du naufrage", a souligné dans un communiqué la juridiction.

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Selon la Cour, ces autorités n'ont pas non plus "fait tout ce que l'on pourrait raisonnablement attendre d'elles pour offrir aux requérants et à leurs proches le niveau de protection requis par l'article 2 de la Convention" européenne des droits de l'Homme, qui protège "le droit à la vie".

En conséquence, la CEDH a alloué un total de 330 000 euros aux 16 requérants - treize Afghans, deux Syriens et un Palestinien, tous rescapés de ce naufrage.

"Absence d'une enquête approfondie et effective"

Le drame remonte au 20 janvier 2014. Ce jour-là, un bateau de pêche transportant 27 migrants avait chaviré au large de l'île de Pharmakonisi, près des côtes occidentales turques. 

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Les versions qui expliquent ce naufrage diffèrent. Selon les requérants, un "navire des garde-côtes aurait navigué à une très grande vitesse pour refouler les réfugiés vers les côtes turques, ce qui aurait provoqué le chavirage du bateau", explique la Cour. Les autorités grecques soutiennent en revanche que "l'embarcation était remorquée vers l'île de Pharmakonisi pour secourir les réfugiés et le chavirement du bateau a eu lieu en raison de la panique de ses passagers" et de leurs "mouvements brusques".

Qui des deux dit vrai ? Impossible à savoir, estime la Cour. En raison de "l'absence d'une enquête approfondie et effective", la juridiction considère en effet qu'elle ne peut pas se prononcer sur plusieurs détails spécifiques de l'opération de sauvetage.

"De sérieuses questions quant à la manière dont l'opération a été conduite"

"Des défaillances dans la procédure" de sauvetage ont par ailleurs été relevées. "Les garde-côtes [grecs] n'ont à aucun moment considéré la possibilité de demander d'aide supplémentaire ou les autorités compétentes n'ont pas été informées d'envoyer sur place un bateau" adapté à "une opération de sauvetage", poursuit la CEDH. Celle-ci pose "de sérieuses questions (...) quant à la manière dont l'opération a été conduite et organisée".

Outre la violation de l'article 2, elle a constaté celle de l'article 13 - relatif à l'interdiction des traitements inhumains ou dégradants - car 12 requérants, une fois ramenés sur la terre ferme, ont fait l'objet de fouilles corporelles injustifiées.

Les forces grecques sont régulièrement accusées, par des migrants comme par des organisations de défense des droits humains, de refoulements illégaux à sa frontière. L’ONG Aegean boat report a recensé 629 cas de "pushbacks" en mer Égée en 2021. Plusieurs témoignages qu'elle a recueillis font état de migrants jetés à l’eau par les autorités grecques, certains "menottés avec des bandes de plastique". InfoMigrants reçoit régulièrement des témoignages, notamment de migrants, qui vont dans ce sens. De son côté, Athènes dément systématiquement.

 

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