"Je n’ai retrouvé personne" : Esther Senot, rescapée d'Auschwitz, témoigne 80 ans après la rafle du Vel d'Hiv

Léa Tintillier | Reportage TF1 : Philomène Rémy, Marie Simon
Publié le 17 juillet 2022 à 23h19, mis à jour le 17 juillet 2022 à 23h28

Source : TF1 Info

Esther Senot est revenue de loin.
En 1942, elle échappe à la rafle du Vel’ d’Hiv, mais elle est arrêtée un an plus tard et déportée à Auschwitz.
Avant de mourir, sa sœur lui a confié la mission de témoigner.

Esther Senot est une survivante. "Moi, j'avais quatorze ans et mon petit frère, onze ans. On était à la fenêtre et là, j'ai vu descendre des personnes âgées sur des brancards, des femmes avec des bébés qui hurlaient". Le 16 juillet 1942, Esther Senot assiste à la première rafle des habitants du Passage Ronce dans le 20ᵉ arrondissement de Paris. Ce jour-là, sa famille est épargnée. Esther part donc mettre en garde sa belle-sœur dans un autre quartier et revient le lendemain. "Quand je suis revenue, je n’ai retrouvé personne. Finalement, je me suis retrouvée toute seule dans ce passage désert", raconte-t-elle devant les caméras de TF1. 

Sa famille fait partie des 13.152 juifs arrêtés en deux jours par les autorités françaises. C’est ce que l’on a appelé plus tard la rafle du Vel’ d’Hiv’. Livrée à elle-même, cette adolescente va devoir survivre dans une France qui bascule dans l’horreur, jusqu’au jour où elle se fait arrêter lors d’un contrôle d’identité en 1943, un an après sa famille. "Moi, j’étais presque soulagée, je me suis dit dans ma tête ‘c’est fini la galère, je vais retrouver mes parents’. On peut dire que jusqu’à la dernière minute, enfin, je ne sais pas les adultes, mais moi, je pensais que j’allais les retrouver", soupire-t-elle. Elle ne les reverra pas. 

Une mission confiée par sa sœur mourante

Déportée au camp d’extermination d’Auschwitz, elle y retrouve sa grande sœur Fanny qui lui confie une mission avant de mourir, à bout de force. "Elle m’a dit ‘tu promets de raconter tout ce qui s’est passé ici, ce que des gens sont capables de faire, de toutes les horreurs qu’on a vécues, ce qu’on a supporté. Il faut qu’on ne soit pas les oubliés de l’Histoire'", reprend Esther. 

Esther est donc devenue une combattante de la Mémoire. Elle écrit un livre, anime des conférences et transmet à son fils son histoire. "Elle a survécu, elle a réussi à fonder une famille, à se marier, à avoir des enfants, des petits-enfants, des arrière-petits-enfants, donc je pense que c’est une revanche sur la vie", témoigne son fils Daniel Senot. 

Une revanche sur la vie mise à l’honneur par la ville de Saint-Cyprien qui lui a donné un nom de rue. "Ça fait un drôle d’effet parce qu’avoir un nom de rue de son vivant, c’est assez rare. Ce qui est dommage, c’est que quand ils mettent les noms des rues, ils ne marquent pas en dessous ce qu’on a fait, ça sert à quoi ? Ils auraient pu mettre la rue des Papillons ou la rue de ce qu’ils voulaient, c’était pareil", plaisante Esther. Aujourd’hui, Esther a 94 ans. Elle continuera d’honorer sa promesse et reprendra ses conférences en septembre. 


Léa Tintillier | Reportage TF1 : Philomène Rémy, Marie Simon

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